LVI. 30 septembre 1935 - la chambre

112 20 26
                                    

Seule.

Seule pour aujourd'hui. Mais qu'était aujourd'hui ? Elle ne savait plus. Le soleil et la lune avaient disparu. Il ne restait que les ténèbres. La fin du monde dans un monde qui vivait encore, mais sans elle. Pas de lumière. Pas de son.

Rien.

Elle se demandait parfois si elle était encore vivante, puis elle se pinçait et ne ressentait rien. Elle ouvrait les yeux mais ne voyait rien. Était-ce cela, la Mort ? Avalait-elle si rapidement ? Elle ne l'avait même pas vue venir. Perseus était parti, les bougies s'étaient éteintes et elle était morte. Si facilement. Quels étaient les derniers mots qu'elle avait prononcé déjà ?

Ah oui.

Envoie-la danser avec le Diable.

Au final, c'était peut-être elle que le diable allait inviter.

Dormir était la meilleure solution pour se perdre hors de cette prison. Elle ne rêvait pas, ne cauchemardait pas, elle plongeait juste dans un néant infini et flottait des heures entières. Parfois, quand elle se réveillait, une assiette à moitié pleine l'attendait, mais Callidora n'y touchait pas. Le plat refroidissait, on le remportait des jours plus tard. Puis un autre aparaissait d'un claquement de doigt, et Callidora le laissait moisir.

En fait, elle voulait juste mourir. Pour de bon.

Parfois, elle pensait à Harfang. Il était comme un lointain souvenir, un morceau d'elle appartenant à une autre vie. Revoir son visage était comme revoir un fantôme. Elle ne pouvait pas lui parler, juste le regarder, tenter de se remémorer le goût qu'avaient ses lèvres même si elle ne réussissait jamais. Dans ces moments là, elle pleurait. Mais plus ça allait, et moins ça lui arrivait.

Soudain, plusieurs bougies reprirent vie. Était-ce le jour ? À quoi ressemblait la lumière du soleil, comment ressentait-on sa chaleur ? Elle avait oublié. Non, ce n'était pas le jour, c'était quelqu'un. Juste quelqu'un qui allait venir, lui adresser deux mots, puis repartir. Les gens repartaient toujours, peu importe ce qu'ils promettaient.

Callidora fut aveuglée par tant de bougies. Leurs lueurs infiltraient ses yeux comme de longues aiguilles brûlantes. Elle posa ses mains devant, maudissant celui qui avait eu l'idée de lui rendre visite. Chaque fois qu'on venait la voir, c'était pour lui arracher une nouvelle partie de son âme.

-Bonjour, petite colombe.

Cette voix lui était inconnue. Elle avait appris à reconnaître celle d'Alander et de Vinda, celle de Marianne même. La voix de Perseus lui restait vague, mais elle serait capable de l'identifier. Celle-ci ? Elle n'était même pas sûre de l'avoir entendu une seule fois dans sa vie.

Non sans grimacer, elle écarta ses doigts de sa vue et fit un effort magistral pour discerner le visage qui se présentait face à elle.

-Tu ne me reconnais pas ?

"Non", voulut-elle répondre, mais ses cordes vocales ne fonctionnaient plus. Elle crut voir un sourire. Elle n'était pas sûre, tout était un peu flou.

-Caspar Croupton.

Son coeur rebondit. Ainsi, ce cauchemars n'avait pas de fin. Ses démons iraient la voir un par un dans cette cave humide et mettraient un point final à sa vie. Des doigts vinrent toucher sa joue, ramenèrent des mèches derrière son oreille, des doigts qu'elle n'avait même pas souhaité sentir contre sa peau.

-Tu te souviens, j'étais ton promis avant que cet idiot de Londubat ne te vole à moi.

Elle voulut reculer, mais le mur resta solidement ferme.

-Non non, tu ne m'échapperas pas cette fois-ci.

Elle n'avait pas réussi à voir clairement son visage, mais elle n'en eut même pas l'opportunité. Il enferma son bras dans sa main et la coucha sur le sol. Elle aurait voulu lutter, hurler, mais cela faisait des jours qu'elle ne mangeait plus et sa force l'avait abandonnée. Peut-être que son désir de mourir finirait par la tuer. Son horrible main recouvrit sa bouche, comme si elle avait été capable d'hurler. Qui l'aiderait de toute manière ? Ses bourreaux ?

Ascension - 𝔅𝔩𝔞𝔠𝔨 𝔖𝔢𝔯𝔦𝔢𝔰 IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant