Prologue

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Paris, 1928

La pluie tombait en rafales dans les rues de la capitale. Pas un chat ne traînait, ni même un rat. Les pavés suintaient d'une eau glaciale, le ciel grondait, régulier et menaçant. Un corbeau s'était posé sur la gouttière d'un immeuble. Ses plumes semblaient trop lourdes pour pouvoir voler ; la météo l'avait pris de court. Quand il tenta de se secouer, une rémige de jais tomba. Gorgée d'eau, elle virevolta dans les airs, incessamment déstabilisée par les gouttes disgracieuses. Les yeux noirs de l'oiseau la regardèrent chuter.

La ruelle désertée l'accueillit avec bienveillance. Alors qu'elle s'approchait dangereusement du sol, un « crac » sonore la poussa quelques centimètres plus loin. Après quelques virevoltes, elle se déposa tranquillement sur la pierre. Devant elle, des chaussures noires cirées. Elle venait à peine de se poser que l'homme s'empara de son bout et la souleva. Le parapluie la protégea du déluge. Il la leva vers le ciel, ses pupilles scrutant ses détails avec attention. Les muscles de son visage se crispèrent, ses sourcils se froncèrent sous la concentration. Oui, c'était bien elle. Sa couleur était bien trop profonde pour provenir d'un simple volatile. Son regard changea de direction. Il tomba sur l'immeuble et la petite figure qui s'y était plantée et attendait.

-Tu peux descendre, dit-il. C'est moi.

L'écho répéta ses mots plusieurs fois. N'importe quel étranger aurait pensé qu'il parlait seul, mais Régulus Black n'en avait rien à faire. Le corbeau, lui, l'avait compris. Il dévoila lentement ses ailes, tel un aigle se préparant pour la chasse et soudain, s'envola. Ses plumes de jais se convertirent alors en une épaisse fumée noire, son corps s'y mêla et sa tête s'y noya. Le processus fut rapide. Le tourbillon ébène s'allongea alors qu'il plongeait dans le vide. Un pied atterrit là où la plume s'était posée quelques instants auparavant. La carrure solide d'un jeune homme prit forme. Un sourire discret étira ses lèvres et il plongea son regard couleur charbon dans celui de son jeune frère.

-J'ai cru que tu allais me laisser là encore plusieurs années.

Ils s'enlacèrent, se donnant des tapes dans le dos comme ils en avaient l'habitude. Le parapluie au milieu ne sembla pas les déranger. Cela faisait des mois qu'ils ne s'étaient pas vus. Régulus avait du rester à Londres pour appuyer Fawley contre les attaques de Spencer-Moon, ce-dernier désireux de prendre sa place de Ministre de la Magie. Arcturus, lui, avait réglé les dernières affaires du divorce. Sauf que sa situation était devenue légèrement plus délicate au cours de ces dernières semaines.

-As-tu réussi à tirer quelque chose de Vinda ?

-Avec difficulté, mais oui. Le fait que Grindelwald ait été mis au courant de notre venue nous a grandement aidé.

Son ton était serein, mais Régulus n'était pas assez idiot pour croire que son frère aîné ne ressentait rien. Il avait aimé Vinda comme un fou durant leurs premières années de mariage. Le fait que leur union ait été arrangée ne l'avait pas ralenti dans sa passion. Elle, au contraire, avait eu d'autres plans. Quand elle avait rejoint Grindelwald, Arcturus avait laissé sa rage éclater. Il avait cherché à la retrouver, mais le mage noir bougeait beaucoup, et l'Europe était grande. N'ayant plus aucune nouvelle d'elle, la mélancolie avait fini par recouvrir sa colère et Vinda Rosier s'était transformé en un simple souvenir. Jusqu'à ce qu'elle ressurgisse de nulle part et demande le divorce.

-C'est lui qui importe, à présent. Fais comme si elle n'existait pas.

Sa mâchoire se contracta mais il ne répondit rien. Les deux frères s'engagèrent dans une ruelle. La semelle de Régulus marcha sur un journal imbibé d'eau sur lequel on pouvait encore lire « GRINDELWALD REPRENDS LE POUVOIR EN EUROPE ». L'encre diluée avait jadis écrit « Deux cents moldus tués lors d'une rencontre sportive en Allemagne ». Tandis que les aînés Black avançaient, les pancartes s'étaient multipliés. Collées pauvrement sur les murs de pierre, certaines réclamaient la paix, d'autres l'éradication totale des Non-Magiques. Arcturus détourna le regard et se concentra sur le chemin à parcourir. Régulus, lui, ne les avait même pas remarqué. Ils arrivèrent sur une avenue ; là, quelques passants couraient pour fuir la pluie, un chien aboyait et un hibou dont la patte avait été arrachée clopinait sur le trottoir. Du sang coulait de sa plaie. Arcturus leva sa baguette, prit par la pitié. Son frère avait continué son chemin indifféremment.

Ascension - 𝔅𝔩𝔞𝔠𝔨 𝔖𝔢𝔯𝔦𝔢𝔰 IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant