Ascension - 𝔅𝔩𝔞𝔠𝔨 𝔖𝔢𝔯𝔦𝔢𝔰 I

XL. 24 décembre 1933 (2/2) - le courrier

Régulus poussa avec véhémence la porte d'entrée du pied. La baguette coincée sous son bras, il avait réussi à lancer un sort pour la déverrouiller. Cassiopeia gisait inerte dans ses bras. Sa tête balançait tristemenent en arrière. Sa main pendait sur le côté, comme si elle était déjà morte.

-Tiens bon, cousine, marmonna-t-il alors qu'il s'engouffrait dans le vestibule.

Toute la famille était réunie dans le Manoir de Cygnus pour fêter Noël. Il pouvait entendre les voix s'élever depuis la Salle à manger. Il aurait voulu hurler à l'aide, parce que son sort de guérison ne tiendrait pas longtemps, mais son souffle manqua. Il observa la blessure avec inquiétude. À tout moment, elle pouvait se rouvrir et cracher du sang. Elle en avait déjà perdue assez jusqu'à maintenant.

Il ne songea pas à ses propres blessures. La priorité était Cassiopeia. Il était hors de question qu'elle l'abandonne, elle devait vivre. Sa cousine s'était transformée en l'image même de la Maison Black, c'était pour cette raison que Alander lui avait enfoncé son poignard. Et même au delà de ce concept, malgré toutes les erreurs qu'elle avait pu comettre... elle restait Cassiopeia. Et elle ne méritait pas la mort, pas aussi jeune.

Les conversations se suspendirent quand Régulus débarqua dans la salle à manger. Cygnus fut le premier à se redresser, reconnaissant sa fille inconsciente. Lycoris contempla l'état de son frère, puis celui de sa cousine, et l'envie de crier de rage lui vint.

-Qu'est-ce qui s'est passé ? s'exclama Pollux.

Il était devenu aussi blanc qu'un linge. Régulus déposa Cassiopeia sur le canapé puis se redressa en s'essuyant le front. Il comprit trop tard qu'il venait de se peindre le visage de sang.

-Mon sort de guérison est laborieux. La blessure va s'ouvrir à tout moment.

-Quelle blessure ? demanda Cygnus en s'agenouillant près de sa fille.

Il n'eut pas à entendre la réponse. L'immense tâche rouge sur la robe lui suffit. Violetta recouvrit sa bouche avec sa main. Pollux rejoint son père et tint la main de sa soeur, comme si celle-ci avait besoin de son appui. Cassiopeia était déjà dans un autre monde. Sur la limite entre la vie et la mort.

Cygnus commença à murmurer des sorts en passant sa baguette au-dessus de la blessure. Régulus observa ses mains. Elles étaient rouges. Du sang, que du sang, partout. Ses côtes lui faisaient mal. Quand il passa la langue sur sa lèvre, un goût de fer emplit sa bouche. Il se rappelait de la douleur des coups. La brûlure de l'humiliation. À ce moment là, le seul instinct qui l'avait poussé à bouger n'avait pas été la colère, mais la survie.

-Que t'ont-ils fait ? lâcha Lycoris dans un souffle.

Sa main lui caressa la joue mais ce fut comme si elle lui avait asséné une gifle. Le visage de Régulus se contracta violemment et il recula d'un pas. Son regard fut irrémédiablement attiré par ses mains une nouvelle fois, le liquide pourpre qui les recouvrait, puis ces murmures qui atteignaient ses oreilles et le rendaient fou, fou.

-À qui appartient ce poignard ? demanda Arcturus.

Quel poignard ? Il observait ses mains depuis plusieurs minutes et venait à peine de s'apercevoir qu'il tenait un poignard dans les mains. Depuis combien de temps ? Éait-ce celui qui avait condamné Cassiopeia ? Oui, c'était lui. Il y avait une rose gravé sur le pommeau. Il ne pouvait appartenir qu'à une seule famille.

-Les... les Rosier, déglutit-il.

Même leur nom lui arrachait la langue. Cygnus se releva et lui prit la lame des mains. Cassiopeia paraissait seulement dormir. Il y avait une telle sérénité implantée sur son visage que, sans la tâche rouge sur son abdomen, il l'aurait crue somnolante. Il revit brusquement ses yeux emplis d'horreur. Sa frayeur face à l'idée de mourir, ses lèvres entrouvertes sur un cri silencieux, sa main engluée dans son propre sang. Il recula d'un nouveau pas, blessé par ces visions.