XXXIX. 24 décembre 1933 (1/2) - la valse

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-Tu te rappelles ce que ton père a dit ?

-Je ne suis pas idiote.

Cassiopeia retira sa cape de velours et la déposa à l'entrée. Personne ne se trouvait dans le vestibule. Ils étaient seuls dans ce long couloir bleu, entre les murs de l'ennemi. La musique de l'orchestre leur parvenait depuis l'étage. Comme les Rosier s'acharnaient à tout faire différemment, leur salle de bal se trouvait au plus loin de la porte d'entrée, comme pour faire perdre volontairement les invités dans le dédale de tournants et d'escaliers. Par chance, Régulus connaissait le chemin. Il ne manquait plus qu'ils s'égarent.

-Aucune provocation explicite.

-J'ai dit que je n'étais pas idiote.

Ils lui tapaient sur les nerfs à tous lui répéter la même chose. Oui elle était excitée à l'idée d'apparaître par surprise au milieu de la petite fête d'Adonis Rosier, mais elle savait surveiller ses mots. C'était plutôt Régulus dont il fallait se méfier. Il agissait souvent sous l'impulsion. Mais bon, qui allait dire au politicien de faire attention à ses paroles...

Cassiopeia se tourna vers les marches coulantes de l'escalier. Elle imaginait la tête de Vinda et Adonis quand ils les verraient arriver. Jouissif. Surtout quand elle avait elle-même pris soin de choisir leur tenue. Sa robe était d'un doré plus éclatant que le soleil lui-même, et Régulus portait un costume assorti. Cette couleur lui allait plutôt bien, au final, même s'il avait mis du temps pour céder.

-Nous allons les écraser, se réjouit-elle. Et nous n'avons pas besoin de mots pour ça, crois-moi.

Régulus ne répondit pas, mais elle vit à son regard que cette perspective lui faisait autant plaisir. Sirius Black les avaient choisis eux pour leur qualité d'orateurs, mais ils étaient aussi ceux qui avaient le plus envie de voir leur ennemi se décomposer sous leurs yeux. Vinda croyait vraiment que, parce qu'ils les avaient éliminés de la liste, ils les élimineraient de l'élite... c'était naïf de sa part.

-Ton bras.

Régulus le présenta comme demandé et Cassiopeia posa sa main gantée dessus. Elle souleva de son autre main son jupon et ils montèrent les marches dans un silence respectueux. Des portraits les fixaient avec soupçon. Certains murmuraient. Il y aurait bien plus que des murmures ce soir.

L'épaisse porte de la salle de bal était fermée. Il s'agissait d'une aile à part, destinée à ce genre d'événement particulier. Derrière se trouvaient toutes les familles sang-pur de la liste, discutant gaiement de sujets sans intérêt. Derrière se trouvaient Vinda et ses frères. Derrière se trouvait l'ennemi. Un demi sourire étira les lèvres de Cassiopeia. Régulus sortit sa baguette et murmura un sort. "Alohomora".

Les battants s'ouvrirent lentement et le monde s'arrêta de respirer.

Des centaines d'yeux se posèrent sur eux. Des regards divaguaient, cherchaient des réponses. Pas un mot ne fut prononcé. C'était comme si un Détraqueur était passé et avait aspiré l'âme de chacun des invités.

Dans le fond on savait que ça allait arriver, mais on refusait de l'accepter.

Balayer les Black d'un seul geste de la main était trop facile. Voilà qu'ils se retrouvaient face à deux figures féroces prêts à tout pour arracher les yeux de leurs ennemis. Cassiopeia ferait couler le sang si nécessaire. Mais une chose était sûr : rien ni personne ne les détrôneraient. La foule leur créa un chemin naturel vers les propriétaires du Manoir. Les deux indésirés s'avancèrent sous un poids de stupéfaction et de  regards noirs. Cassiopeia releva le menton, se sachant resplandissante dans sa robe dorée. Les plus intelligents comprendraient le message de leur tenue.

Ascension - 𝔅𝔩𝔞𝔠𝔨 𝔖𝔢𝔯𝔦𝔢𝔰 IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant