LXIV. 14 février 1936 - les fantômes du passé

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Le cri de la foule s'élevait face au Ministère comme celui d'un monstre assoiffé. Des drapeaux noirs avaient été hissés avec le symbole d'un corbeau prêt à s'envoler. Les sorciers hurlaient au renouveau, à la renaissance de leur société. Ils espéraient qu'un jeune Ministre comme Régulus puisse changer les choses. Le corbeau était un signe d'envol pour eux.

Callidora aurait voulu leur dire que cet envol n'était destiné qu'aux Black.

Lycoris s'occupait d'arranger les ornements du costume de son frère, écartant toute poussière. Son sourire était indécrochable. Régulus, lui, portait un masque de pierre, mais elle savait qu'à l'intérieur, il se réjouissait. Il avait gagné. Hector était malade et il ferait en sorte d'éterniser sa maladie. Plus il agoniserait, et plus il resterait longtemps Ministre. Callidora trouvait cela affreux mais elle ne pouvait pas s'y opposer. Le mal était déjà fait.

Quand son cousin l'aperçut, il la fixa de longues minutes. Le remord rongea son regard, ainsi que la culpabilité. Callidora n'aurait jamais imaginé contempler ces émotions sur lui. Et pourtant, le voilà qui cherchait à se faire pardonner. Il écarta doucement sa soeur pour lui laisser place. Elle se tint droite face à lui, ses traits gravés dans du marbre. Plus rien ne la toucherait.

-Je suis heureux que tu nous sois revenue saine et sauve.

-Saine je ne sais pas. Sauve oui.

Les cris de la foule ne firent qu'augmenter. Régulus n'était pas dupe. Parmi les sorciers qui acclamaient son nom se trouvaient ceux qui le maudissaient. Mais il fallait de tout pour faire un peuple. Il jeta une oeillade à la vue qui se présentait depuis le grand balcon puis se reconcentra sur Callidora. Il prit sa main, lui ôta lentement son gant en cuir et la porta à ses lèvres. Elle frissona. Sa peau était froide, il était froid. Le poids de ses erreurs qui transformait son coeur en glace, peut-être. Des choses qu'il avait vécu et dont elle n'avait absolument aucune idée. Chacun d'eux avait ses secrets. Pour elle, c'était le monstre. Pour d'autre, c'était autre chose. L'important était de savoir que l'on était jamais le seul à souffrir.

-Je suis désolé, articula-t-il.

Elle serra sa main.

-Je sais.

-Les Rosier seront exterminés pour ce qu'ils t'ont fait, je te le promets.

-Pas tous, non. Leurs enfants n'ont rien fait. Mais pour ce qui est de Marianne et Vinda, je m'occuperai d'elles personnellement.

-Comme tu voudras.

Un fin sourire retroussa sa commisure. Il était fier de voir ce qu'elle était devenue. Et quelque part, elle trouva cela triste. Parce qu'on ne devenait intéressant que quand on était habité par des démons, et elle en était la preuve même. Mais qu'espérait-elle de plus ? Elle était une Black. Le bonheur n'avait pas sa place dans leur famille.

-Ils t'attendent, dit-elle.

Les acclamations fusaient. Le monde magique était en feu. Régulus lâcha sa main puis se tourna vers les grandes portes menant au balcon. Il s'apprêtait à faire son entrée dans le grand monde. Il allait apparaître tel un roi, saluer comme un roi, gouverner comme un roi. Parce qu'au fond, même son nom était fait pour ce moment.

Régulus, petit roi en latin.

Il s'avança, apparut à la lumière. Et en quelques secondes seulement, il devint le centre du monde. L'étoile autour de laquelle gravitait la terre. Le peuple magique n'avait jamais été aussi bruyant. Ils ramassaient les faux espoirs qu'on leur lançait, croyaient aveuglément en un avenir meilleur. Mais un corbeau, peu importe s'il s'apprêtait à voler ou non, restait un corbeau. La mort n'était jamais loin quand il était là.

Ascension - 𝔅𝔩𝔞𝔠𝔨 𝔖𝔢𝔯𝔦𝔢𝔰 IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant