Ascension - 𝔅𝔩𝔞𝔠𝔨 𝔖𝔢𝔯𝔦𝔢𝔰 I

LV. 5 septembre 1935 - l'espion

Perseus jeta un regard inquisiteur dans le couloir, saisi par la peur qu'on puisse le prendre sur le fait. Il avait assez entendu de menaces de la part de Vinda pour les prendre au sérieux. Mais il n'y avait plus âme qui vive sous ce toit. Emma était allée voir Marianne et Alander se trouvait avec sa soeur chez leur père. Il avait la voie libre. La baguette levée devant lui, il descendit la bouche noire que créait les sous-sol.

Une humidité intrusive se glissa sous son costume. Les barreau de la porte grincèrent. Les chandelles s'allumèrent aussitôt que sa silhouette passa devant elle. Petit à petit, la cave s'éclaira, découvrant sa prisonnière. Callidora était recroquevillée dans un coin, ses genoux ramenés sur sa poitrine. C'était comme se retrouver face à un enfant fragile dont chaque parole serait capable de le faire pleurer. Elle espérait se protéger de la douleur en se pliant sur elle-même, mais elle ne faisait que se briser de l'intérieur.

Son arrivée ne sembla même pas la faire réagir. Elle ne chercha pas à savoir si on venait pour la torturer une nouvelle fois, ou juste pour lui donner une assiette. La dernière était posée à plusieurs mètres, intouchée. Les rats ne tarderaient pas à s'en charger pour elle. Dans le fond, elle avait accepté son sort. Peut-être se voyait-elle mourir dans ses sous-sols, seule dans l'obscurité et le froid saisissant. Quand l'espoir s'envolait, il ne restait rien d'autre que les morceaux du coeur qui venaient d'exploser.

Il s'agenouilla à sa hauteur.

-Je ne suis pas venu ici pour te faire du mal. Je suis Perseus.

Comme il n'eut aucune réaction, il crut bon de préciser :

-Lestrange.

Alors elle releva la tête. Ses longs cheveux glissèrent vers son dos, dégageant un visage pâle et marqué par la douleur. D'énormes cernes noires s'étalaient en dessous de ses yeux et ses lèvres n'étaient que chair déchiquetée.

-Qu'est-ce que tu veux ?

Sa question ne fut qu'un murmure. Un dernier souffle poussé qui, en un sens, semblait refuser tout nouvel espoir.

-Je vais retrouver Cassiopeia. Si tu as un message à lui délivrer, dis-le moi.

Un rictus douloureux vint se loger sur sa bouche. Sa main se cramponna au tissu salubre qui lui servait de robe. De son autre, elle fit glisser ses longs doigts anguleux autour de son bras et approcha son visage du sien. Son souffle entrecoupé se cogna contre la joue du jeune homme.

-Envoie la danser avec le Diable, cracha-t-elle.

Il recula, comme victime d'un coup de poing. Callidora replongea à nouveau sa tête dans ses bras et fut secouée par un rire démant. Cette vision le hanta. Il était trop tard pour la sauver. La folie s'était déjà emparée de son esprit, elle était partie, loin, trop loin pour la faire revenir. Cassiopeia pourrait bien s'acharner à la chercher, elle ne trouverait qu'une âme en peine dénuée de vie. Et quelque part, il en fut triste, parce que s'il y avait bien une personne chez les Black qui ne méritait pas un tel traitement, c'était elle.

Il prit bien soin de refermer la porte derrière lui.

La rue de Traverse était presque déserte à cette heure de l'après-midi. Une brume inhabituelle s'était installée entre les bâtiments, réduisant le champ de vision. Londres était terne, mort, plongé dans une sorte de halo mortel. Le monde avait perdu sa vitalité et dépérissait avec eux.

Engagé dans l'Allée des Embrumes, il analysa chaque détail lui permettant de reconnaître une vie humaine. Son coeur bondit dans sa poitrine quand quelque chose lui tira le bras pour l'attirer dans une ruelle encore plus petite. Derrière son chapeau qui lui cachait la moitié du visage, Cassiopeia le questionna du regard. Elle aurait pu lire dans son esprit si la barrière que lui avait imposé Vinda ne l'en empêchait pas. Lui mentir était tentant ; cela ne lui ferait aucun bien de savoir que sa cousine la préférait en enfer. Mentir oui, mais pour son bien.