XLV. 7 mai 1934 - le pré

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Le soleil caressait la peau de Cedrella avec douceur. Le bruissement des feuilles l'apaisait, calmait ses tournants, le tourbillon de pensées qui l'assaillait chaque jour. Morceaux par morceaux, ses souvenirs lui revenaient. Septimus la menaient parfois dans des endroits où ils avaient été, même si les résultats n'étaient pas toujours satisfaisants. Au début, lui-même s'était montré timide, puis il avait fini par lui prendre la main. Depuis, il ne la lâchait plus. Il lui racontait des anecdotes du passé, de leur histoire, d'elle-même. Elle l'écoutait en souriant. Plus le temps passait, et plus elle se surprenait à se sentir bien contre lui. Comme s'il était l'objectif que son âme avait toujours recherché.

En un sens, c'était un peu ça.

Elle s'allongea dans l'herbe. Derrière les branches de l'arbre, le soleil laissait passer quelques rayons. Cela dépendait de comment le vent les bougeait. Elle tendit sa main, comme si elle espérait toucher la lumière de son doigt. Elle imagina un monde où il était possible de capturer les éclats. Elle en ferait la collection. Dans leur monde, la lumière était synonyme d'espoir. Aujourd'hui, elle en voyait un, mais demain ? Qui savait ce qui lui arriverait ? Peut-être qu'on lui ôterait de nouveau ses souvenirs, peut-être qu'on la remodelérait selon les envies. Elle n'était qu'une statuette en argile. Si elle tombait sur le côté, on la remaniait. On faisait d'elle ce qu'elle n'était pas. Et chaque fois qu'on l'obligeait à se redresser, elle perdait un peu plus de lumière.

Petite, elle pensait que tous les problèmes avaient des solutions. La vie est toujours simple quand on découvre le monde. Elle ne connaissait pas encore l'amour et toutes ses complications. Elle ne savait pas ce qu'impliquait être une Black. Elle avait juste de quoi manger, un toit sous lequel dormir, des jouets et des soeurs pour s'occuper, cela lui suffisait. Puis elle avait grandi et elle avait compris qu'il ne fallait rien attendre de ce monde. Plus elle s'était enfoncée, et plus la réalité l'avait déçue. Les lieux qu'elle s'était imaginée jeune étaient en fait minuscules. Son premier baiser avait été un désastre, l'école dont on vantait les bons moments était devenue un fardeau. Elle ne se rappelait pas quand elle avait connu Septimus, ni ce qu'elle était en train de vivre à ce moment là, mais un seul sentiment se reliait à ce moment flou.

Le sentiment d'être libre. Aveuglée par une lumière nouvelle, saisie par un espoir inconnu.

Elle ne connaissait pas les raisons qui l'avaient poussée à fuir avec lui, mais elle comprenait. Un jour, peut-être, ils retenteraient leur chance. Un jour, ils s'en iraient et ne reviendraient pas.

Des pas se firent entendre dans son dos. Elle reposa sa main sur son ventre et resta allongée, à contempler le feuillage mouvant. Des oiseaux chantaient gaiement tout autour, l'herbe sifflait sa propre mélodie. L'arrière cour de Poudlard était un paradis en été. Il n'y avait pas beaucoup de monde en ce milieu d'après-midi. Tous étaient au match de Quidditch. Cedrella avait préféré rester à l'écart de trop de mouvements.

-Ça ne t'intéresse pas de savoir qui de Serdaigle ou Serpentard va gagner ?

Le seul son de sa voix lui arracha un sourire. Il lui rappelait l'écoulement d'une source d'eau de montagne. Claire, transparente et sincère. Septimus s'assit à ses côtés et prit plusieurs minutes pour la contempler. Cedrella se sentit prisonnière de son regard. Doucement, elle pivota sa tête et rencontra ses pupilles vertes.

-Serpentard gagne toujours.

-Toujours votre égo surdimensionné.

Sa poitrine se souleva sous un rire amusé. Ce détail ne lui échappa pas. Rien de ce qu'elle faisait ne lui échappait. Le silence les recouvrit à nouveau comme un voile se posant sur un objet oublié. Elle tendit sa main. Il tendit la sienne. Leurs doigts firent coallision. Ils se touchèrent, s'enlacèrent, et le doux son de leur peau se frottant l'une contre l'autre se joignit à la brise estivale. Cedrella ferma les yeux et profita de ce contact. Les simples détails avaient leur importance quand une partie de ce qu'on avait été nous avait été arraché.

Ascension - 𝔅𝔩𝔞𝔠𝔨 𝔖𝔢𝔯𝔦𝔢𝔰 IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant