FAÇONNE-MOI | Loki ~ TERMINÉ ~

Acte III 🌹: Chapitre 7 🐍

Le lundi fut un jour particulièrement étrange. Lorsque Noblesse franchit les grilles d'Asgard avec Hedda en remorque, elle avait une sorte de prémonition. Bien sûr, elle s'était attendue à ce que l'établissement paraisse plus vide et à ce que les visages soient funestes. Apprendre qu'un trafic durait depuis plusieurs décennies au sein du lycée et que les disparitions étaient sans aucun doute des meurtres sanglants ne donnait le sourire à personne.

Pourtant, c'est quelque chose d'autre qui l'inquiéta. Quand elle rejoignit son meilleur ami après avoir laissé la rousse retrouver sa classe, elle sut instinctivement qu'il y avait un problème. Ils se saluèrent comme d'habitude, parlèrent sans soucis, et admirèrent ensemble l'hébétude générale que l'officialisation du verdict avait engendrée, mais ça n'allait pas. Quelque chose n'allait pas. L'héroïne l'a senti dans le mystérieux lien les unissant. La force qui les attirait toujours était empreinte de désespoir, semblant lutter contre une espèce de barrière. Et surtout : elle l'a vu dans ses yeux. Peut-être a-t-elle juste passé trop de temps à contempler la splendeur de ces iris inestimables, peut-être n'est-ce rien d'autre qu'une impression mensongère, une illusion de son propre esprit tourmenté... Néanmoins, elle savait avec certitude que Loki était en souffrance.

Son regard n'était plus un océan fougueux mais une prison de glace. Une prison dans laquelle il était enfermé. Pourquoi ? Quand cela s'est-il produit ? La brune n'avait pas la réponse et ça suffisait à la rendre folle. Ainsi, elle tenta de paraître aussi calme que son partenaire alors que sa conscience s'alarmait lorsqu'elle demanda :

— Sinon, toi, ça va ?

Le changement de sujet était trop brutal. Même à ses propres oreilles la nonchalance sonnait faux. Pourtant, elle avait réellement besoin qu'on la rassure. Loki, pour sa part, haussa un sourcil comme s'il trouvait la question ridicule. Il avait la chance d'être un bon acteur et pour la première fois, il devait admettre haïr son talent. À son sens, c'était pareil à tisser la corde avec laquelle il se pendait.

— Pourquoi ça n'irait pas, ma paysanne ? Fit-il moqueur en ayant toutefois la sinistre impression que de l'acide brûlait sa langue. Tout est enfin rentré dans l'ordre : nous sommes libres.

Comment peux-tu lui mentir, hurlait son esprit scandalisé ? Quel homme es-tu devenu pour t'abaisser à cette bassesse ? Le garçon se répéta qu'il n'avait pas le choix. Cependant, l'excuse n'était pas suffisante pour amoindrir sa douleur. Il ne pouvait donc rien faire d'autre qu'arracher son cœur puis le jeter dans un ravin. De cette manière, il pouvait prétendre être insensible et endosser le rôle du monstre que tout le monde voyait en lui. Après avoir passé dix-sept ans à jouer cette mascarade, ce ne sera pas compliqué de poursuivre le jeu, non ?

Mais ça l'est. Il ne sait pas pourquoi. Alors même qu'il a toutes les bonnes raisons de reprendre son masque pour défendre son royaume, il ne peut empêcher son esprit de cracher son poison...

Comment peux-tu la trahir ?

Et il l'ignore. Il ignore cette voix, la maudit de toute son âme en hurlant que ce n'est pas sa faute, qu'il ne peut pas agir autrement... Puis il voit surgir dans les prunelles de sa compagne le chagrin. Elle sait qu'il ment d'une façon ou d'une autre. Et comme si sa culpabilité n'était pas suffisante, sa conscience le poignarde encore :

Tu vas la perdre !

— Tu es sûr ? Murmura la jeune fille.

C'est la dernière chance. Elle est trop bonne pour le condamner au premier faux pas, elle est prête à fermer les yeux sur son mensonge s'il avoue maintenant.

Ne te condamne pas.

C'est tentant, bien sûr, de parler. C'est comme si on agitait quelques gouttes d'eau au visage d'un homme mourant de soif dans le désert. Sauf que celui-ci, hélas, ne peut pas accepter. Parce que s'il accepte, c'est le donneur qui signe sa fin.