FAÇONNE-MOI | Loki ~ TERMINÉ ~

Acte III 🌹: Chapitre 13 🐍

Quand Morbius a tenu le corps sans vie de Laufey entre ses bras, il s'est demandé à quoi avait servi son existence. Depuis le début, tout n'a toujours tourné qu'autour de cette femme. Ils s'étaient rapprochés autant que leur classe sociale le permettait, au point que sans elle, l'avenir paraisse incertain. C'était faux bien sûr, il le savait : Michael allait juste servir une autre cause après vingt ans de service. Il ferait comme s'il s'agissait d'une personne ordinaire ayant malencontreusement péri, parce qu'après tout, ce type de drame arrivait : les missions ne finissaient pas forcément bien. En revanche, les espions, eux, avaient comme devoir de garder la tête froide face à n'importe quelle issue. C'était leur métier.

L'agent avouera avec réticence qu'il a, malgré le code d'honneur, versé quelques larmes. Mais qui pourra le blâmer ? Quel genre de monstre insensible peut fermer les yeux et dire « j'ai échoué, la reine est morte » puis tourner la page ? Morbius ne considère pas son écart comme une erreur. Il juge que la femme gisant dans ses bras mérite au moins sa peine. Certes, ce n'était pas non plus des pleurs d'homme désespéré ou fou de chagrin : c'était la peur d'un lendemain chaotique, le goût amer d'un échec, et la rage de l'injustice. Jotunheim plongerait dans le cauchemar dès que la nouvelle se saurait, puis Loki - le bébé qu'il avait vu naître et grandir de ses propres yeux - prendrait le pouvoir dans le chaos absolu. Ce pays méritait-il ça ?

Le fidèle espion sentit une vague de désespoir l'envahir sans qu'il ne l'anticipe. Peut-être était-ce l'ironie du contre-coup ? Il se contenta de serrer un peu plus fort le cadavre, cherchant une chaleur qui ne serait plus. C'est vrai que Michael ne s'attendait à rien : il est entré dans la chambre pour apporter la collation de la monarque : il s'agissait d'une habitude tranquille entre eux. Et, sûrement grâce à son expérience, il n'avait pas paniqué en la découvrant sur le sol. Les gestes suivants ont été mécaniques et le constat rapide : ni pouls ni souffle. Empoisonnement à l'arsenic très efficace. Cas classique ; la victime un peu moins. L'homme n'a pas crié : il s'est juste assis par terre pour tenir le corps dans une démonstration d'affection pathétique. Voilà où il en était : seul avec une souveraine assassinée, sur le point de s'effondrer sur lui-même alors que personne n'était au courant de la tragédie...

Il devait prévenir quelqu'un.

Sauf que les mauvaises nouvelles ne sont jamais agréables à dire ou entendre. Il réfléchit donc au choix le plus logique, et instinctivement, il songe à Loki. Là, il se sent abattu pour de bon. Premièrement, le prince va apprendre que sa mère est morte. Deuxièmement, qu'aux vues des circonstances, il est en danger. Troisièmement, qu'il va monter sur le trône. Quatrièmement, que le royaume va tomber. Et enfin, cerise sur le gâteau : il fallait que ça arrive le jour de l'anniversaire surprise de Noblesse, c'est-à-dire l'événement unique qu'il avait autorisé.

Est-ce que Morbius est destiné à gâcher sa vie ? Est-ce une sorte de malédiction conçue spécialement pour qu'il se fasse détester ? S'il était superstitieux, il croirait à ça. Le problème c'est qu'il faut se ressaisir, redevenir professionnel pour encaisser toutes les gifles de l'existence en faisant croire que rien ne l'affecte.

Souviens-t'en Michael : un espion ne pleure pas, son rôle est de rester debout même quand l'humanité est au sol...

L'héroïne a dévalé les escaliers avec un grand sourire. Elle était partie chercher des couvertures à l'étage pour construire un véritable cocon dans le canapé en bas parce que son partenaire et elle voulaient faire une soirée lecture au coin du feu. L'idée l'avait enjouée dès le départ, la rendant impatiente. Hélas, son bonheur s'est envolé à la minute où elle est arrivée au salon...

Loki avait ce considérer. Celui qu'il ne laissait transparaître que lors des drames. Incapable de comprendre ce changement d'humeur si soudain, l'artiste, inquiète, se dépêcha de déposer les couvertures sur un fauteuil pour rejoindre le garçon. Elle s'installa à ses côtés avec prudence, comme si elle craignait qu'il ne s'enfuit. Ce dernier resta immobile, fixant son téléphone déverrouillé sur la table basse. Pour éviter de prononcer un blasphème, la lycéenne jeta un coup d'œil dans la même direction, voulant connaître le motif de cette dévastation inattendue.