Little Crush

2°

Lake

Six mois plus tôt.

~

— Je finalise un contrat et je passe te chercher, Rachel. J'en ai pour une vingtaine de minutes.

— Ne t'embête pas, Lake ! Je suis en chemin, je prendrai un café en face. À tout de suite, je t'aime.

— Oui, moi aussi.

Je souris en repensant à ce matin, ses lèvres sur les miennes, glissant dans mon cou, sur mon ventre...

— Monsieur Evans ?

Je me frotte les yeux et j'aperçois mon assistant à la porte avec un dossier dans les bras.

— Lake, dis-je par réflexe.

— Ce jour n'arrivera pas, Monsieur Evans.

— Qu'est-ce que je peux faire pour vous, Paul ?

Paul est mon bras droit depuis que je travaille ici, il fait du très bon boulot, vraiment. Il a de nombreuses qualités et je ne peux pas lui reprocher grand-chose, à part celle de refuser de m'appeler par mon prénom et de me tutoyer. Alors, par respect pour lui et parce qu'il me l'a demandé, je lui donne du vous. En revanche, je refuse de l'appeler Monsieur Verlier. Faut pas déconner, non plus !

— Madame Hubert, de l'entreprise Purl Boho a dû annuler le rendez-vous de demain. Par conséquent, comme nous serons vendredi, que c'était votre unique réunion et que je viens de finaliser nos objectifs de la semaine...

— Vous pouvez rentrer chez vous dès maintenant et faire du télétravail demain, Paul.

— Oh ! Merci, je le ferais, mais je parlais de vous.

— De moi ?

— Vous êtes attendu chez le notaire ce soir, Monsieur. Vous devriez prendre la journée de demain et profiter d'un week-end prolongé.

— Vous m'accordez des vacances, Paul ? fais-je, amusé.

En réponse, il siffle en feignant d'être choqué.

— Vacances ! Vous connaissez ce mot, chef ?

— Très drôle. Vous avez gagné, je ne viendrais pas avant lundi. Donnez-moi ce dossier et disparaissez !

— Bien, Monsieur.

Je récupère le dossier et il franchit le seuil de la porte de mon bureau.

— Paul !

— Oui ? dit-il en opérant un demi-tour.

— Bon boulot !

— Merci.

*

Je quitte le cinquième étage et j'atterris au rez-de-chaussée. Je me dirige au fond du couloir pour rejoindre les vestiaires. Je retire ma veste de costume et ma chemise, pour les troquer contre un t-shirt gris et une surchemise bleu foncé. Puis, j'échange mes chaussures habillées contre mes baskets usées.

Quelques instants plus tard, je traverse l'open space dédié au groupe Yumi, je passe devant le café Uma et je sors des locaux. Depuis le trottoir, je la repère tout de suite. Rachel. Elle est installée à la terrasse du bistrot d'en face. Elle savoure lentement son café.

Rachel est sublime. Je l'ai rencontrée peu après mon arrivée à Bordeaux. Elle est grande, brune, mince, athlétique. Elle porte à merveille les tailleurs, que ce soient des jupes ou des pantalons. Rachel travaille dans la finance, elle est obligée de se conformer aux exigences de cette profession. Mais le sérieux et la rigueur lui vont bien. Tellement bien, qu'elle s'habille ainsi presque tout le temps.