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Alma

Présent

~

Ressasser notre fausse histoire me rend malade et haineuse envers moi-même. Et je dois avouer que ça m'agace particulièrement. Plus encore que ma colocataire qui parvient à me chasser de l'appartement. Ça ne m'étonnerait qu'à moitié qu'elle fasse changer les serrures. Alors, avec mes Tash aux pieds, et le parapluie que j'ai finalement subtilisé au cinquième, je m'élance en direction du parc. Je m'installe sur un banc, à l'ombre. Le plus crade, le plus solitaire, le plus dérobé. Pas assez, faut croire !

— Quintana, c'est toi ?

Je relève la tête et je tombe nez à nez sur Luis.

— Bordel ! J'ai failli ne pas te reconnaître, Contador !

— Écrase, Luis.

— Jamais.

— Je ne suis pas d'humeur. Et ne viens pas me parler du soleil ! Parce que tu vois, je ne suis pas d'accord avec ta théorie.

— Le soleil réchauffe mieux les conserves posées sur le capot d'une voiture, que les culs ?

— Rien ni personne, ne vaut le coup de ne plus sourire quand le soleil du matin vient caresser ton visage.

— Oh, ça ! fait-il en s'asseyant à côté de moi.

— J'ai trouvé une raison, Luis.

— Impossible.

Soudain, il place ses deux pieds sur ma hanche et pousse d'un coup sec. Je n'ai pas le temps de réagir, que je glisse le long du banc, pour terminer le cul à même le sol.

— Avant d'exposer ta théorie, mets-la donc en pratique. D'abord, tu dois être au soleil, Evans.

J'ai envie de l'étrangler. Une fois pour m'avoir dégagé de mon banc. Une autre pour m'avoir appelé Evans. Néanmoins, il a raison. Je n'ai toujours pas envie de sourire, mais un peu de soleil me fait du bien. Je reste assise au sol et je recule pour m'adosser au platane le plus proche. Luis vient s'installer à mes côtés, il met en place son panneau en carton estampillé : « Et les mistrals gagnants ».

*

Quelques passants plus tard, Luis agite fièrement ses pièces de monnaie. Ils ne lui ont rien donné, mais il vient de me braquer le contenu de porte-monnaie. Je suis misérable quand il s'agit de deviner des chansons françaises. Il chantonne bien, inutile de nier, mais ma culture laisse à désirer. Bon, c'est pour la bonne cause. Déjà pour lui, mais ensuite pour moi, car il revient avec deux glaces à la vanille.

À présent, je suis de retour sur le banc, toujours au soleil, toujours sans sourire. Et mon téléphone se met à sonner.

— Je porte le t-shirt de Lake et je mange de la glace allongée sur un banc dans la rue.

— Alma, stop, on a un problème urgent.

Will n'a jamais semblé aussi sérieux de toute sa vie. Sa voix est sèche, forte et imposante.

— Quoi ? fais-je en me redressant aussitôt.

— Est-ce que tu sais où est Catherine, la mère de Lake ? Est-ce que tu l'as vue aujourd'hui ? Est-ce qu'elle t'a envoyé un message ou même appelée ?

— Non, que se passe-t-il ?

Malgré le calme qu'il tente de garder, je sens que quelque chose de grave se joue.

Little CrushOù les histoires vivent. Découvrez maintenant