32°

620 76 7
                                    

Lake

Présent

~

Ça fait trente minutes que je lis en boucle son message : « Je l'ai trouvée, elle est en sécurité. Je vais aller lui parler, pour savoir comment elle va vraiment. Je t'appelle dès que je peux. »

Will, Iris et Riley sont chez moi, tout le monde est relativement silencieux, chacun affrontant leurs propres peurs, leurs tourments personnels. Après avoir reçu le texto d'Alma, nous nous sommes retrouvés ici, cessant alors nos recherches à travers la ville. Will et Riley n'ont rien formulé. Pourtant, je devine qu'ils ne comprennent pas pourquoi je leur ai dissimulé la maladie de ma mère.

— Ça serait devenu trop réel, dis-je finalement. Le dire à voix haute, rend les choses concrètes et c'est terrifiant. Je sais que c'est idiot parce que c'était réel bien avant le diagnostic, mais vous le cacher, faisait en quelque sorte partie de la négociation que je menais avec moi-même. Mon père a quitté ma mère à cause de ça. Il refusait de vivre ainsi, il ne voulait pas éprouver cette maladie-là. Il trouvait injuste qu'elle puisse l'oublier un jour, que d'une certaine façon, leur couple se brise, tandis qu'elle y échapperait. Il était terrifié d'être le seul à subir cette rupture inévitable. Alors, il a renoncé quand elle était encore en mesure de s'en souvenir. Elle s'en est souvenu, elle en a souffert et elle a enduré une dépression.

— Quel enfoiré ! rage Riley, en se levant pour faire les cent pas.

— Je comprends mieux pourquoi tu l'as soudainement rayé de ta vie, dit Will avec une certaine douceur.

— C'est pour cette raison, que ma mère a vécue chez sa sœur. Et quand j'ai pu lui trouver une place dans une maison d'autonomie, j'ai dû emménager ici. Ma tante ne pouvait pas la voir assez régulièrement, à cause de la distance et aussi parce qu'elle travaille. Je ne souhaitais pas quitter Londres, je n'avais pas le choix. J'ai voulu rester en Angleterre, car c'était encore plus facile pour moi de faire abstraction de la réalité. Mais la vérité nous rattrape toujours.

— Et tu n'avais plus le droit de rêver, comprend Will.

— Quand j'ai appris pour sa maladie, je venais d'être diplômé. J'ai eu besoin de compartimenter ma vie. Ma mère, ce qui m'échappe sans que je ne puisse y faire quoi que ce soit. Mon travail, ce que je maîtrise et qui m'apporte de la reconnaissance. Vous, ma base, ce qui est intemporel, indestructible, rassurant et réconfortant.

— Et Alma ?

— Et Alma, celle qui représente mes rêves. C'est la seule qui savait que j'écrivais, qui connaissait mon désir de devenir éditeur, et celle que j'ai le plus aimé. La première, l'unique qui compte vraiment. Je l'ai fui autant que j'ai pu, mais elle était constamment là. Chaque fois que je la voyais, les choses étaient telles, que je me rapprochais toujours un peu plus de mes rêves, sans même le remarquer.

— C'est à cause d'elle que tu as rompu avec Rachel ? me demande Riley.

— Oui, ce jour-là, je l'ai aperçue. Et puis tout a changé quand Alma a débarqué au boulot.

— Ouais, un ouragan nommé Alma, s'amuse Iris.

— Elle a rencontré ma mère par hasard, elles sont devenues amies, et Alma a tout de suite compris qu'elle était parfois confuse. Quand elle a su que c'était ma mère, elle était terrifiée, mais elle voulait absolument me dire ce qu'elle avait constaté. On s'est disputé ce soir-là, violemment. Elle m'a poursuivi, elle s'est tordu la cheville, elle m'a menacé avec son talon, et elle a pleuré dans l'ascenseur. Je l'ai rejoint, puis l'on a eu une discussion les yeux fermés. Je lui ai avoué mes plus grandes peurs, elle m'a confié les siennes. Ensuite, elle m'a volé mes petites voitures. Je l'ai entendu rire. C'était incroyable.

Little CrushOù les histoires vivent. Découvrez maintenant