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Lake

Six ans plus tôt

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Un frisson étrange me parcourt lorsque j'aperçois au loin la bagnole de Riley. Il habite à Paris depuis peu et il a accepté de venir me chercher à la sortie de la gare afin de nous rendre à la fête de Will. J'arrive tout juste d'Angleterre et j'ai hâte de passer du temps avec mes potes que je n'ai pas vu depuis un bail. Je déchante cependant quand je découvre deux filles installées dans la voiture.

— Lake, je te présente Manon et Ludivine.

Riley embrasse celle assise à ses côtés. Manon. Il m'annonce que c'est sa petite amie. Et puisque j'ai eu Riley au téléphone la semaine dernière et qu'il sortait alors avec un Thomas, j'en conclus que c'est très récent et que ça devrait se terminer encore plus rapidement. Je m'installe à côté de la seconde. Ludivine. Elle se permet de me faire la bise comme si on se connaissait depuis toujours. Je grimace tandis que Riley se moque de moi, m'épiant dans le rétroviseur.

Pendant les vingt minutes de route, Ludivine gigote sur son siège, croise et décroise les jambes, puis elle joue avec l'ourlet de sa robe courte, glousse et minaude. À mon goût, elle témoigne beaucoup trop d'intérêt pour ma personne. J'essaie de me montrer distant, mais dans l'habitacle d'une petite citadine, ce n'est pas évident.

Moi, la seule chose à laquelle je pense, c'est la lettre que je tiens nerveusement dans la poche de mon jean. Celle que j'ai écrite et déchirée mille fois, avant de la plier en trois pour l'insérer dans une modeste enveloppe carrée en kraft brun. J'y ai aussi glissé une photo, un vieux polaroid en noir et blanc, d'une plante dans une serre. Putain, ça me fait douter, rien que d'y penser ! Je l'ai fermée minutieusement et j'ai tracé dessus, avec application les lettres A, L, M, A.

En m'extrayant de la voiture, je balance mon sac de voyage par-dessus le portail de chez moi, ou plutôt de la maison de mes parents.

— Tu ne dors pas chez Will ? me demande alors Riley, en sortant son sac à dos.

— Non, je rentre chez moi.

— Depuis quand, putain ?

La véritable question est, pourquoi je ne l'ai pas fait plus tôt ?

— Je suis fatigué, j'ai besoin d'une vraie nuit de sommeil et ma mère m'attend pour le petit-déjeuner. Elle voulait déjà que je dîne chez elle ce soir.

— Ouais, bougonne-t-il. On va déposer nos affaires en haut.

Il passe son bras autour des épaules de Manon, ils pénètrent dans la maison par l'entrée principale, alors que je m'engouffre dans le jardin par le portail. À mon grand désespoir, Ludivine me suit, elle se place même à côté de moi.

— Lake, je peux te demander une faveur ? me souffle-t-elle d'un air gêné.

— Oui, dis-je simplement.

— Je ne connais personne ici. Je suis venue uniquement parce que Manon en avait besoin, mais je ne me sens pas à l'aise.

Elle pose sa main sur mon avant-bras et je résiste au désir de reculer.

— Est-ce que tu veux bien me présenter à tes amis, s'il te plaît ?

Je me mets à sa place une seconde, et même si je n'ai pas envie de le faire, j'acquiesce. Riley m'en devra une ! Nous avançons alors jusqu'à la terrasse où une masse de jeunes célèbre l'été. Puisque mon train avait un peu de retard, nous sommes probablement les derniers à arriver. Je m'évertue donc à saluer tout le monde en présentant Ludivine. Je m'apprête à trouver Will, pour enfin pouvoir passer du temps avec mon ami, mais quand je le repère, il discute avec elle. Alma. Alma Blunt est là, plus bas, toujours aussi elle.

Little CrushOù les histoires vivent. Découvrez maintenant