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Alma

Neuf ans plus tôt

~

Et soudainement, je me réveille. Ni dans mon lit ni dans celui d'un autre. Non, je suis là, debout dans un salon rempli de jeunes de mon âge. Une balle en mousse me frôle, file au-dessus de ma tête. J'ai le réflexe heureux de me baisser juste ce qu'il faut pour éviter la deuxième volée. Un sifflement strident attire mon attention à gauche, je ne distingue qu'une paire de fesses s'éloigner en courant vers le couloir. Une petite bande se dandine devant la télévision, une autre discute autour d'une table. Et moi ? J'avale difficilement la gorgée de bière qui se trouve encore dans ma bouche. En face de moi, il y a Will.

— ... chez lui.

— Quoi ? fais-je, définitivement perdue.

Je cligne plusieurs fois des yeux, tentant de comprendre ce qui est en train de se jouer devant moi.

— Alma ? Est-ce que ça va ? Tu sembles paumée.

— Je... je ne sais pas. Qu'est-ce qu'on faisait ?

Toute envie de rire disparaît illico du visage de mon meilleur ami. Il pose sa main sur mon épaule pour m'attirer dans la cuisine. Le volume sonore diminue aussitôt, le mur filtre tout sauf les basses. Je déteste les basses. Elles ne font qu'accentuer la détresse que je ressens, le boom boom terrifiant qui pulse dans mon crâne.

— On discutait.

— Mais non. Je ne me souviens pas, Will.

— Comment ça ?

— La dernière chose dont je me rappelle, c'est de boire une bière avec toi.

— Quand ?

— Quand tu m'as présentée à ta nouvelle voisine.

— Oh, merde !

Eh, merde ! C'est mauvais, non ? Putain, sa réaction craint, à coup sûr. Je ne suis pas certaine de vouloir savoir, pourtant, je n'ai pas vraiment le choix.

— Quoi ?

— Rien entre temps ?

— Putain, non.

— Tu te sens bien ? Je veux dire, tu ne sembles pas ivre ou défoncée.

— Ça recommence, c'est ça ? 

Merde, c'est forcément ça ! J'ai de nouveau fait un black-out. Je ne vois pas d'autres explications.

— Putain, c'est impossible !

La bière que je tenais encore dans ma main valse dans les airs et vient percuter le fond de l'évier. J'ai envie de hurler, j'ai envie de pleurer. Mais au final, la seule chose que je parviens à faire est pire. Je commence à paniquer, détestant cette sensation de perte de contrôle, haïssant l'idée d'avoir égaré une part de moi. Will tente de me prendre dans ses bras, cherchant sans doute à me calmer, mais je le repousse.

La seconde suivante, piégée contre son torse imposant, je les maudis intérieurement, les insultant de tous les noms, lui et la génétique, pour sa carrure de géant. Il me soulève presque pour nous déporter dans la salle de bain. Il ferme la porte à clef, puis je m'écroule contre lui, en pleure. Will me réconforte comme il peut, mais ça ne marche pas. Je dois savoir, j'ai besoin de comprendre.

— Calme-toi, Alma. Tu vas bien, tu es en sécurité, ici.

— Je ne crois pas. Je ne sais plus. Je ne suis pas sûre. Je ne suis pas fiable, Will.

Little CrushOù les histoires vivent. Découvrez maintenant