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Lake

Présent

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— Est-ce que vous êtes déjà tombé amoureux ? lâché-je subitement.

D'un coup, Will semble perdu. Même s'il a souvent essayé d'en savoir plus sur ma vie sentimentale, je me suis toujours montré réservé, et je n'ai jamais aimé me confier. Que le sujet soit abordé par moi directement n'est pas habituel pour lui non plus. Ma mère, quant à elle, pose sur moi un regard tendre, et je prends conscience de mes mots. Quel con !

— Oui, une fois, de ton père, me répond-elle avec simplicité.

— Je suis désolé, je n'aurais pas dû dire ça, on ne devrait pas parler de lui.

— Il ne s'agit pas de lui, Lake, mais de toi.

— Je ne suis jamais tombé amoureux, avoue Will, les yeux dans le vague.

Je tourne la tête vers lui. Il ne m'a jamais paru aussi vulnérable qu'à cet instant. Encore une chose inhabituelle. Puis, il relève le menton, lance un coup d'œil à ma mère, puis à moi. Il semble rassembler son courage.

— Je n'ai jamais laissé quelqu'un m'approcher suffisamment, je travaille trop pour ça, confesse Will. Le problème, c'est que je n'ai pas l'impression de bosser, jamais. C'est juste moi, c'est qui je suis. Et j'ai peur de ne jamais trouver une personne, qui puisse accepter de me partager avec mon job, avec mes passions. Et surtout, qui comprenne que je ne serai jamais celui qui laisse son travail devant la porte de chez lui le soir. Parce que je cuisinerai tous les jours, je prendrai en photo les étales dans les rues, lorsqu'on fera nos emplettes au marché, j'irai découvrir de nouveaux restaurants quand on sera en vacances, et je continuerai de dormir dans les chambres d'hôtes, dans les vignobles ou les fermes pour discuter avec les producteurs. Qui a envie ça ? Qui veut d'un homme qui n'a qu'un seul mode ?

— Will, je crois que tu oublies une chose, dis-je, touché par ses aveux. C'est que si toi, tu n'as jamais l'impression de travailler, de simplement être toi, nous – et par là, j'entends ceux qui partagent ta vie et qui t'aiment – avons la même impression. Tu n'es pas marié avec ton boulot, Will. Tu as façonné ton travail pour qu'il fasse partie de ta vie. Pas l'inverse. C'était ton rêve, et tu le vis depuis que tu as fondé Masala et le groupe Yumi.

— Et vu les peurs que tu exprimes, Will, je suis prête à parier que dans ton rêve, tu as vu plus grand encore, ajoute ma mère.

Elle pose sa main sur la sienne et la serre bien fort, mais Will n'a jamais été du genre à se contenter de si peu. Il l'attrape aussitôt et l'entoure de ses bras de géant pour l'étreindre tendrement.

— Je suis trop vieille pour toi, gamin ! s'exclame ma mère en riant.

— Vous me brisez le cœur, Catherine.

— Et puis Iris est toute petite par rapport à toi, elle pourrait se faufiler facilement, n'importe où. Elle n'a pas besoin de beaucoup de place tant que c'est la bonne.

Puis, ma mère se tourne vers moi et effleure mon épaule.

— Lake, pourquoi cette question ?

— Je ne sais même plus dire, combien de fois je suis tombé amoureux.

— Wow ! fait Will. Je ne m'attendais pas à ça. C'est parce que tu as revu Rachel dernièrement ?

— Chaque fois que je la vois, j'ai l'impression de tomber amoureux d'elle.

Little CrushOù les histoires vivent. Découvrez maintenant