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Alma

Présent

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Pour la première fois, depuis que j'ai investi le bureau numéro 503, quelqu'un frappe à ma porte.

— Entrez !

La poignée s'abaisse et la porte s'ouvre sur Lake. Enfin, à voir le dossier qu'il tient dans sa main, j'opterai plutôt pour Monsieur Evans.

— Tu es venu me rendre mon dossier, lâché-je, sans cacher ma déception.

— Tu ne m'as jamais dit bonjour, Alma.

— Quoi ?

— De toute ma vie, tu ne m'as jamais dit bonjour.

— Mais non ! Tu délires, c'est impossible. Je, euh, tu crois ? Oh, merde ! Je suis désolée. Enfin, je suppose. Tu es vraiment sûr ?

— Certain.

— Bonjour.

Il me sourit tendrement.

— Non, s'il te plaît, ne commence pas maintenant. J'aime bien, c'est un peu comme si l'on avait une conversation interminable.

J'entends ce qu'il me dit, mais je reste effarée par le fait que je ne lui ai jamais dit bonjour de ma vie. Je le crois, évidemment, la preuve en est aujourd'hui. Je suis désagréable avec lui depuis toujours en fin de compte. La prise de conscience est difficile. Comment peut-il encore vouloir me parler ?

— Alma, est-ce que tu vas bien ?

Il s'approche de moi, mais je contourne mon bureau. J'ai besoin de distance, d'un moment, pour intégrer à quel point j'ai pu être odieuse, et avec quelle audace je parviens à lui demander de m'aider.

— J'ai du mal à encaisser ce que tu viens de me dire.

— Que j'aime avoir une conversation interminable avec toi ?

— Quoi ?

— Il me semblait bien que tu étais un peu distraite. Je disais que j'aime que tu ne me dises pas bonjour, cela me donne l'impression d'avoir une longue conversation avec toi. Une discussion qui ne se termine jamais, et qu'on reprend de temps en temps.

— Et tu aimes bien ça ?

— Oui.

— Hum, c'est plutôt une bonne chose, parce que je ne le fais pas volontairement.

— Tu te sens mieux ?

— Oui.

Il m'offre un sourire enchanté, puis il balaie la pièce d'un regard.

— C'est donc ici qu'a pris vie New Blunt City.

— Oui, mais j'ai commencé à vider les lieux.

Alma, je suis venu te parler de ceci, dit-il en me donnant mon dossier.

— Est-ce que je dois t'appeler Monsieur Evans ?

— Justement, c'est aussi de ça que j'aimerais parler, Alma.

Il insiste une deuxième fois sur mon prénom, et je me mets automatiquement sur la défensive.

— Je t'écoute.

— Je n'ai pas pu me résoudre à ouvrir ton dossier.

— Mais pourquoi ?

— Je ne sais pas ce qui se trouve dans ce dossier, mais si tu l'as confié à Monsieur Evans, responsable d'édition, je ne peux que supposer qu'il s'agisse d'un projet de publication. Mais peu importe que ce soit ça ou une tout autre demande, je ne peux pas être cet homme-là pour toi.

Little CrushOù les histoires vivent. Découvrez maintenant