Little Crush

13*

Alma

Présent

~

Je suis en train de fabriquer des arbres miniatures avec des bâtons, des branches de sapins, de la mousse et du lichen, quand mon téléphone sonne.

— Alma des bois, j'écoute.

— Alma des bois ? C'est mignon, ça ! lance une voix chantante.

— Cath ! Quelle surprise ! Comment allez-vous ?

— Merveilleusement bien, chérie. Je viens de dénicher des mini-billes de chocolat multicolores. Tu n'imagines même pas comme c'est difficile à trouver. Beaucoup plus que les vermicelles, mais j'en ai également acheté.

— C'est génial ! m'exclamé-je avec enthousiasme, en tout point contaminée par son bonheur.

Les petites joies du quotidien sont littéralement délicieuses avec Cath.

— Je ne te vois pas, où es-tu ?

— Je suis dans mon bureau. Mais je vous retourne la question.

— Oh, je viens d'arriver au travail de Lake. Je pensais te voir dans le petit salon, mais ce n'est pas grave, je vais rentrer à la maison. Je suis désolée, j'aurais dû prévenir, c'est juste que j'étais tellement contente de trouver ces mini-billes en chocolat, je me suis un peu emballée.

— Cath ! Je suis là, seulement, mon bureau est à l'étage, je vous rejoins tout de...

— Oh ! Mais c'est merveilleux, je monte tout de suite ! me coupe-t-elle avant de raccrocher.

Agréablement, mais néanmoins stupéfaite, je prends le temps de ranger mes affaires, comme si je terminais ma journée. En effet, l'unique fois où j'ai vu Cath, j'ai finalement passé toute l'après-midi avec elle. Au cas où, je suis prête. Je sors aussitôt de mon repaire et Paul, au téléphone, me fait signe d'approcher.

— Alma, l'accueil m'a appelé, une femme a demandé comment trouver ton bureau. Mais comme tu n'es pas intégrée officiellement aux effectifs, tu n'apparais pas sur le listing. Cette dame prétend aussi que tu es amie avec Lake, donc on me l'a envoyée. Elle devrait arriver d'ici une minute.

— Merci, elle m'a prévenue. Elle a simplement raccroché avant que je lui précise l'étage.

— Alors maintenant, tu es amie avec Monsieur Evans ? Ça fait trois semaines que tu travailles au 503 et en dehors de cette réunion étrange, je ne vous ai jamais vu vous adresser la parole.

Je ne réponds pas, je l'ignore, comme toujours, quand il parle de Lake, comme s'il y avait un nous. Je ne le fais jamais, mais là, je n'ai pas le choix, je tourne la tête vers la gauche, pour regarder à l'intérieur de son bureau.

— Oh, merde ! Tu viens de mater le bureau de Monsieur Evans, siffle-t-il.

Lake est assis derrière son ordinateur, en face de trois personnes. La discussion paraît extrêmement sérieuse, voire compliquée. Fred, qui m'avait semblé amical, jovial même, a l'air furieux.

— Réunion budgétaire des plus délicates, confirme Paul, lui-même soucieux.

Je m'apprête à me détourner d'eux quand subitement Lake lève la tête vers moi. Il ne me regarde pas, non, il fixe un point, plus loin dans mon dos. J'entends les portes de l'ascenseur se refermer et son regard se durcit. Mince.

— Alma ! Te voilà !

Je me retourne et je vois Cath. J'avance fissa dans sa direction, et elle me prend dans ses bras sur-le-champ. Habilement, je prolonge notre embrassade en pivotant, afin qu'elle soit dos au bureau de Lake. À présent, ce sont mes yeux qu'il croise et je ne saurais dire s'il m'assassine ou me demande de l'aide. Mais j'ai compris. Il ne peut pas gérer ça maintenant.