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Lake

Présent

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Alma tremble comme une feuille dans mes bras. Elle fond contre moi, cherche ma chaleur ou bien mon cœur. Elle est si pressée contre mon torse qu'il doit résonner en écho avec le sien. Son souffle est lourd, mais la cadence est troublée de trémolos. Ses paupières sont plissées à l'extrême, malgré tout, quelques larmes parviennent à s'évader. Je les embrasse tendrement. Que puis-je faire d'autres ? Ce baiser était inattendu, bouleversant, épique.

Dans l'instant, aucun mot ne pourrait mieux exprimer ce que je ressens pour Alma, que ce baiser. Et tant bien même, je n'ai aucune envie de m'y risquer. Je devine que le moindre son qui sortirait de ma bouche, du plus innocent au plus insolent, suffirait à ce qu'elle s'échappe. Et vu l'état dans lequel elle se trouve, je redoute de la faire fuir pour toujours.

Je me contente de la serrer bien fort contre moi, heureux qu'elle s'y réfugie. Je tente de la réconforter en embrassant ses larmes, honoré qu'elle me les confie. Je me risque à libérer l'un de mes bras, pour enfoncer mon bonnet presque rose sur sa jolie tignasse presque blonde. Elle se laisse faire et à mesure que je descends le revers sur sa frimousse, le tempo de nos cœurs s'harmonise. Je frotte mon nez sur le sien, il est humide et tout froid, mais je ne pouvais pas y résister. Elle esquisse un sourire timide qui me rassure plus que mille mots. Alma est effrayée, mais elle est toujours avec moi.

— Je t'interdis de me refaire ce coup-là, Evans, marmonne-t-elle en redressant la tête.

Je ne distingue que sa bouche, mais sa moue boudeuse est suffisamment explicite pour ne pas avoir envie de la contredire. Je ne peux cependant pas me résoudre à confirmer, car je ne souhaite pas lui mentir. Putain, c'est évident que je passerai ma vie à lui montrer que je l'aime.

*

Elle éclate de rire tout en enfournant un mini-beignet dans sa bouche. Ses lèvres sont saupoudrées de sucre glace, ses doigts jouent avec Little Hurricane et elle écoute attentivement le cours magistral que je lui assène sur l'édition. J'ai parfois l'impression qu'elle se fout de moi, en réalité, j'en suis certain, mais je préfère mille fois la voir s'amuser ainsi, plutôt que pleurer dans mes bras comme tout à l'heure. Pourtant, l'émotion qui nous a assaillis est toujours là. Nos regards sont différents, à moins que je ne les interprète autrement. Et voilà qu'elle lèche ses doigts. Elle le fait exprès, ce n'est pas possible ! Pourvu qu'elle n'arrête jamais.

— Lake Evans, tes idées ont besoin d'un ouragan.

Inutile de me le répéter ni même qu'elle étaye ses propos, je goûte déjà ses lèvres avec gourmandise. Mon équilibre est plus que précaire, car Alma a souhaité travailler sur les poufs qu'elle a noyés de livres, et qu'une table basse bancale nous sépare.

— Hum, hum !

Un raclement de gorge, un sursaut et je m'écroule sur elle.

— Tu m'as fait peur ! râle Alma en me repoussant.

Je roule sur le dos et ma tête heurte l'unique endroit dépourvu de tapis moelleux. Un rire chaud, d'une couleur semblable au bruitage précédent, nous enveloppe. Will. Puis un rugissement bizarre, datant sûrement de l'époque préhistorique, domine le tout. Et voilà, Riley !

— Ils ont passé dix ans à se fuir, commence Will.

— Tu crois qu'ils vont passer dix ans à se bécoter ? ajoute Riley.

— La question est : sont-ils capables de faire une pause de plus de dix minutes, pour dîner avec nous ?

— Non, la véritable interrogation est plutôt de savoir si nous en avons envie, réplique Alma.

Little CrushOù les histoires vivent. Découvrez maintenant