Little Crush

29°

Lake

Présent

~

Elle secoue la tête, tente de parler, mais reste muette. Des larmes semblent brouiller de plus en plus ses grands yeux verts. Will m'explique qu'elle a repris en quelque sorte connaissance quand elle discutait avec lui dans la cuisine. J'apprends qu'elle a paniqué et qu'elle a voulu rentrer chez elle. C'est pour ça qu'elle s'est enfuie aussi précipitamment et brutalement. C'est pour ça qu'elle a prononcé ces mots, putain !

« Je ne me sens pas très bien. Je vais y aller. C'est mieux pour tout le monde, je crois. Ce n'est pas grave, c'est cool, on se verra lors d'une prochaine soirée. » 

J'ai bêtement pensé qu'elle parlait de nous. J'ai cru que c'était sa façon de me mettre un stop, de me dire qu'elle ne voulait plus qu'on dorme ensemble comme prévu. J'ai compris que cela devait s'arrêter là, qu'elle n'envisageait plus de me revoir. Pas rapidement et pas juste nous deux. J'ai imaginé qu'elle ne souhaitait pas que les choses changent. Putain, c'est seulement un quiproquo, en somme !

Elle ne parlait pas de nous. Elle ne m'a pas repoussé. C'est étrange, mais une bouffée d'espoir et un sentiment d'apaisement m'envahissent. C'est vrai qu'elle a oublié notre première fois, la mienne, mais ce n'est pas de sa faute. Et puis, ce qui me faisait mal, ce n'était pas d'avoir couché avec elle, non, c'était son rejet. Mais c'était faux.

— Oh, putain, Alma ! Je ne savais pas, je pensais que tu avais simplement changé d'avis. J'ai cru un temps que tu t'étais foutu de moi aussi. Mais peu importe, maintenant. Alma, c'était une soirée inouïe, tu as été parfaite. Je dois t'avouer que je dois être le seul être humain sur terre à trouver que sa première fois était mémorable, et qu'elle supplante toutes les autres. Enfin, sauf depuis très récemment.

— Putain, ta vie sexuelle a dû être merdique ! s'exclame Riley.

Alma ne répond pas et Will ne sourit pas. Ils ont l'air toujours aussi graves et soucieux. En outre, Alma semble de plus en plus furieuse. J'ai raté un truc. Encore.

— Merde ! Tu as pourtant dit qu'on avait couché ensemble ?

— Oui.

— Je ne comprends pas.

— L'hiver de nos vingt-et-un ans, me dit-elle froidement.

— C'était deux ans après.

— Bravo ! raille-t-elle, visiblement vexée.

Elle est clairement hargneuse et je déteste ça. Je ne l'ai jamais vue ainsi. Avant, elle m'ignorait, elle ne m'agressait pas. Et maintenant que nous sommes ensemble, c'est encore plus blessant. Merde, Alma ! Aide-moi à comprendre !

— Je suis désolé, je ne m'en souviens pas.

— Toi aussi, tu fais des black-outs ?

Et là, je percute enfin.

— Uniquement, quand je prends de la drogue à mon insu.

— Putain, alors t'étais vraiment mort d'amour ? demande Riley.

— Carry avait rapporté des space cake, dis-je en essayant de me rappeler de l'insaisissable. Je pensais que c'était seulement un gâteau. Je suis parti me cacher juste après l'avoir mangé, il me semble.

— Tu n'avais pas l'air défoncé, ni même bourré, réfute-t-elle.

— Le temps que le corps absorbe la nourriture, et donc la drogue, cela peut prendre des heures avant d'en ressentir les effets, dit Will. On a récupéré Lake, vers cinq du mat, dans le jardin, derrière des arbustes près de chez lui. Il était en plein bad trip. Il délirait à propos d'une femme dont il était amoureux et qu'il devait retrouver, il refusait d'ouvrir les yeux.