Alma
Six ans plus tôt
~
Je traverse la maison pour rejoindre Will sur la terrasse, déjà pleine d'invités.
— Happy Summer ! s'exclame-t-il en déposant une couronne de fleurs sur ma tête.
Cette année, sa fête annuelle met l'été à l'honneur. Will et moi sommes toujours aussi proches, nous nous appelons souvent, échangeons des messages sans arrêt, mais nous avons peu d'occasions de nous voir, si bien que j'ai l'impression que ça fait une éternité que nous ne sommes pas vus. Je parcours rapidement le monde autour de moi et je remarque immédiatement que je ne connais personne.
— Riley n'est pas encore là ?
— Non, mais il devrait bien arriver.
Je ne réponds pas, mais Will me donne un coup d'épaule empreint d'une douceur fraternelle.
— Je suis là, Al !
— Oui, je sais.
— Je ne te laisserai pas tomber.
Je me tourne vers lui, me demandant pourquoi il prononce ces mots. Est-il au courant pour l'an dernier ? Je relève le menton, le défiant à ma façon.
— Qu'est-ce que tu entends par là, Will ?
— Je sais que depuis quelque temps, tu es devenue une vraie louve solitaire.
À ce moment-là, une silhouette attire mon attention.
— C'est faux.
— Tu sors peu, tu ne rencontres personne, tu...
Un homme, mon enfoiré – Non, l'autre enfoiré ! – vient de franchir le portail.
— J'ai du boulot.
— Il paraît.
Depuis quand passe-t-il par la porte de devant pour entrer chez Will ?
— Putain, je bosse comme une dingue, Will. Je quitte l'école à vingt-deux heures tous les soirs. Et ça signifie uniquement que le travail en groupe est terminé, pas le reste.
— Peut-être.
Fait chier, c'est parce qu'il n'est pas seul ! Une jeune femme de notre âge, brune et pulpeuse, entre juste après lui, se place à ses côtés, et se penche pour lui parler.
— Je n'ai pas besoin de toi, Will.
— Si tu le dis.
Elle pose sa main sur son bras et il acquiesce. Ils font quelques pas ensemble, rejoignant la soirée.
— Je sais encore faire la fête.
— Je ne sais pas.
Et voilà qu'il se pavane avec elle, la présentant à tout le monde, comme si elle était importante pour lui.
— Je peux faire des rencontres.
— J'en doute.
— Va te faire foutre, Lang.
Il m'offre un sourire à tomber, comme s'il venait de remporter la bataille.
— Je suis sérieuse, barre-toi.
— C'est un plaisir de te recevoir, ô douce meilleure amie, raille-t-il en effectuant une révérence.
J'éclate de rire, il me lance un coup d'œil et s'éloigne. Je gagne la table faisant office de bar et j'attrape une bouteille de ginger beer dans un seau rempli de glaçons. Lake. Lake Evans, autrement connu comme le-bien-trop-charmant-connard-de-meilleur-ami-de-mon-meilleur-pote, descend de la terrasse pour rejoindre Will dans le jardin, juste en contrebas. Ses cheveux sont courts, sa barbe un peu plus longue que d'habitude, son chino en toile beige est retroussé aux chevilles, son t-shirt gris est des plus basiques et il porte des espadrilles aux pieds.
— Il est vraiment sexy, non ? me lance une voix féminine.
Non ! Je bois une gorgée lentement avant de me tourner vers elle. Bien entendu, c'est la fille avec laquelle il est venu.
— Will est beau, c'est vrai, dis-je avec détachement.
— Oui, lui aussi.
Elle m'observe avec une attention dérangeante.
— Je m'appelle Ludivine.
Je m'en fous ! J'acquiesce tout en avalant une nouvelle lichette.
— Et toi ?
— Alma.
— Ouais, c'est ça, fait-elle d'une façon bizarre. C'est sans doute pour ça qu'il n'a pas voulu nous présenter.
Tout semble si faux dans sa manière de parler, et étrangement, même si sa voix et son attitude restent cordiales, je me sens menacée. Je ne relève pas, j'ai juste besoin qu'elle me foute la paix. J'esquisse un pas vers la droite, mais avant que je n'ai pu avancer, elle pose sa main sur mon avant-bras et j'ai envie de la gifler. Pourquoi est-ce qu'elle me touche, putain !
— Je suis venue avec lui, Alma.
Comme si j'avais pu passer à côté de ça !
— De qui tu parles, Ludivine ?
— Lake. Il est à moi.
— Oh ! Lui ? OK.
Feindre le détachement a été particulièrement difficile, mais il est hors de question que je perde la face devant la copine de Lake Evans. Putain, il lui a parlé de moi ! C'est un vrai connard. Je traverse la terrasse et je m'accoude sur la rambarde en regardant le jardin. Lake et Will ne sont plus là.
*
Plus tard, quelqu'un vient s'installer à ma gauche. Je sens sa présence, mais je ne me tourne pas vers lui.
— Je peux te poser une question ? commencé-je.
— Oui.
Sa voix est joliment cassée.
— Imagine un homme qui te plaît depuis...
— Hum, plutôt une femme.
— Ouais, donc imagine une femme qui te plaît depuis quelque temps déjà. Tu t'entends bien avec elle. Un genre d'évidence, tu vois ?
— Ouais, je vois.
— Un soir, vous couchez ensemble, c'est vraiment bon.
— Un autre genre d'évidence.
— Entre autres, elle te dit que tu la rends folle, qu'elle pense à toi sans cesse. Juste après, elle s'endort en te serrant dans ses bras, alors tu fais pareil. Finalement, avant l'aube, elle disparaît sans prévenir, ne donne aucune nouvelle et ne prend pas la peine de répondre à tes trois pauvres messages.
— Plutôt facile à concevoir.
— Maintenant, imagine cette même femme, six mois plus tard, elle débarque à cette même soirée, avec un autre homme, peut-être bien plus canon que toi. Et cet homme parait déterminé à te rendre jaloux, comme s'il savait ce qu'il s'était passé, alors que pourtant, c'était censé être tellement insignifiant que ça ne méritait pas un modeste : « C'était sympa, bonne nuit ! ».
Je me tourne vers lui, il semble pensif.
— Que ferais-tu ?
À son tour, il pivote vers moi, son regard plonge dans le mien. Il m'observe longuement, tout comme je le fais. Puis, il effleure ma pommette et glisse mes cheveux derrière l'oreille, me volant un frisson.
— Je t'embrasserais, murmure-t-il presque comme une question.
Profondément troublée et ne trouvant plus mes mots, j'acquiesce en douceur. Il m'offre un sourire timide, je me mords brièvement la lèvre inférieure. Il avance vers moi et je retiens ma respiration. Il cueille ma joue dans sa main, puis il dépose un baiser sur mes lèvres. Un baiser simple, un peu comme on fait par habitude. Un baiser tendre, affectueux, comme un couple le ferait.
— Elle m'a fait le coup il y a longtemps, dit-il en détachant sa bouche de la mienne sans vraiment reculer.
— Il m'a fait le coup l'hiver dernier.
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Little Crush
RomanceAlma Blunt La première fois qu'il l'a aperçue ? Elle portait une culotte à froufrous, fun et envoutante. La première fois qu'il a espéré l'embrasser ? Elle venait de braquer son jardin et parlait à une plante. La première fois qu'il est tombé amoure...