Little Crush

15°

Lake

Présent

~

Le soir, je n'ai pas dormi, j'ai passé la nuit à rêver d'Alma, de sa peau douce et sucrée, et de son odeur vanillée et poivrée. Mais ce sont ses petits bruits, ses gémissements et ses râles érotiques qui m'ont hanté. J'ai beau essayer, depuis qu'elle m'a dit qu'elle ne m'en voulait pas, qu'elle allait bien, je n'arrive pas à le regretter un seul instant.

Alma est partie juste après avoir vidé le congélateur pour donner mes glaces à nos amis. Mes amis. Mais même ça, ne m'a pas atteint, parce que je venais de vivre le moment le plus intense et le plus érotique de ces derniers mois.

J'ai eu peur que la sorte d'équilibre, que nous avions réussi à établir au travail, ne soit perturbé. Mais non. Elle continue de m'ignorer, sans jamais jeter un œil au fond du couloir, sans jamais chercher à apercevoir mon bureau ou plus précisément, moi. Et de mon côté, dès qu'elle s'échappe du 503, je la contemple.

Avant, je tâchais d'être discret, tentant de trouver un compromis avec moi-même, essayant de me convaincre que j'étais inquiet de l'ouragan qu'elle semble préparer dans nos locaux, refusant l'idée que je puisse tout bonnement avoir envie de la voir. Je restais sans cesse à l'affût, prêt à détourner la tête ou fermer les yeux, juste au cas où elle me verrait au même moment.

Aujourd'hui, je cherche désespérément à croiser son regard vert émeraude, je voudrais avoir un prétexte pour lui parler, j'aimerais qu'elle me sourie, et je rêverais de l'entendre gémir encore une fois. Alors, même si je suis rassuré de constater qu'elle est toujours elle-même, une part de moi aurait adoré qu'elle soit chamboulée.

Néanmoins, je guette avec impatience sa vengeance. Je n'ose pas imaginer le genre de supplice qu'elle pourrait m'infliger. Alma pense à l'envers de moi, de la plupart des gens. Et même si j'ai la prétention de parvenir à la comprendre de plus en plus ces derniers temps, je n'irais pas jusqu'à deviner ce qu'elle peut manigancer. Elle pourrait aussi bien noyer mon casier que suspendre une culotte sale sur la porte de mon bureau. J'aimerais bien la deuxième option. Merde, je suis accro !

*

Mais aujourd'hui, j'ai l'esprit ailleurs, parce que ce matin, j'ai rendez-vous avec Rachel. Je pénètre dans le café où nous avions l'habitude d'aller ensemble, je m'installe, et quelques minutes plus tard, elle arrive. Toujours très jolie, aussi parfaite, dans son tailleur bien coupé et ses talons vertigineux. Je ne l'ai pas revue depuis le lendemain de notre séparation, depuis ce jour où nous avons échangé nos affaires dans la rue.

Elle a été plutôt choquée de ma décision, bien qu'elle n'ait pas fait de vague. Je le sais parce qu'elle a pleuré et que c'était la première fois que je la voyais ainsi. Cela fait plus de six mois que nous avons rompu, ou plutôt que j'ai rompu avec elle. Je ne pensais pas la revoir. Nos groupes d'amis étaient bien distincts, tout comme nos habitudes. Seulement, hier, elle m'a contacté, me demandant si nous pouvions boire un café. Elle m'a dit que c'était important et que ça ne serait pas long.

Nous nous faisons maladroitement la bise. Elle semble encore plus à l'aise que moi, d'ailleurs. Puis, elle s'assoit. Nous échangeons quelques banalités, en vain.

— Lake, si je t'ai demandé de venir, c'est pour te dire au revoir, dit-elle finalement.

Je ne réponds pas tout de suite, je me redresse, pour écouter la suite. Elle m'annonce qu'elle quitte la ville, qu'elle a trouvé un emploi à Paris. Je suis apaisé. Je craignais qu'elle me propose de ressayer, qu'elle exige des explications ou qu'elle me dise à quel point je l'ai fait souffrir. Mais apprendre qu'elle déménage pour un job, qu'elle a saisi une opportunité qu'elle n'aurait jamais saisi si nous étions ensemble, ça me soulage. Nous discutons quelques minutes de son nouvel emploi, je lui parle de ma promotion en tant que responsable d'édition et nous nous séparons. Cette fois-ci, l'un comme l'autre, nous savons que c'est la dernière fois que nous nous voyons.