19°

636 84 6
                                    

Lake

Présent

~

« C-03 »

À la seconde où je déchiffre cette inscription sur le mémo, je dévale les escaliers jusqu'en bas, je traverse le couloir et je pénètre dans les vestiaires. La vaste pièce se divise en deux espaces, une partie avec des casiers et une autre avec des cabines de douches. Les casiers, c'est de ça qu'il s'agit. Ils sont disposés en U autour de la salle, une grande banquette se trouve sur le mur libre, et au milieu se dresse un îlot de cases, formant une brève cloison. Je repère le casier numéro 03, planqué au niveau du sol. Il est verrouillé, ce qui signifie qu'il contient forcément quelque chose. J'approche le badge d'Alma, ou devrais-je dire du General Crush, et la porte s'ouvre.

— Oh, Alma !

Un univers merveilleux s'offre à moi. Comme dans le casier C-18 de Men In Black, un monde miniature y trouve refuge. Je me retrouve à genoux sur le parquet froid, penché devant cette case improbable. Il y a une maison étonnante, entièrement faite de carton et de papier. D'ailleurs, tout semble avoir été fabriqué avec des matériaux de récupération. J'observe la construction qui paraît se composer de plusieurs bâtisses, empilées les unes aux autres, suspendues sur les parois.

On dirait une favela. Il y a un côté un peu bancal, un peu usé, un peu malmené. Il y a des fenêtres avec des rideaux qui sont pris dans le vent, aspirés dans la rue. Je les effleure du bout des doigts et je sens l'étoffe rigidifiée avec de la colle, figeant le mouvement. Certaines choses semblent littéralement voler. Des feuilles d'arbres, des journaux, un chapeau sont suspendus par des fils de nylon si fins qu'ils deviennent invisibles. Ces objets si minuscules contiennent pourtant tous les détails, jusqu'au titre sur les gazettes éparpillées dans les airs, comme « Avis de tempêtes », « La saison des ouragans » ou « La tempête du siècle ».

— Little Hurricane.

Je continue ma contemplation, et je note que toute la végétation, faite de matériaux divers et variés comme différents textiles, du papier ou de véritables végétaux séchés, semble subir de violentes rafales. Et enfin, je la débusque, la petite R5 garée sous une partie de la maison, ressemblant à un garage soutenu par des colonnes en carton. Il y a des outils miniatures, une pile de pneus et un casque de rallye. La voiture est abritée des intempéries, et j'avais raison, c'est la résidence de Little Hurricane. Une demeure un peu excentrique, sur laquelle on peut lire ses blessures, ses failles, mais aussi ses joies. J'observe une piñata dans le jardin, une guirlande guinguette sur un perron, une lumière dans l'une des pièces, et j'aperçois des livres et de la laine. Il y a même devant la porte d'entrée, un sac de courses avec de la ginger beer, du saucisson et du pain.

— Elle est incroyable.

Sur le bord du casier, je repère une modeste plaque en métal ajourée, avec des petites charnières clouées dans le panneau en carton épais qui forme le sol. Je la déplie et je constate qu'elle joue le rôle d'une sortie de garage, effaçant les quelques centimètres séparant ce monde miniature du parquet du vestiaire. J'observe encore plus attentivement le garage, et c'est alors que je vois un poster collé sur la porte. Une affiche de rallye. Je me retrouve à plat ventre, tentant de décoder ce poster : « Rallye Unami Offroad, Little Hurricane vs General Crush, 03/12. »

— Elle est délirante.

Je fonce au casier numéro 12, et je le déverrouille aussitôt.

— Putain, c'est dément !

Little CrushOù les histoires vivent. Découvrez maintenant