Chapitre 45 - Sans lui, sans elle

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EZEQUIEL

Dos contre le bitume, le visage levé vers la nuit sombre. Mon souffle s'envole dans l'air, mon corps est groggy par la vodka, le froid et la douleur.

Cette souffrance atroce qui me paralyse et qui m'empêche de respirer, comme un poids impossible à soulever qui s'est posé sur mon thorax.

Une enclume qui m'entraîne au fond d'un néant douloureux et sombre.

La dernière fois que j'ai eu aussi mal, c'est à la mort de ma mère. Et je n'imaginais pas un seul instant à avoir ressentir ça à nouveau. Ni que je pourrais y survivre.

Pourtant, physiquement c'est le cas. Je suis vivant, je respire, je marche, et je vois.

Mais j'ai la sensation que mon âme déjà détruite vient de s'effondrer sans avoir l'espoir de se relever.

Une semaine.

Flint est mort depuis une semaine et j'ai la sensation que l'on m'a ouvert la poitrine pour y extraire tout ce qui fait de moi un être humain.

Il n'est plus là, et je réalise que maintenant l'importance qu'il avait pour moi. Il était plus qu'un frère d'arme, qu'un ami avec qui j'ai traversé les enfers pour en ressortir vivants.

Il était une partie de moi qui est morte avec lui ce soir-là.

Parce que je n'étais pas là.

Et malgré les jours que je passe à m'anesthésier à la vodka, cette souffrance ne s'arrête pas. Elle ne diminue pas, ne perd pas en intensité.

Elle augmente inexorablement en même temps que ma culpabilité m'assassine de son poignard acéré.

Sur le toit du Refuge, je laisse la nuit m'emporter comme tous les soirs depuis son enterrement. Incapable de rentrer chez moi pour y trouver un appartement silencieux.

Je porte ma bouteille quasiment vide à mes lèvres et laisse retomber ma tête sur le bitume. Le regard vissé sur une obscurité bien trop familière.

Il est mort.

Et je n'ai rien pu faire.

Une larme coule sur ma tempe me faisant fulminer de douleur et de colère alors que je m'essuie rageusement.

Je ne maîtrise plus rien.

NDA : Dear Sara - Andy Leech

Je n'ai plus aucun contrôle sur les émotions trop violentes, qui ne me laissent aucun répit jour et nuit.

- Je t'ai toujours dit que toi et moi, on ressentait plus fort les émotions mon frère.

Je tourne la tête, le coeur en vrac et croise son regard noir. Allongé sur le dos à mes côtés, ses cheveux blancs bougent au gré du vent et son sourire de connard est greffé sur ses lèvres.

- Ouais c'est vrai, comme quoi, tu ne disais pas toujours que des conneries.

Il se marre et pose ses mains sur son torse en liant ses doigts, le regard vers le ciel. Et moi j'observe son profil, le cerveau engourdi par l'alcool.

Je sais qu'il n'est pas vraiment là, mais je m'y accroche pour ne pas qu'il parte en me laissant seul.

Une semaine.

Et je ne suis plus Ezequiel Barrow.

Ni le croque-mitaine.

Je suis le garçon orphelin des camps de la rage.

Et j'ai beau me battre de toutes mes forces, je n'arrive pas à enlever ce costume qui semble s'être cousu à ma peau et à mon âme.

Il tourne la tête vers moi, avec un sourire sincère qui me bouleverse parce qu'à cet instant, il n'est pas Flint Slaren.

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