Chapitre 2 - Les violettes

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EZEQUIEL

Mes yeux glissent sur les corps qui se percutent brutalement dans un déferlement de violence libérée. Cette férocité sanglante qui emplit l'atmosphère du bâtiment d'une aura sanguinaire, mortelle et virile.

Mon cœur reste paisible, mon âme latente dans l'expectative que quoi que ce soit puisse la faire réagir.

Mes yeux scrutent et mon cerveau analyse les moindres faits et gestes des deux boxeurs sur le ring.

Pas de gants, de protège dents ou même d'équipe médicale.

Juste des coups, des larmes et du sang.

Dans mon dos, je ressens l'attente de mon boss. Une réponse que je dois lui donner concernant les deux nouveaux poulains qu'il a recruté pour son vivier de chair à canon, qu'il envoie se battre dans des combats clandestins à travers le pays.

Consciemment, je le fais patienter alors que mon avis est déjà fixé depuis plusieurs minutes. Je cherche simplement à lui prouver par mes silences que je reste maître de mes pensées, même si je bosse pour lui.

Il sait d'où je viens, ce que je suis, ce qui a fait de moi l'homme qui lui est indispensable.

Les camps de la rage.

Je suis l'enfant enragé qui s'est retrouvé enfermé dans des camps où les hommes et les femmes, bien que celles-ci soient rares, sont considérés comme des animaux.

Des esclaves surentraînés à se battre, tuer et mourir. Un bagne où seule la cruauté et la violence permettent de survivre, pour ne pas devenir l'esclave ou la chose d'un enragé plus féroce.

J'étais l'enfant orphelin des camps de la rage.

Je n'étais pas le seul, mais j'étais l'orphelin que tout le monde connaissait sans réellement savoir qui j'étais.

Sauf un homme. Celui qui m'a appris à me battre de façon maîtrisée et précise tout en laissant ma bestialité s'exprimer. Un parfait équilibre qui fait de moi la pièce essentielle dans la partie d'échiquier de mon patron.

Celui que je n'ai jamais revu, mais que je n'ai pas oublié.

Cette partie de ma vie est révolue, et même si ça a été un enfer, c'était mon existence.

Un raclement de gorge me ramène au présent, impatient mais discret. Sous la capuche de mon sweat sans manches, je souris légèrement avant de l'effacer et de me tourner vers le big boss.

Costard bleu marine à plus de trente milles boules, cheveux bruns a la hipster mais coiffés aux millimètres près. Des yeux marrons vifs et intelligents, des traits anguleux, une mâchoire fine mais masculine et une barbe de trois jours taillée à la perfection.

Il attend mon verdict en espérant que je lui dise ce qu'il veut entendre.

Ce n'est jamais ce qui arrive.

Je ne lui dis jamais ce qu'il espère entendre. Simplement les faits bruts, la vérité, même si celle ci ne lui plait pas. C'est une condition sinequanone à notre survie dans ce monde.

- Aucun des deux ne survivra plus d'un combat.

Ses yeux trouvent les miens sous ma capuche que je relève légèrement. Les bras croisés sur mon torse, je le laisse m'inspecter de haut en bas à la recherche d'une quelconque trace de sournoiserie.

Ne trouvant rien, il abdique en fourrant ses mains dans les poches de son costume avec un léger sourire sur le visage. Il se positionne à mes côtés face au ring, et observe les boxeurs se ruer de coups.

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