Undream

Chapitre 55 - Le fils du monstre

EZEQUIEL

- Ez ? Est ce que t'es là ?

La voix de Will me parvient comme si j'avais la tête plongée dans l'eau. Lointaine et en écho.

J'ai la sensation de me noyer, ma respiration est bloquée, mes muscles cèdent et je m'effondre totalement dans ce salon qui a vu la fin de ma relation quelques minutes plus tôt.

Mon esprit s'embrume, ma vision devient floue et je comprends que les signaux d'alerte que mon corps m'a envoyé tout à l'heure sonnent clairement une alerte rouge.

Mon rythme cardiaque est irrégulier, brutal et ma respiration obstruée est sifflante.

La porte s'ouvre et les pas de Will se font pressants quand elle me voit au sol.

- Ez ! Hurle- t-elle en se jetant à genoux devant moi.

D'une main sur ma poitrine je lui indique ma détresse respiratoire pendant que son visage devient brumeux.

Mon corps est poussé sur le côté et d'autres pas se font entendre. Des mains m'agrippent pour me positionner d'une manière qui dégagerait mes poumons. Le visage de Garret apparaît dans mon champ de vision.

Le médecin qui s'occupe des enragés à Seattle a intégré mon équipe à la demande de Will. Elle a confiance en lui et c'est tout ce qu'il me fallait.

- Tu as trop poussé mec, tu fais chier. Je passe des heures à sauver ta carcasse et vingt-quatre heures plus tard tu crapahutes partout. Vraiment tu m'emmerdes. Râle-t-il en me mettant un masque à oxygène sur la bouche et le nez.

L'air entre dans mes narines, et emplit mes poumons qui se rebellent contre l'intrusion. Je tousse à en cracher mes organes et chaque soubresaut de mon corps m'arrache un cri de douleur que je ne maîtrise plus.

- Va chercher Rio. S'enquiert Will en se tournant vers Jorel accroupi à mes côtés.

Il acquiesce et se redresse mais je lui attrape vivement le bras. Il m'observe attentivement quand je secoue négativement la tête.

- Laisse-la.

Il fronce les sourcils d'incompréhension. Il sait ce que je ressens pour elle, l'importance qu'elle a à mes yeux depuis qu'il a assisté à ma confrontation avec Amber. Alors il ne comprend pas mon refus.

Mais j'ai trop mal. Je ne peux pas la voir et supporter cette distance qu'elle m'impose. Je suis à terre et voir son regard ne ferait que m'enfoncer un peu plus.

Il finit par acquiescer et poser sa main sur mon épaule. De côté, la tête posée sur les cuisses de Will avec Garret qui répare ce que j'ai encore cassé, je les laisse m'apporter ce que j'ai toujours refusé.

Un soutien.

Parce qu'aujourd'hui, je ne suis plus capable de me relever seul. J'ai trop poussé, trop enfoui mes émotions, et trop joué avec ma vie, mon corps et sa résistance.

Je ferme les yeux, épuisé en ressentant les doigts de Will dans mes cheveux. Doux, aimants et emplit de tendresse dont elle fait preuve qu'envers moi et envers Flint. La paume de la main de Jorel sur mon bras, et les doigts de Garret apaisent mes blessures.

Je n'abandonne pas.

Je lâche prise.

Parce qu'à ce moment précis, je ne suis plus le croque-mitaine, ni l'enragé ou le garçon orphelin des camps de la rage.

Je ne suis plus Ezequiel Barrow.

Ni même Dream.

Je suis simplement le monstre de l'histoire incapable de rêver, affaibli et abîmé.