Chapitre 6 - Le ballon

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EZEQUIEL

Le soleil se couche sur New York pendant que je m'éveille. Les écouteurs dans les oreilles, je foule les allées de Central Park à un rythme soutenu, poussant mon corps toujours plus loin. Je cours pour chasser le néant qui m'a envahi quand j'ai fermé les yeux, je cours pour entretenir mon corps, je cours pour chasser l'ennui de ces trois derniers jours.

La chaleur est encore présente malgré la fin d'après-midi, je croise d'autres joggeurs, des couples qui se donnent la main, des vieux qui promènent leur clebs, des familles dont les mômes se disputent ... La vraie vie.

Ma respiration commence à se saccader, mais je pousse encore. Trois jours que je fais le pied de grue devant l'appartement de la fille Turner.

Je la suis nuit et jour en me relayant avec Flint, qui se fait chier autant que moi. C'est barbant de constater que la vie des gens peut être aussi fade, mais aussi ... apaisante.

Bien que la vie de Rio Turner ne le soit pas tant que ça. Je me demandais pourquoi je n'avais pas encore aperçu sa coloc'.

En la suivant à un enterrement, j'ai compris que cette fille est morte, sans me soucier plus que ça de la défunte, je me suis concentrée sur la fille Turner, et sa famille.

J'ai été frappé par le lien qui les unit, même dans la douleur, le deuil. Caché dans l'ombre, j'ai observé son visage tiré par la peine qu'elle tentait de cacher, son corps tendu dans cette robe noire qui lui irait à la perfection si son visage n'était pas caché par un masque froid, distant et endeuillé.

Le clan Turner était là, hormis les mouflets. J'ai pu apercevoir de loin Arès Turner, le Dieu de la guerre. Aussi massif qu'impressionnant, au côté de sa femme dont le visage reste innaccéssible, caché derrière de grosse lunettes de soleil noires. Seuls ses cheveux blancs regroupés en un chignon la distinguaient des autres.

Concentré sur la fille, j'ai senti un regard perçant me tomber dessus. Caché derrière une végétation épaisse, une clope au bec, il ne pouvait pas me voir et pourtant son regard était rivé dans ma direction, avant que son attention soit attiré par sa femme et sa fille.

Cette facette de lui, mari et père aimant est en parfaite opposition avec sa réputation de guerrier sanguinaire et mortel.

Ce qui me pousse à me demander si l'amour qu'il partage avec sa femme et ses gosses ne le rendrait pas faible.

Sentant l'étau se refermer autour de moi, je me suis éclipsé rapidement. Il est une chose de surveiller la fille Turner, s'en est une autre de se faire chopper par le daron.

Une fois l'enterrement terminé, je l'ai retrouvé dans un resto coréen non loin de chez elle. Flint m' avait averti qu'elle s'y était déjà rendu et avait même eu un eyes contact avec elle. Ce n'était pas voulu, mais selon Flint cette fille n'est pas qu'une petite étudiante insouciante. Elle analyse son environnement et écoute son instinct aiguisé. Il s'est montré trop confiant et cet abruti s'est fait remarquer.

Malgré ça, il ne m'a rien appris. J'ai déjà remarqué sa capacité d'analyse de son environnement, bien que des failles soient clairement visibles dans sa façon de procéder.

Depuis la vitrine du resto, avec ses amis, elle semblait être porteuse de ce groupe de dépressifs qui ont fini par rire avec elle et au moment de partir j'ai capté la petite conversation qu'elle a eu avec ce type. Athlétique avec une veste de foot de la fac de New York, il semble tourner autour de Turner comme un camé autour d'un dispensaire, réclamant l'attention que visiblement sa belle refuse de lui donner.

Les jours qui ont suivis ne m'ont rien appris de plus, elle a peu d'amis, se concentre sur ses études et le boulot qu'elle a décroché chez Campbell. Ce qui me pousse à croire que pour en apprendre plus sur elle, l'observer ne sera pas suffisant. Il faut l'approcher.

UndreamOù les histoires vivent. Découvrez maintenant