Chapitre 6.1

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PDV Ryan

 

Je patiente, adossé à la vitre d'une salle, les mains dans les poches et la touillette en plastique de mon quatrième café de la matinée entre les dents. 

Ethan a été baladé de bureaux en bureaux durant deux heures avant d'être coincé ici à ingurgiter un nombre incalculable d'informations. Deux conseillers s'occupent de sa formation accélérée : un vieux bedonnant dégarni nommé Charles et Martha, une vieille fille allergique aux hommes, aussi autoritaire et désagréable que ma prof d'anglais au collègue.

Ils lui ont présenté les lieux et les salles principales tout en lui racontant l'histoire d'I-code et sa croissance. Ethan a déjà appris les différents domaines d'actions de l'entreprise, leurs réussites passées et les échecs rencontrés, ainsi que leurs objectifs à l'heure actuelle.

En ce moment, ils lui expliquent les partenariats en cours, quel rôle il jouera en tant que PDG dans l'entreprise, le planning type de ses journées et de quelle façon il doit se comporter. Je n'imagine pas à quel point il doit se sentir perdu et submergé.

Il va lui falloir plus d'un carnet de notes. Et vu le ton exaspéré sur lequel Martha s'adresse à lui depuis dix minutes, j'en déduis que son cerveau a saturé depuis un moment.

Je grogne dans ma barbe et retrousse davantage les manches froissées de ma chemise noire. Ils se permettent tous de le traiter comme un enfant de dix ans.

Certes, l'entreprise doit être gérée d'une main de maître, mais ça ne leur donne pas l'autorisation d'être aussi durs et malpolis avec lui, ils ne sont pas ses parents. Et puis, Ethan vient de faire vingt-ans, il n'est plus un ado. Et quoiqu'il arrive, le conseil et la vice-présidente sont là pour siéger avec lui, I-code ne risque rien.

L'attitude de ces deux-là me tape sur les nerfs. Sous prétexte qu'il n'ose pas répondre et manque de confiance en lui, ils prennent beaucoup trop de libertés avec lui. Est-ce qu'ils préfèreraient un jeune arrogant égocentrique, qui pourrirait ses employés ? Ouais, en fait, ils en seraient bien capables.

Je lâche un soupir agacé et me tourne vers la vitre. Ethan porte son front dans sa paume tout en lisant la montagne de papiers que désigne Martha de son doigt de sorcière. J'espère qu'il prendra vite du poil de la bête.

Après son interview de ce midi, l'après-midi shopping va lui faire du bien. Ils n'ont pas intérêt à le monopoliser. En tant que vice-présidente, la tante gère suffisamment de son côté pour pouvoir se passer de lui, au début.

Tout ce qu'il risque d'arriver, s'ils le surchargent d'entrée de jeu, c'est le pousser au burn-out. Voire à la dépression. Parce que cette période ne s'arrêtera pas, cette nouvelle vie ne fait que commencer. Ils ont plutôt intérêt à le ménager. Je pense que je vais aller m'entretenir avec certaines personnes, à leur sortie.

La porte s'ouvre à ce moment précis.

― Et par pitié, achetez-vous des habits convenables, vous n'êtes plus à la fac, lui lance Martha.

Mon poil se hérisse. Ethan acquiesce et se dirige vers moi, l'oreille basse. Je retire ma tige en plastique des dents avant de la casser en mille morceaux.

― Monsieur, puis-je parler quelques instants seul avec Madame Holloway et Monsieur Brown ?

― Bien sûr, je vous attends à la machine à eau.

― Merci.

J'invite les deux conseillers à entrer à nouveau dans la salle. Comme prévu, Martha n'apprécie mon initiative.

Double jeu (MxM)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant