Chapitre 30.4

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Le dîner s'est déroulé en échangeant à peine quelques mots. Ce silence entre nous me pèse. Lui qui me faisait rire si facilement... Nous nous amusions souvent, ensemble. Batailles d'oreillers, chatouilles, taquineries, jeux, provocations... de vrais enfants.

Avec lui, j'ai vécu en accéléré tout ce qu'il manquait à ma vie, et bien plus encore. Je l'écoutais philosopher sur le monde et critiquer la terre entière, et il m'écoutait parler des chats errants que je nourrissais avant de les prendre en chasse pour les photographier, jusqu'à retenir leurs noms.

Même quand je m'étalais durant des heures sur un sujet qu'il détestait, il restait attentif et n'en perdait pas une miette. Je regrette tant notre complicité et notre ancienne relation...

Je monte à l'étage et me place contre le mur grisâtre d'une autre chambre pleine de gravats, tandis que Ryan braque la webcam de mon ordinateur portable sur moi, après l'avoir posé sur une vieille console. Une vidéo écartera tout doute sur mon identité et appuiera mes dénonciations.

― J'étais sûr que tu trouverais une solution ingénieuse, se ravit-il.

― C'est bon, enclenche.

Il me fait un signe de tête et je m'éclaircis la voix. J'ouvre la bouche, mais au lieu de démarrer ma déclaration, je le fixe dans les yeux.

Si je mentionne maintenant l'élimination des personnes impliquées chez nous dans le vol de données, je devrai citer les Lennox et Ryan sera inclus avec son père. Les autorités remonteront jusqu'à lui et, connaissant son père, il sera capable de le faire tuer pour l'empêcher de témoigner.

Dans le meilleur des cas, le FBI se fera un plaisir de l'envoyer croupir le restant de ses jours dans une prison à sécurité maximale, en compagnie des pires meurtriers du pays. Ces deux options me fichent la nausée. Il est toutefois impensable pour moi de laisser son père en liberté. Cet homme doit être arrêté, quoiqu'il en coûte.

Je ferme les yeux, affligé. La vérité est-elle linéaire ? sans concessions ?

― Ryan, est-ce que tu regrettes tes meurtres ?

Il baisse la tête et laisse quelques secondes s'écouler.

― Je regrette tout ce que je suis. Je n'ai jamais rien accompli de bien, parce que je ne suis pas quelqu'un de bien. Je n'attends plus la rédemption depuis bien longtemps. Je ne mérite la clémence de personne.

Sa mâchoire se contracte. Malgré sa tentative de rester impassible, ses sentiments et sa douleur sont clairs. Serait-ce juste de condamner aveuglément un homme qui tente de devenir meilleur et de racheter ses fautes, malgré le danger qui pèse sur lui ?

Son sort repose désormais entre mes mains. Qu'en ferai-je ?

« Ma vie sert la tienne. Maintenant, décide ce que tu veux en faire. »

Je me glisse au lit après un tour à la salle de bain. Nous avons fait le montage de la vidéo de la meilleure façon possible et Ryan l'a publiée sur le web ainsi que sur tous les réseaux sociaux. Ne reste qu'à laisser passer la nuit.

Demain matin, ce sera la panique générale chez de nombreuses personnes. Si j'étais resté chez Gilliane, avec ses gardes, je n'aurais pas passé la nuit. 

Je tapote un gel à l'aloe vera sur mes poignets avant de réenrouler les bandages pour les protéger des frottements durant la nuit. Quand je pense que je suis peut-être en train de me coller des hauts fonctionnaires de l'armée sur le dos... Je n'ai aucune certitude quant aux sanctions que les plus influents prendront, mais, au moins, cette boucle infernale sera brisée et I-code en aura fini avec ce passé criminel.

Double jeu (MxM)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant