Chapitre 4

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PDV Ryan


Après avoir fait plusieurs rondes dans la maison pour en découvrir les moindres recoins et fini mon paquet de cigarettes, je m'affale dans le canapé et croise les bras pour m'assoupir. 02h45. Si je ne me repose pas, la journée de demain promet d'être terrible.

Au moment où mes yeux se ferment...

― Ryan ?

Je les rouvre d'un coup et me rive sur Ethan, planté au bout du canapé dans un pull en maille XXL et un jogging gris.

― Monsie... Ethan ? Que faites-vous debout ?

― Je n'arrive pas à dormir. A vrai dire, je fais sans arrêt des cauchemars. Est-ce que... je pourrais m'assoir avec vous ?

― Faites ce que bon vous semble, vous êtes chez vous.

Il acquiesce et s'assoit à ma droite dans un long soupir. Ses cheveux sont ébouriffés et ses yeux gonflés. Il a pleuré, c'est évident.

― Pour tout vous avouer, il s'est déjà produit quelque chose chez ma mère, quand j'avais dix ans. Une nuit, un bris de verre m'a réveillé et je suis descendu en bas en pensant que c'était ma grand-mère qui était peut-être tombée - elle avait une santé fragile et nous n'étions que tous les deux, ce week-end là. Je suis tombé sur deux cambrioleurs.

Je le regarde, stupéfait. Et moi qui ai blagué sur le sujet... Quel con.

― L'un d'entre eux a braqué son révolver sur moi en me hurlant dessus. Réveillée par le bruit, ma grand-mère est arrivée et a tenté de s'interposer. Mais, avec l'émotion, elle a fait un malaise cardiaque et s'est effondrée par terre. Les hommes se sont enfuis et je suis resté avec ma grand-mère.

― Est-elle...

Il approuve d'un mouvement de tête.

― Les secours sont arrivés trop tard, malheureusement.

Il se triture les doigts et inspire un bon coup. Ces souvenirs l'affectent encore beaucoup... Je passe une main dans mes cheveux, agacé par les libertés que j'ai prises avec lui, dès le premier jour.

― Si vous ne dormez pas, c'est ma faute, je suis désolé. Il n'y a pas de cambrioleurs, par ici, c'est un quartier tranquille.

― Comme vous le disiez, j'ai eu beaucoup de stress, ces derniers jours. Ne soyez pas trop dur avec vous-mêmes, me rassure-t-il dans un petit sourire.

Je le dévisage de longues secondes.

― Vous êtes quelqu'un de bien, Ethan. Je regrette que vous ayez dû abandonner votre jolie petite vie pour celle-ci.

― Ça ira. Après tout, je ne suis pas seul, n'est-ce pas ?

Je hoche la tête en souriant. Puis, ses yeux se posent sur la table basse, sur mon Glock 22.

― C'est... c'est votre arme... ?

A en voir son expression, sa présence l'inquiète. Je comprends pourquoi, à présent. Je récupère mon révolver et le glisse sous un coussin du canapé.

― Disparu.

Il émet un petit rire qui se finit en bâillement.

― Vous devriez remonter.

― Non, je... j'aimerais dormir avec vous.

― Avec moi ?

― Je... je veux dire à côté de vous !

Ses joues s'enflamment alors qu'il secoue vivement les mains. Je ricane.

― Parlez-moi de vous, Ryan. Pour qui est-ce que vous travailliez, avant ? Vos derniers contrats étaient difficiles ?

Sujet délicat. Employeur ou pas, quelqu'un d'autre m'aurait posé cette question, je l'aurais envoyé chier comme une merde. Et j'aurais reçu un floppée d'insultes en pleine poire ; la routine, quoi.

― J'ai bossé pour des gens connus ou influents.

― Oh. Et ces cicatrices ? Vous vous êtes souvent battu ? demande-t-il alors que ses paupières battent lentement.

― C'est mon boulot.

― Et vous avez déjà tué des gens ?

― Je ne pense pas que cette question vous aide à dormir, vous savez.

― Hmm.

Ses yeux se ferment.

― C'est pas grave, tant que vous ne me tuez pas, moi, marmonne-t-il.

Je laisse échapper un petit rire. Un rire qui se finit en grimace. Je ne sais pas de quoi il rêvera, cette nuit, mais il y a des chances pour ce soit agité.

― Mon père... vous connaissiez bien mon père ?

Je laisse ma tête reposer en arrière, contre le canapé. Peu importe la suite de mes réponses, dans son état actuel, il ne s'en souviendra sans doute pas demain.

― Votre père connaissait le mien, en fait.

― Ils... étaient amis...

― « Amis », répété-je, cynique, ouais, on peut dire ça.

― Mmh.

Il s'affaisse doucement contre moi et sa joue s'écrase sur mon épaule.

― J'ai jamais... eu d'amis. Soyez mon ami...

Je froisse une moue contrariée. Malheureusement, je ne commettrai plus les mêmes erreurs. Je baisse les yeux sur lui. Une tristesse empathique s'éveille au fond de moi. Ce gamin me touche plus que je ne l'aurais imaginé, à mon grand regret.

― Je vous aime bien, Ryan.

L'instant d'après, je sens son corps se relâcher contre le mien. Je pose ma tête contre le canapé et ferme les yeux dans un long soupir. Moi qui pensais que cette mission serait simple, je pense qu'elle sera tout sauf facile.

Mark, vous me connaissiez bien. A quoi pensiez-vous en me confiant votre fils ? Quel était votre véritable objectif ? Je prie pour ne pas avoir à vous briser le cœur...

Lorsque j'essaie de le déplacer sur le côté, il grommèle et s'agrippe à mon bras.

― Ah, tu m'en donnes du fil à retordre, dès la première nuit, murmuré-je pour moi-même.

J'attrape un coussin sur ma gauche, le pose sur mes cuisses et fait glisser Ethan avec précaution pour y placer sa tête. Il accepte enfin de libérer mon bras pour s'enfoncer dans le coussin et remue sur mes jambes comme un petit chien qui s'installe dans son panier.

A mon grand dam, je n'ai pas le temps de récupérer mon bras. Il s'accroche à ma main et la serre contre lui avant de plonger dans un profond sommeil. Un sourire attendri étire mes lèvres. Il est comme un petit frère.

Je caresse ses cheveux soyeux et écarte quelques mèches de son visage pour effleurer sa joue du bout des doigts. Sa bouche entrouverte magnétise mon regard et j'ai soudain l'irrépressible envie de la toucher. Mon pouce longe sa mâchoire et remonte sur son menton.

Avant de frôler ses lèvres, je le retire dans un sursaut de lucidité. Je me détache de son visage et secoue la tête. Un adorable petit frère... Mes yeux se ferment.


Un "petit frère" ui ui, tu-ta-fé. 👄

Double jeu (MxM)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant