Chapitre 6.2

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Sur décision de mon jeune patron, nous mangeons dans un restaurant coréen. Il a beau dire qu'il s'adapte à tout, ses habitudes lui manquent, je le sens. En revanche, moi je ne suis pas habitué à cette nourriture pimentée.

Ma gorge s'enflamme et je me précipite sur la carafe d'eau. Ethan éclate de rire.

― Vous, les Américains, vous vous dites solides mais vous êtes aussi fragiles que les Européens.

Même après deux verres engloutis et de l'eau dégoulinant de la bouche, je sens encore la chaleur du piment.

― Quelle est cette chose de l'enfer ?!

― Chungmu gimbap, me répond-il fièrement.

― Vous l'avez fait exprès, avouez-le...

Il se pince les lèvres et regarde ailleurs. Je plisse les yeux sur lui et le menace de mes baguettes.

― Vous savez, je peux vous laisser seul, ce soir.

― Vous ne le ferez pas, réplique-t-il, serein.

― Ah oui ? Et pourquoi ça ? Vous êtes un contrat comme un autre.

― Vous êtes sûr de ça ?

Il me sonde du regard et je me questionne un instant, oubliant le jeu. C'est vrai, pourrais-je l'abandonner et le laisser entre les mains d'un autre garde du corps, si j'en avais l'opportunité ? Je le dévisage de longues secondes. La réponse est évidente... J'affiche une moue détachée.

― Mouais. Comment pouvez-vous affirmer que je vous lâcherai pas ?

― L'entreprise vous paye beaucoup trop cher, ricane-t-il en croisant les bras. Je suis sûrement votre meilleur contrat.

S'il connaissait toute l'étendue de ce contrat... Il s'imagine donc que je ne suis là que pour l'argent. Son humeur taquine s'estompe derrière une mine chagrine.

― Qu'est-ce qu'il y a ?

― Rien, j'aurais juste aimé que... la personne qui reste tout le temps avec moi ne soit pas qu'un employé.

Je reste muet. Qu'entend-il par-là ? Quelles que soient ses attentes, sa solitude me peine beaucoup et le fait qu'il me croit simplement intéressé par l'argent est désolant.

Il me regarde avec insistance, mais je m'oblige à me taire. Au vu des clauses officieuses qui me lient à lui, il est préférable qu'il me considère juste comme son employé. Il ne doit pas me prendre pour un ami ou un grand frère.

Je comprends bien ses manques affectifs et son besoin d'échanges profonds, mais je ne suis pas celui qui lui apportera ces choses.

Je baisse les yeux dans mon plat et garde le silence. Sa tristesse n'en est qu'accentuée.

― Je suis désolé, Ethan.

Ne dis rien de plus. Rien de plus.

― Tout ce que je peux vous dire...

Et merde, Ryan !

― ... C'est que je ne me comporte pas avec mes employeurs comme je le suis avec vous. Et puis, ne pensez pas que je cours après l'argent, j'ai plus que ce qu'il faut, de ce côté-là.

― Vraiment ? Donc, dans un sens c'est un peu spécial entre nous ? Je veux dire, juste un peu, un tout petit petit peu... !

Je prends une grande inspiration et glisse une main dans mes cheveux pour les déplacer sur le côté de mon visage.

― Je ne répondrai pas à cette question.

― Ryan !

― J'ai dit non. Maintenant, mangez ça va refroidir.

Double jeu (MxM)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant