Chapitre 16.4

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Les étages défilent à une lenteur effrayante. Je me rue dans le couloir dès que le « ding » retentit et me précipite sur la porte pour l'ouvrir sans attendre.

Une fois dans l'entrée, je les cherche du regard, anxieux, et avance jusque dans le salon. C'est là que j'aperçois Ryan plaqué au sol, la chemise entrouverte et Chris en train de l'étrangler.

― Arrête !

Je me jette sur lui et le pousse pour le faire lâcher prise. L'acteur tombe sur le côté. Je prends le visage de Ryan entre mes mains, mort d'inquiétude en le voyant suffoquer.

― Ryan ! Je suis là !

Il ouvre un regard mi-clos sur moi et roule sur le flanc en toussant, les larmes aux yeux. Je le redresse doucement contre moi et foudroie Chris d'un œil noir.

― Espèce de malade !

― Donc, il t'a fait venir avec lui... astucieux, dit-il en se relevant.

Je tourne la tête, mal à l'aise face à la vision de son pénis à moitié dressé entre les pans de son peignoir, et aide Ryan à se relever. Il s'accroche à moi, une main autour de sa gorge.

― Partons... me murmure-t-il d'une voix souffrante.

L'effroi est lisible sur son visage. Je n'aurai jamais cru voir un jour cet homme sans peurs dans un tel état de panique et de vulnérabilité. Ses membres tremblent contre moi. La rage me monte à la gorge. Je me braque sur Chris.

― Combien de gens as-tu torturé comme ça ?

― Hmm, tous ceux qui étaient payés pour ça ? Ah, mes ex, aussi. Mais bon, comptons ça comme une incompatibilité amoureuse, dit-il d'un ton rieur.

― Je doute que Monsieur Lennox ait vraiment approuvé ces actes sur son fils. Tu as forcé Ryan, d'une manière ou d'une autre.

― Papa Lennox se moque de connaître ce genre de détails. Ryan était payé le triple du salaire de départ, c'était ça qui comptait.

Son expression se rembrunit. Il s'avance vers nous et sa lèvre se retrousse alors qu'il contemple Ryan avec un sourire malsain.

― J'ai laissé trop de traces en lui et de cicatrices sur son corps pour qu'il m'oublie. Je resterai toujours gravé dans son esprit, nous le savons tous les deux. La domination, la vraie, se poursuit en dehors du sexe.

Ryan recule nerveusement et bute contre un fauteuil. Je m'interpose et me plante devant Chris pour lui barrer la route.

― Un jour, je te jure que tu regretteras toutes les horreurs ce que tu lui as fait.

― Ha ! Tu me menaces ? Toi ?

― Oui, moi ! Ne te fie pas aux apparences. Quand le plus doux des hommes se met en rogne, il peut réduire sa cible en cendres. Et crois-moi, dans ma position, je peux consumer de nombreuses personnes.

Il ricane et me bouscule pour se diriger vers Ryan. Ma fureur se décuple. Je l'attrape par son peignoir et le pousse violemment contre le canapé. Il en tombe à la renverse, sur l'assise.

― Chris Nicholson ! Ose encore approcher mon garde du corps et je te poursuis en justice pour tentative de meurtre, preuves à l'appui ! fulminé-je, bouillonnant de rage.

― Tu n'es qu'un...

― Je suis Ethan Silverwood ! tonné-je d'une voix cinglante. J'ai des contacts plus influents dans la sphère politique que tu n'en auras jamais dans toute ta misérable vie de frustré sexuel ! Tu n'es qu'un misérable acteur qui divertit les foules, moi, je contrôle ces foules et ceux qui les dirigent. Tu t'en es pris à la mauvaise personne, sombre connard, et tu vas le payer très cher. Tu en as ma parole.

Il reste bouche bée, à moitié avachi sur l'accoudoir. Je fais volte-face, poings serrés, et retrouve Ryan, tout aussi surpris que lui par l'ampleur de ma fureur, ma vulgarité et mon hostilité. Je glisse une main dans son dos pour repartir avec lui et claque la porte dans un bruyant fracas.

Arrivés dans l'ascenseur, ma colère s'estompe. Ryan frissonne à côté de moi, le regard figé au sol. Sa respiration est encore courte. Je retire mon manteau pour le déposer sur lui, reboutonne sa chemise et lui souris en caressant ses joues.

― Ethan, tu ne peux pas le poursuivre... s'afflige-t-il. Mon nom ne doit pas sortir dans la presse, il peut me détruire en un claquement de doigt.

Mes yeux roulent dans son cou. L'étranglement a laissé des traces épouvantables autour de sa gorge. Je n'ose pas imaginer l'enfer qu'il a vécu, chaque jour durant un an... Il y a de quoi devenir fou.

― Tôt ou tard, je ferai payer cet homme.

― C'est comme ça qu'on se retrouve dans l'illégalité. Je ne veux pas que tu te retrouves dans la merde pour cette connerie. Je peux vivre avec ça, je l'ai fait jusque-là, laisse tomber.

Son menton retombe. Je le fixe de longues secondes. Une « connerie » ? Cette année de torture ? Jamais je ne laisserai ce monstre s'en tirer impunément.

Lorsque mon armada d'avocats aura trouvé comment le faire payer sans nous mettre en danger, la justice le rattrapera. Et elle sera impitoyable. Je n'aurai de repos que lorsque cette ordure sera anéantie.

― Viens là.

Je l'attire dans mes bras et le berce contre moi.

― A quoi servent le pouvoir et l'argent si on ne s'en sert pas pour protéger les siens ?

― Je n'ai jamais été protégé, je n'ai pas besoin de l'être. Je ne mérite pas de l'être...

Ces mots me font mal. Toute sa vie, son cœur comme son corps ont été piétinés. Si j'avais su qu'il se cachait tant de douleurs et d'insécurités derrière cette façade de marbre...

― Moi, je te protègerai. Je ne te laisse pas le choix.

Il plonge un regard luisant dans le mien, rempli d'amour.

― Sujin...

Il se mord la lèvre. Je lui souris et prononce les mots qui lui brûlent les lèvres.

― Moi aussi je t'aime, Ryan.

Ses yeux se ferment et il enfouit sa tête au creux de mon épaule. Je lui souffle à l'oreille :

― Dorénavant, on prendra soin tous les deux l'un de l'autre.



Double jeu (MxM)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant