Chapitre 9.2

1.1K 117 44
                                    

― Monsieur Silverwood !

― Monsieur...

― Appelez-moi Etienne.

Quel prénom étrange. Je m'assois à côté du formateur à une petite table ronde sur laquelle sont posées deux tasses à café et un plateau de biscuits.

C'est un homme vif et souriant d'une quarantaine d'années, le genre qui fait des conférences sur le développement personnel et embarque toute la salle avec lui, tant son optimisme est contagieux - et qui vous fait cracher 300$ dans sa formation sans même l'avoir réalisé.

La pièce est chaleureuse avec ces quelques tableaux aux murs et ces meubles en bois clairs, les cloisons et les portes ne sont pas faits de vitres, à cet étage. Cette ambiance donne le sentiment d'être plus proche des gens.

― Bien, parlez-moi de vous, Monsieur Silverwood. Vos passions, vos hobbies, vos amis, ... tout ce que vous voudrez.

― Euh, à vrai dire, je n'ai pas vraiment d'amis ni de loisirs. Ma seule activité, en Corée, était la photographie.

― Le mannequinat ?

― N-non, la photographie de paysages et d'animaux. C'était moi qui étais derrière l'appareil photo.

― Oh, intéressant.

Vraiment ? Je commence à penser qu'il me flatte déjà. Après tout, c'est son métier, n'est-ce pas ?

― Et aucun ami ? De l'école, la fac...

― Non, je n'ai pas eu une famille très... avenante envers les inconnus. Je bougeais beaucoup et, à l'adolescence, je rentrais immédiatement après les cours. Je n'ai jamais eu l'opportunité d'avoir des attaches. Je suis désolé, vous allez avoir du travail avec moi, je n'ai aucune idée de quel comportement adopter pour amadouer des gens riches, plaisanté-je, gêné.

― Tout d'abord, ne vous excusez jamais. Sauf si vous avez demandé des nouvelles de la défunte épouse du client que vous avez dans le viseur, s'esclaffe-t-il. Vous êtes Ethan Silverwood. Pas de faille, pas de honte, que de beaux sourires et de l'assurance. Nous connaissons tous votre valeur et le monde vous respecte, ne l'oubliez jamais.

Ma valeur ou ma côte en bourse ?

― Laissez-moi vous montrer un exemple. Je jouerai votre rôle dans une rencontre avec votre nouvelle poule aux œufs d'or. Votre but est de le faire investir dans un nouveau concept prometteur, dit-il en se levant. Monsieur Smith, comment allez-vous ?

Je me lève à sa suite et il me tapote dans le dos comme si nous étions amis de longue date. Il enroule ensuite son bras autour de mes épaules et nous faisons quelques pas alors qu'il me déballe un argumentaire qui semble technique, mais qui n'est rien d'autre que de l'esbrouffe.

Toutefois, son aura d'énergie positive et son assurance sont fantastiques et me captivent. Je note ce côté tactile, qui retient une partie de mon attention. Est-ce pour me distraire ou pour instaurer une notion de contrôle ? Peut-être les deux ?

Il paraîtrait presque mieux maîtriser nos projets actuels que le comité de pilotage... Il ferait un chef d'entreprise extraordinaire, en façade. A côté de lui, j'ai l'impression d'être en bas de l'échelle.

Il retire son bras et met fin au jeu de rôle.

― Toucher les gens que vous connaissez en faisant preuve d'une grande confiance en vous est un bon moyen d'imposer une autorité naturelle tout en paraissant simplement chaleureux et amical.

― Ce n'est pas déplacé de toucher les gens sans leur consentement ?

― Ha, ha ! Dans le monde normal, oui. Dans votre milieu, Monsieur, et dans votre position, c'est tout-à-fait naturel, durant ces évènements. Les gens s'attendent à certains gestes qui font partie des codes, rester trop en retrait renverrait l'image d'un homme anxieux et peu confiant. Tout ce qu'on veut éviter en tant que PDG, n'est-ce pas ? dit-il en souriant. Une assurance tactile, chez un jeune homme de votre rang, sera d'autant plus surprenante et appréciée. Vous savez ce que vous faites mieux que personne, vous maîtrisez le terrain et vous l'affichez à la vue de tous en rayonnant. Evitons tout-de-même d'agir de la même manière avec ces dames.

Double jeu (MxM)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant