Chapitre 32.1

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PDV Ryan

 

Je ne sais pas de quoi il a parlé avec sa mère durant cette longue discussion, ni quelle sera la nature de son aide, mais rester dans l'ignorance me fout la boule au ventre. Je ne tiens plus à avoir affaire au gouvernement américain de quelque manière que ce soit. Je sais que s'ils enquêtent sur moi et que certains décident de vengerleurs collègues assassinés, je finirai très mal.

Plusieurs heures se sont écoulées et la clarté des nuages gris éclaire la chambre depuis un moment. Ethan est assis dans un fauteuil devant les stores fermés, surveillant la fenêtre dans une semi-pénombre. Il prend son rôle de guet très au sérieux.

Je réprime un soupir pour ne pas attirer son attention. Mon corps est pris de violents vertiges, depuis tout à l'heure. Mon bras me lance et mes paupières papillonnent. Je suis épuisé. J'ai cumulé les insomnies, ces derniers temps, je dois lutter pour ne pas m'endormir. Malheureusement, mon esprit dérive et je sombre peu à peu dans la somnolence.

  

Des éclats de voix. Je rouvre les yeux, mon sang se glace. Des hommes en noir munis d'armes et de casques pénètrent dans la chambre. Je fais un bond dans le lit, en panique. Mon fusil !

― Ethan !

Il vient vers moi et me prend par les épaules avec une décontraction surprenante.

― Ryan, tout va bien. Le gouvernement les a envoyés.

― Le... gouvernement ?! Ethan, je suis...

― Ryan Lennox ? déclare un homme haut placé, à en voir l'insigne à sa ceinture, derrière son long manteau.

Je le toise avec méfiance.

― C'est bien lui, confirme Ethan.

Je le regarde, dans l'incompréhension la plus totale.

― Tu as changé d'avis à mon sujet ou c'était ton plan depuis le début ? murmuré-je nerveusement.

Il me fixe, puis lève les yeux au ciel. Je sais qu'il ne me parle que très peu de ses plans et reste très secret, j'ai donc quelques raisons de m'inquiéter, vu comment la situation se présente. Il me rend mon t-shirt afin que je me rhabille et se braque vers l'homme.

― Monsieur Clarkson, je vous rappelle les termes de notre accord ? Je ne vous donnerai rien si vous l'enfreignez.

― Il n'y aura aucun problème, fait-il en sortant un papier de son manteau pour lui tendre. Monsieur Lennox nous sera plus utile comme ça.

Utile ? Mon rythme cardiaque s'accélère. Ils ont donc établi un accord sur ma tête... Je déglutis, pris d'une sueur froide. Aurait-il changé d'avis entre temps sur le fait de m'épargner ? M'a-t-il livré pour s'en sortir ? Ethan lit attentivement le papier, puis acquiesce.

― Allons-y, s'exclame Clarkson.

Deux rangs de soldats se forment pour nous « inviter » à quitter la chambre. Je saisis Ethan par le bras, en stress.

― Ethan, tu m'as livré... ?

Il me dévisage dans le plus grand des calmes.

― Je t'ai obtenu l'immunité.

Mes yeux s'écarquillent.

― Q-quoi ?

― Tu leur diras tout ce que tu as fait sous les ordres de ton père et tout ce que tu sais sur tes anciens employeurs et les gens impliqués dans les affaires concernant I-code. Les adresses, tes contacts, les moyens de coincer ceux qu'ils cherchent et, bien sûr, tu leur donneras ton père. Tu seras en quelque sorte leur agent double. En échange, tu seras intouchable. Rien de ce que tu diras ne pourra être retenu contre toi.

Il pose l'accord sur mes jambes, ainsi qu'un stylo. Je reste bouche bée de longues secondes. Je n'arrive pas à croire qu'il ait fait ça pour moi... Je prends sa main et la serre fort, les yeux scintillants.

― Sujin...

― Signe l'accord, ensuite, on y va.

― Où ça ?

― Dans un endroit où je ne crains enfin plus rien, sourit-il.

Je hoche la tête avec joie et prends le stylo pour signer le contrat.

― Tu ne lis pas ?

― Tu l'as lu avant moi, dis-je en lui rendant le papier.

― Mais tu ne veux pas t'assurer de ce qu'il y a dedans ?

― Si tu l'approuves, je n'ai pas besoin de vérifier. Tu auras fait les meilleurs choix pour moi.

Nous nous sourions avec tendresse, puis je me rhabille et nous sommes escortés dehors. D'autres hommes nous attendent sur le parking, entre deux vans noirs Chevrolet portant l'inscription du FBI. Tout en montant à l'intérieur, je me questionne.

― Dis-moi, ta mère c'est la vice-présidente de Corée du sud ou quoi ?

― Pas à ma connaissance, plaisante-t-il. Elle avait plutôt un « joker » et... elle l'a utilisé pour moi.

― J'aurais pu continuer à me charger de ta sécurité. Pourquoi maintenant ?

― Parce qu'avant, les preuves n'avaient pas été rendues publiques et les responsables n'étaient pas accessibles. Je ne pouvais pas l'impliquer sans lui attirer des problèmes, à ce stade, et des gens mal intentionnés auraient pris contact avec elle. Aujourd'hui, les camps sont définis et je suis une cible officielle. Et surtout, avant, tu n'avais pas encore pris de balle. Je n'aurais pas pu supporter de te perdre.

Il glisse ses doigts entre les miens et me contemple avec amour. Ce joker a donc été utilisé pour moi, indirectement... J'ai une grosse dette envers cette femme et je la paierai. Je porte sa main à ma bouche et l'embrasse. Le véhicule démarre. Quelques regards s'attardent sur moi mais je les ignore. Que ces types ragent dans leur coin, je n'en ai plus rien à faire.

― Quels sont les plans pour la suite ?

― Eh bien...

Il sort un nouveau smartphone de sa poche et me montre un article boursier parlant de I-code et des scandales qui viennent d'éclater sur les différents complots. Les actions se sont effondrées. Selon ce que je lis « tous les actionnaires ont perdu leurs investissements. I-code n'a aucune chance de se relever après ce crash boursier ».

Je hausse les sourcils. Les conséquences vont être désastreuses pour un sacré paquet de gens.

― Attends, et toi ? m'écrié-je, inquiet. Tu as tout perdu ?

― Mmh, pas vraiment, fait-il en regardant dehors avec un sourire malicieux. Tu verras par toi-même en temps voulu.

Il n'a pas franchement l'air contrarié, plutôt même amusé. Sous cet angle, il ressemble à un petit génie du mal. Je l'observe, curieux de connaître ses prochaines actions. En réalité, il s'est très bien organisé pour assurer ses arrières sans que personne ne le sache et a cloué tout le monde au pilori. 

Je suis certain qu'il a encore quelques coups d'avance. Un vrai petit homme d'affaire est né dans le plus grand secret... Je meurs d'envie de lui tirer les vers du nez.

― Quand même, I-code était la première multinationale dans l'IA, elle pouvait changer tant de choses pour tant de monde avec ses technologies et sa robotique. Et puis, il y a les centres médicaux, ces gens amputés qui se sont ruinés pour acheter leurs prothèses bioniques et ne la recevront jamais...

Il fait la moue, toujours perdu dans le décor extérieur.

― Nous sommes beaucoup à souffrir, dans cette histoire. C'est comme ça.

Il paraît tout juste concerné. Est-il déjà passé à autre chose ? Lui qui voulait compter pour les autres, sur ce coup-là, il me surprend beaucoup. Même moi, je ne suis pas insensible à la détresse de ces victimes. Enfin, pas complètement.

― Et Gilliane ? Elle était la seconde à détenir le plus de parts de l'entreprise.

― Ah, Gilliane...

Il s'éclaircit la voix dans un petit rire mal à l'aise.

― Elle doit déjà m'attendre pour me réduire en bouillie.

Double jeu (MxM)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant