Chapitre 16.2

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― Ethan, si mon père apprend que je t'ai parlé de ces gens...

Ses traits se crispent. J'ai vraiment l'impression que son père est imprévisible et dangereux, lui aussi. La situation l'angoisse au plus haut point. Lui qui n'a jamais aucun scrupule et se moque des règles... Cet homme est peut-être celui dont il faudrait le plus se méfier, en fin de compte.

Je voudrais rassurer Ryan en lui promettant que je ne me mêlerai pas de ces histoires, mais je sais que je finirai par explorer le passé de mon père. Bien avant qu'il ne me confie tout ça, avant même la soirée de mon anniversaire, c'était dans mes projets.

Je ne connaissais pas assez mon père à mon goût de son vivant et je souhaite en apprendre plus sur sa vie personnelle, sur sa manière de diriger.

De plus, l'attitude de ma tante m'interpelle sur certains points, depuis un moment. Beaucoup trop de dossiers confidentiels dont on m'a refusé l'accès, à moi, qui suis tout en haut du sommet.

Des employés qui osent s'opposer au président directeur général pour garder des informations sous scellé, ce n'est pas anodin. Et je soupçonne ma tante d'avoir des entretiens privés avec le conseil. Des entretiens abrégés comme par magie dès mon arrivé dans la pièce.

Je suis peut-être un novice, mais j'ai un cerveau en état de marche et je ne supporte pas d'être mis à l'écart de cette manière. Malheureusement pour lui, Ryan n'a fait que m'impliquer un peu plus personnellement dans cette histoire, rien de plus.

― Ethan ? S'il te plaît, je sais que je t'ai fait beaucoup de mal, mais s'il nous sépare... je ne veux pas qu'un sale type me remplace auprès de toi.

Sa voix et son expression sont redevenus aussi doux qu'avant. J'acquiesce.

― Je ne changerai rien à d'habitude.

Il pousse un long soupir.

― Pourquoi ton père te fait-il si peur ?

― Ce qui me fait peur, c'est ce qu'il pourrait t'arriver avec quelqu'un d'autre. Je ne crains pas mon père, je le hais. Il me fait chanter depuis longtemps et, du jour au lendemain, il peut me flanquer à la rue, tout me reprendre et fournir des informations compromettantes sur moi à la police pour se venger.

― Sérieusement ?

― Ouais.

Il s'assoit sur les fesses, face à moi.

― Il n'y a pas que toi qui a été forcé de faire ce job. Mon rêve à moi c'était d'être flic.

Flic ? Je tombe des nues. Et en même temps, sa fougue, son manque de scrupules et l'ensemble de sa personnalité auraient collé à l'emploi. Il aurait pris de nombreux blâmes et aurait été le premier à s'engager dans les courses poursuites, mais l'encadrement l'aurait canalisé et il aurait fait un excellent élément, j'en suis sûr.

― Mon père fait plutôt partie de... l'envers du décor. Ceux qu'on ne voit pas agir. Le côté sale des affaires, ça rapporte toujours plus que la défense des citoyens. Alors, que son fils s'engage dans la police, c'était hors de question. Il a boycotté mes entretiens et m'a créé une horrible réputation. J'ai décidé de lui faire honneur. Et j'ai plutôt réussi, j'dois dire.

Je ne peux que comprendre son malheur. Nous avons tous les deux perdu notre vie de rêve à cause de nos parents.

De son côté, se voir mettre des bâtons dans les roues et salir par son propre sang alors qu'on se battait pour réussir a dû être très difficile. Je me sens désolé pour lui. Et je comprends mieux son mauvais caractère, à présent.

Comment mon père a-t-il pu pactiser avec un homme tel que lui ? Plus le temps passe, plus je commence à croire qu'il était bien différent de l'image que j'avais de lui.

― Ton père est un sale type.

― Les chiens ne font pas des chats. Quoique, un certain connard me traitait souvent de « chat sauvage » ...

Je ne vais rien dire, mais je suis plutôt d'accord sur ce surnom. Je veux croire, au fond de moi, qu'il est quelqu'un de bien, que notre relation durant ces trois dernières semaines n'était pas qu'un simple jeu pour lui. Il y a tant de zones d'ombres autour de lui, et l'expérience de Chris avec lui me laisse sur mes gardes.

― Donc je dois en conclure que tu m'as menti pour essayer de m'éloigner de toi et me protéger.

― A contrecœur. Mais en voyant ton état... je ne pensais que ça t'aurait autant affecté.

― Mmh. Et pour Chris ? C'était ton ex ?

― Non, marmonne-t-il sans me regarder. C'était mon employeur durant un an.

― Tu l'as utilisé, lui aussi ?

― Ethan, je ne t'ai pas utilisé, je te le jure... J'ai été odieux avec toi simplement pour que tu me détestes. Et j'ai même pas réussi plus d'une journée. Je suis vraiment désolé de t'avoir fait ce mal...

Je le dévisage, à la recherche de son honnêteté. Je ne suis pas doué pour cerner les gens, le manque de sociabilisation ne m'a pas aidé. Mais je ne peux pas non plus croire Chris sur parole, même s'il m'a paru très gentil et délicat.

― Parle-moi de toi et lui. Je me ferai un avis après.

― C'est... difficile à raconter. Ce type est un malade mental.

Carrément ? Je reste de marbre, suspicieux. L'un comme l'autre semble profondément affecté par cette histoire.

― Prouve-moi qu'il a tort. Prouve-moi que je peux te faire à nouveau confiance.

Après de longs instants, il finit par hocher la tête avec un air tourmenté.

― Très bien. Je vais te donner des preuves de ma sincérité. Mais tu vas devoir manger ou boire quelque chose avant ça, parce qu'on va devoir sortir.

― Sortir ?

Il se lève et pousse un soupir nerveux.

― Il t'a invité, c'est moi qui vais y aller. Dès ce soir. Toi, tu vas tout entendre et regarder.

Prochain chapitre : 🫠


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