Between us

Chapter XXX

Les journées s'étiraient, rythmées par une routine fragile que chacun tentait de préserver dans le campement. La douleur de la perte, les non-dits et les secrets pesaient encore lourdement sur les épaules de tous, mais la vie continuait, poussée par l'instinct de survie et le besoin de préserver une lueur d'humanité dans ce monde dévasté.

Carl, du haut de ses huit ans, avait mûri bien plus vite que la plupart des enfants de son âge. Il avait appris à lire les visages des adultes, à comprendre les silences, et surtout, à saisir les nuances d'émotions qui régnaient entre les membres du groupe. Ce soir-là, alors que le campement s'emplissait des dernières lueurs du jour, il se dirigea vers son père avec une détermination inhabituelle.

Rick était assis près du feu, une carte de la région étalée devant lui, planifiant leur prochaine mission de ravitaillement. Lorsqu'il vit Carl approcher, il leva les yeux, un sourire fatigué mais aimant étirant ses lèvres.

— Qu'est-ce qu'il y a, Carl ? demanda-t-il, se redressant légèrement.

Carl s'assit en face de son père, ses yeux bleus fixés sur lui, remplis d'une gravité qui semblait bien trop adulte pour un enfant. Il hésita un instant, puis se lança :

— Papa, je voulais te parler d'Ellie.

Rick se figea légèrement, le nom d'Ellie provoquant une douce douleur dans son cœur. Depuis leur dernière conversation, où elle lui avait exprimé toute sa colère et sa douleur, il avait continué ses visites quotidiennes, espérant qu'un jour, elle le laisserait entrer de nouveau dans sa vie. Pour l'instant, elle se contentait de l'écouter derrière la porte, et tout ce qu'il recevait en retour était un silence pesant. Mais ce silence était sa punition, et il l'acceptait. Pourtant, la situation devenait de plus en plus difficile à supporter.

— Qu'est-ce que tu veux me dire ? demanda-t-il doucement, cherchant dans les yeux de son fils une réponse à ses propres tourments.

Carl prit une profonde inspiration, rassemblant ses pensées.

— Je suis allé voir Ellie l'autre jour, expliqua-t-il. Je lui ai demandé si elle comptait te reparler un jour, et je lui ai dit que je l'aimais comme ma maman.

Les mots de Carl frappèrent Rick en plein cœur, une douleur familière refaisant surface. Il se sentait tiraillé entre son amour pour Ellie, sa culpabilité pour ce qu'il avait fait, et son désir de réparer ce qui semblait irréparable. Il regarda son fils, cherchant à comprendre ce que cette conversation signifiait pour lui.

— Et qu'est-ce qu'elle t'a dit ? demanda-t-il, sa voix rauque trahissant son émotion.

Carl haussa légèrement les épaules.

— Elle m'a dit que c'était compliqué, qu'elle avait besoin de temps. Mais elle m'a aussi dit qu'elle m'aimait beaucoup. Papa, je pense qu'elle a encore des sentiments pour toi. Peut-être qu'elle pourrait te pardonner un jour.

Rick baissa la tête, son cœur se serrant sous le poids de ces paroles. Ellie avait été tout pour lui, la lumière dans les ténèbres après la perte de Lori, et savoir qu'il l'avait blessée au point de la perdre lui était insupportable. Il avait du mal à envisager l'avenir sans elle, mais il savait qu'il devait respecter son besoin d'espace, de temps pour guérir.

— Merci, Carl, répondit-il doucement, posant une main sur l'épaule de son fils. Je sais que c'est difficile pour toi aussi. Mais je promets de continuer à essayer, de ne pas abandonner.

Carl hocha la tête, ses yeux brillant d'un espoir fragile.

— Je suis sûr que ça va s'arranger, Papa. Elle a juste besoin de temps.

Rick acquiesça, reconnaissant de voir son fils aussi mature, aussi compréhensif. Cette discussion, bien que douloureuse, lui donna un regain d'espoir. Peut-être qu'Ellie pourrait lui pardonner un jour. Peut-être que leur relation pourrait être reconstruite, pierre par pierre.

Le lendemain, Rick se dirigea une fois de plus vers la maison d'Ellie, ses pas plus légers que les jours précédents. Il s'était préparé à une nouvelle journée de silence, mais quelque chose au fond de lui sentait que les choses étaient en train de changer. Peut-être pas aujourd'hui, ni demain, mais bientôt.

Lorsqu'il arriva devant la porte, il frappa doucement, comme il le faisait chaque jour. Il attendit quelques secondes, le cœur battant, puis commença à parler, ses mots traversant la barrière de bois entre eux.

— Ellie, c'est Rick. Je sais que tu es là, et je sais que tu as besoin de temps. Je ne vais pas m'attarder, mais je voulais juste que tu saches que je suis là. Pour toi, pour Carl... Je n'abandonnerai pas, pas tant que tu n'auras pas retrouvé un peu de paix.

Il s'apprêtait à partir, comme à chaque fois, mais quelque chose le retint. Un mouvement imperceptible, un changement infime. Il leva les yeux et, pour la première fois depuis des jours, leurs regards se croisèrent à travers la petite fenêtre de la maison.

Ce fut un instant bref, mais suffisamment puissant pour que Rick sente son cœur se serrer. Le regard d'Ellie était encore chargé de douleur, de colère, mais il y avait aussi quelque chose d'autre, quelque chose qu'il n'avait pas vu depuis longtemps : une lueur de reconnaissance, un vestige du lien qu'ils avaient partagé.

Rick lui sourit timidement, ne sachant pas quoi dire. Il savait que les mots étaient superflus à cet instant. Il n'attendait rien en retour, mais ce simple échange de regards lui suffisait. C'était un début, un petit pas vers quelque chose de plus grand, de plus fort.

Ellie ne répondit pas, ne bougea pas, mais elle ne détourna pas non plus le regard. Lorsqu'il s'éloigna, elle resta là, immobile, son cœur battant plus vite que d'habitude. Elle se rendit compte que malgré toute la douleur, toute la trahison, une partie d'elle était encore connectée à Rick. Une partie d'elle voulait croire qu'un jour, elle pourrait lui pardonner.

De son côté, Rick retourna à ses occupations quotidiennes avec une légère étincelle d'espoir. Il ne savait pas combien de temps cela prendrait, ni même si Ellie lui pardonnerait un jour, mais pour l'instant, ce regard avait été tout ce dont il avait besoin pour continuer à essayer. Parce qu'il savait, au fond de lui, que l'attente en valait la peine.