Chapter XXXI

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Le campement, baigné par les premières lueurs de l'aube, s'éveillait doucement. Les jours passaient, et chacun se trouvait absorbé par la routine des tâches quotidiennes. Dans ce monde où la survie ne laissait place à aucun répit, chaque journée qui s'écoulait semblait marquée par la nécessité d'avancer, de reconstruire un semblant de normalité. Pourtant, au cœur de ce campement, deux âmes traversaient une épreuve bien différente.

Rick, fidèle à lui-même, se levait chaque matin avec une détermination inébranlable. Après un rapide déjeuner partagé avec Carl, il se dirigeait vers la petite maison d'Ellie. Le bruit de ses pas résonnait dans les allées encore silencieuses, et il frappait doucement à sa porte. Comme un rituel, il attendait une réponse, un signe, quelque chose qui lui indiquerait qu'elle l'entendait, qu'elle savait qu'il était là.

Il ne recevait aucune réponse, bien sûr. Mais cela ne le décourageait pas. Rick parlait malgré tout, sa voix calme et posée traversant la porte close. Il lui racontait les événements du campement, les progrès qu'ils faisaient tous ensemble pour rendre ce monde un peu plus vivable. Il évoquait Carl, ses progrès, ses rires d'enfant qui avaient retrouvé un peu de lumière grâce à la présence d'Ellie dans leur vie. Rick parlait aussi de ce qu'il ressentait, avec une honnêteté désarmante, lui confiant ses peurs, ses regrets, mais aussi son espoir, cet espoir fragile qu'elle lui pardonnerait un jour.

De l'autre côté de la porte, Ellie restait silencieuse, mais son cœur battait plus fort à chaque mot que Rick prononçait. Les premiers jours, elle s'était contentée de rester éloignée, assise sur son lit, les yeux fixés sur un point invisible du mur. Elle luttait contre les émotions qui la submergeaient, tentant de faire taire cette petite voix intérieure qui lui chuchotait d'écouter, de lui pardonner. Les souvenirs de Shane, son frère adoré, son héros, revenaient en boucle, mêlés à cette terrible réalité : il n'était plus là, et c'était Rick, cet homme qu'elle avait appris à aimer, qui l'avait arraché à elle.

Mais, à mesure que les jours passaient, quelque chose en elle commença à changer. Daryl avait raison : elle ne pouvait pas continuer à se laisser sombrer ainsi. Shane ne l'aurait jamais voulu. Et Carl... Carl avait besoin d'elle, tout autant qu'elle avait besoin de lui. Ces pensées l'obsédaient, la maintenant quelque peu ancrée dans une réalité qu'elle avait voulu fuir.

Un matin, alors que Rick se tenait à nouveau devant sa porte, Ellie fit quelque chose qu'elle n'avait pas osé faire jusqu'à présent. Elle se leva lentement, le cœur battant à tout rompre, et s'approcha de la porte. Ses mains tremblaient légèrement alors qu'elle se plaçait juste derrière celle-ci, suffisamment près pour entendre chaque nuance dans la voix de Rick, pour sentir sa présence de l'autre côté. Ses paroles, douces et sincères, l'enveloppaient comme une couverture chaude dans cette froideur émotionnelle qu'elle ressentait depuis des jours.

Rick parlait de tout et de rien, tentant de remplir le silence qui pesait entre eux. Il évoqua la dernière chasse avec Daryl, comment ils avaient réussi à ramener suffisamment de gibier pour nourrir tout le groupe pendant quelques jours. Il parla de la nouvelle section du campement qu'ils avaient réparée, un petit jardin collectif qu'ils espéraient voir prospérer. Et bien sûr, il parla de Carl, de ses progrès en lecture, de ses petites victoires quotidiennes qui faisaient sa fierté de père. À aucun moment, il ne mentionna ce qui les avait séparés, ce qui pesait comme un lourd secret entre eux. Il savait que ce n'était pas le moment, pas encore.

Ellie l'écoutait, immobile, ses pensées tourbillonnant dans un mélange d'amertume, de tristesse, mais aussi d'une étrange sérénité. Pour la première fois, elle ne se contenta pas de l'ignorer. Elle se surprit à se rapprocher encore un peu plus de la porte, posant presque son front contre le bois usé. Elle ferma les yeux, laissant les mots de Rick pénétrer doucement dans son esprit, adoucissant la colère qui bouillonnait en elle depuis tant de jours.

Puis, un jour, sans vraiment savoir pourquoi ni comment, Ellie fit un pas de plus. À travers la petite fenêtre de sa maison, elle osa jeter un coup d'œil. Elle aperçut Rick, de dos, les mains enfoncées dans les poches de son jean, le regard fixé sur l'horizon, perdu dans ses pensées. Il semblait si fatigué, si abattu, et pourtant si déterminé à rester là, pour elle, coûte que coûte. Cette vision la troubla plus qu'elle ne l'aurait cru.

Les jours suivants, elle répéta ce geste. Toujours à la même heure, elle s'approchait de la fenêtre, jetant un coup d'œil furtif à Rick. Elle ne se montrait jamais directement, mais elle le regardait, s'autorisant un contact visuel qui, même s'il était unilatéral, brisait doucement la carapace qu'elle avait érigée autour d'elle.

C'est alors que quelque chose de nouveau se produisit. Un matin, alors qu'elle observait Rick avec cette même intensité silencieuse, Ellie sentit ses lèvres trembler légèrement. Sans qu'elle ne le veuille vraiment, un sourire naquit sur ses lèvres. Il était si fin, si fragile, qu'il aurait pu passer inaperçu, même à ses propres yeux. Mais il était là, témoin d'un changement subtil mais significatif.

Ellie se surprit à sourire, presque contre sa volonté. C'était un sourire triste, certes, un sourire teinté de mélancolie et de douleur, mais c'était un sourire quand même. C'était le signe que, malgré tout, une part d'elle-même n'avait pas complètement renoncé à la vie, à l'espoir. Peut-être était-ce le début d'une guérison, ou peut-être n'était-ce qu'une illusion passagère. Elle n'en savait rien, mais elle l'accueillit avec une certaine douceur, une certaine résignation.

Rick, de l'autre côté de la porte, ne pouvait bien sûr pas voir ce sourire. Mais il sentit, d'une manière qu'il ne pouvait expliquer, que quelque chose avait changé. Il continua de parler, son ton légèrement plus léger, comme s'il avait perçu un changement dans l'atmosphère, une brise nouvelle soufflant à travers la barrière qui les séparait. Il ne savait pas encore à quel point ce sourire, aussi imperceptible soit-il, était un signe de renouveau pour Ellie. Mais il continua d'espérer, d'attendre patiemment, prêt à être là pour elle, quoi qu'il arrive.

Ce matin-là, lorsqu'il repartit, Rick se retourna une dernière fois, jetant un coup d'œil à la petite maison d'Ellie. Il n'avait rien vu de particulier, rien qui lui permette de croire que les choses allaient s'arranger rapidement. Mais il avait ressenti quelque chose, un léger frémissement dans l'air, comme une promesse silencieuse. Et c'était suffisant pour qu'il continue à espérer.

De son côté, Ellie resta encore longtemps debout près de la fenêtre, les yeux fixés sur le chemin qu'il avait emprunté. Le sourire s'était effacé depuis, remplacé par une expression pensive. Mais elle ne pouvait ignorer cette sensation nouvelle qui la traversait, cette petite étincelle qui refusait de s'éteindre. Pour la première fois depuis longtemps, elle se sentait prête à envisager la possibilité de pardonner, peut-être pas aujourd'hui, peut-être pas demain, mais un jour.

Pour l'instant, elle se contenta de cette petite victoire. Un sourire, aussi fragile soit-il, était un pas vers la lumière. Et cela, elle le devait à Rick, à Daryl, à Carl, et à tous ceux qui refusaient de la laisser sombrer. Ils avaient semé cette graine d'espoir en elle, et elle se devait de la laisser germer, même si cela lui semblait encore si difficile.

Ainsi, la journée continua, et avec elle, la vie au campement. Mais pour Ellie, ce sourire était le signe qu'elle n'était pas encore perdue. Le signe qu'elle pouvait encore se battre, qu'elle pouvait encore trouver un chemin vers la rédemption, vers l'acceptation, et peut-être, un jour, vers le pardon.

Between usOù les histoires vivent. Découvrez maintenant