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- Et toi Harry, ça te dirait ?

Je relève la tête vers mon meilleur ami, qui a le regard fixé sur moi, comme Liam et Eleanor.

- Quoi ? je demande, revenant sur Terre.

Liam soupire et secoue la tête d'exaspèration. Eleanor replace ses cheveux derrière ses oreilles et répète ce qu'elle a sans doute dit quelques minutes plus tôt, alors que je n'écoutais pas :

- Ça te dirait de venir avec nous à la vente de gâteaux du lycée ? On pourrait en vendre.

Je fronce les sourcils.

- Une vente de gâteaux ?

Louis ouvre la bouche avec exagération, surpris.

- T'es sérieux ? T'es au courant au moins que le lycée organise un voyage pour tous les dernières années ? s'exclame-t-il.

Je laisse tomber ma fourchette, choqué. Un voyage ?

Liam plaque ses deux mains sur la table, la faisant légèrement trembler, et me regarde dans les yeux.

- Me dis pas que t'avais oublié une chose pareille ?

- Quand est-ce qu'ils en ont parlé ?

- En cours Harry, soupire Eleanor.

- Ah. Et c'est où ce voyage ?

Louis enfourne son bout de pain dans sa bouche et me répond tout en mâchant :

- Bah en France, andouille. À Paris.

Je ne réponds pas, hésitant. Est-ce que c'est une bonne idée d'aller à Paris ?  C'est sûr qu'y aller avec mes meilleurs amis seraient le meilleur moyen de clore cette partie de ma vie : le lycée.

Mais... Carter. 

Réussir à nous cacher au lycée, c'est simple. Mais dans un bus, dans un hôtel...? Je ne sais pas si j'arriverai à la voir aussi seule et à faire comme si je ne la connaissais pas.

- Alors ? Les gâteaux ? insiste Eleanor.

- Oui, c'est d'accord, j'en amènerai.

Sans prévenir, je me lève précipitamment et mes amis s'indignent :

- Tu vas où, encore ? me lance Louis.

- Désolé, je peux rien vous dire. On se voit après, je lui réponds avant d'attraper mon sac et de sortir de la cafétéria en courant presque.

Arrivé dans le couloir, je tourne à gauche, puis à droite, et encore à droite, jusqu'à arriver à un couloir vide, avec une porte en bois ciré sur le mur du gauche.

Je me dirige vers la porte avec détermination et toque plusieurs fois. Je dois parler à Carter de ce voyage.

- C'est Harry. Il faut que je te parle.

Aucune réponse, aucun mouvement. J'insiste.

- Carter, ouvre !

J'entends un soupir venir de l'autre côté de la paroi et j'ouvre la porte.

- Pourquoi t'es dans le noir ? je lui demande en fronçant les sourcils.

Je l'entends se lever et la lumière s'allume, dévoilant son visage qui reflète un sentiment de pure tristesse.

Je fronce les sourcils et hésite quelques secondes, puis finis par faire un pas en avant et la prendre dans mes bras.

Elle est surprise sur le moment, et elle ne réagit pas à mon étreinte, mais après un instant de réflexion, elle déplace lentement ses bras jusqu'à mes épaules et entoure mon cou, se mettant un peu sur la pointe des pieds pour être à ma hauteur.

Je la sers contre moi quelques minutes, espérant lui donner un peu de réconfort, même si je ne sais pas pourquoi elle a l'air aussi démoralisé.

Je laisse ma tête nichée dans son cou, sentant son odeur féminine à pleins poumons. Qu'est-ce qu'elle sent bon, c'est dingue.

Lentement, elle s'écarte de moi et plonge son regard dans le mien.

- Tu vas bien Carter ?

Elle secoue la tête de gauche à droite presque imperceptiblement.

- Tu veux bien m'en parler ? je lui demande doucement, pour ne pas la brusquer.

Elle pince les lèvres et ferme les yeux, puis secoue la tête une nouvelle fois après quelques secondes.

- Ce n'est pas une bonne idée...

Je soupire, mais elle termine en levant la tête vers moi :

- Mais tu vois Harry, le truc... c'est que je n'ai plus rien à perdre.

Je fronce les sourcils. Est-ce que ça veut dire que je vais avoir le privilège d'enfin comprendre qui est la véritable Carter Marshall ? Ou est-ce encore une de ses mystérieuses phrases dont elle détient le secret ?

Je crois que je vais très vite avoir la réponse à mes questions, parce qu'elle vient de me faire entrer avec elle dans le local.

Elle referme la porte et après s'être assise sur le sol, me fait signe de l'imiter. Je m'installe à côté d'elle, et pour ne pas rendre l'atmosphère pesante, je ne dis rien, attendant que ce soit elle qui se décide à parler lorsqu'elle sera prête.

Après une ou deux minutes, elle soupire et tourne la tête vers moi, en laissant son regard émeraude se balader sur mon visage.

- Je suis désolée Harry..., lâche-t-elle d'une voix faible.

- De quoi ?

- J'ai reçu un message... Ils savent.

- Carter, explique-moi... Qu'est-ce qui sait quoi ?

Elle ferme les yeux et enfouie sa tête entre ses mains quelques secondes, puis elle replace ses cheveux derrière ses oreilles et me répond :

- Ce serait trop long à t'expliquer, et de toute façon je n'en ai pas le droit. Mais ils ont appris, pour toi et moi. Et maintenant, si on n'arrête pas de se parler et de se voir, ils nous tueront tous les deux.

Je secoue lentement la tête. Tout ce qu'elle raconte est insensé... Je commence sérieusement à me demander si Carter n'est pas tout simplement dérangée. Il paraît qu'à force d'être seules, certaines personnes inventeraient des raisons à leur solitude, ou parfois même ils se font passer pour quelqu'un d'autre.

- Carter, ce que tu dis n'a aucun sens...

Elle part d'un petit rire sans joie, faible, ce qui me brise inexplicablement le coeur.

- Si, Harry. C'est juste que l'on ne voit que ce que l'on n'accepte de voir.

Une fois de plus, elle se lève et s'en va, me laissant seul avec toutes mes interrogations et ses phrases tournant en boucle dans ma tête.

Elle a vraiment le don de tout bouleverser.

Lorsque tout semble déjà assez compliqué comme ça, elle arrive, balance une ou deux phrases bombes, et repart comme si de rien n'était, laissant tout le monde dans la confusion la plus totale.

Et le plus souvent, ce "tout le monde", c'est moi.

Obsession || H.SOù les histoires vivent. Découvrez maintenant