Paris se réveillait à peine, il n'était pas encore 5 heures mais Yann ne trouvait pas le sommeil. Il avait depuis plusieurs mois perdu la notion de jour et de nuit. Les enquêtes s'enchainaient, les visages passaient, amis, ennemis, flics, ripoux... En treize années de carrière il avait déjà pu écluser une grande partie du côté sombre de notre monde en voyant ce que l'homme est capable de faire pour survivre et pire encore, de faire pour son plaisir, aussi morbide soit-il.
Les putes, les macros et les caves... Toute une partie de la population de notre belle capitale qui semblait ne pas exister quand on regardait les infos... Pas un mot sur cette femme retrouvée morte derrière un centre commercial, pas un mot sur cette famille morte dans un accident suspect le mois dernier avec un père modèle vendeur de drogue à ces heures perdues... Et pourtant c'était le quotidien de Yann. Il avait laissé ce job rentrer au plus profond de son âme, le marquer de façon indélébile dans sa chaire et dans son âme.
Perdu dans ses pensées, il était appuyé à sa fenêtre, un verre de whisky à la main, il jeta un œil derrière lui, une femme à moitié nue dormait sur le lit... Ce n'était pas sa femme bien sûr, dans son monde on achetait le sexe car il ne voulait pas des sentiments qui vont souvent avec... On ne peut pas avancer si on a des attaches, on ne peut pas laisser la rage nous envahir au moment où il faut décider de tirer sur un homme si on a dans le cœur les yeux d'un enfant qui nous disent « papa pourquoi tu es triste » ... Pourtant Yann avait connu cette vie, il avait projeté d'avoir des enfants avec sa femme, il avait essayé mais la vie en avait décidé autrement et aujourd'hui, bien loin de ses rêves de gosses, il était là, enfermé dans une prison aux murs invisibles.
Il détourna les yeux et se remis à regarder dans le vide, les yeux tristes, il finit son verre puis alla sous la douche. De l'eau glacé sur le corps, il passa quelques minutes sous l'eau avant de prendre son sac de sport et aller à la salle. A peine 5h30 du mat et il débarquait comme chaque jour à la salle de sport. Il saluât le gardien et jeta son vieux Fred Perry au cuir patiné par les années sur le banc de bois avant de se changer et de vider son esprit en soulevant encore et encore la fonte usée de cette salle miteuse où il aimait tant passer ses nerfs.
Après presque deux heures il repassa sous la douche et rentra se préparer. La fille avait quitté son appartement, une habituée, elle avait même sa clé. Yann passa du temps pour se préparer comme tous les matins, pas un cheveu de travers, il sorti un costume de marque Samson, trois pièces, gris et une chemise blanche, il enfila l'ensemble, ajusta sa vieille toquante en argent, une montre qui était dans sa famille depuis presque 100 ans. Il avait fière allure dans la faible lumière de son appartement, même pas 37 ans mais dans ces yeux on pouvait voir un homme qui avait vécu plusieurs vies d'Homme, qui avait vu plus de douleur et méchanceté que ce qu'il devrait être permis de voir.
Yann arriva au Bastion, le cœur de la PJ, ce bâtiment ne lui correspondait pas, il regrettait de ne pas avoir pu travailler au véritable 36 mais on ne pouvait pas vivre dans le passé « Toujours avancer, ne jamais reculer » ... Il rentra dans le parking souterrain avec son antique BMW, une grosse cylindrée des années 90, la voiture qu'on voyait dans les vieux films, la bagnole des méchants que les pauvres flics ne pouvaient jamais rattraper avec leurs voitures de service. La BMW avait sa place attitrée, il coupa le contact et sorti pour rejoindre les bureaux.
Comme tous les jours, Yann passait les sas de contrôle à 9H précise, il saluât les deux brigadiers du rez-de-chaussée avant de monter à son bureau. Arrivé devant l'open space flambant neuf, il sentait déjà la chaleur l'accabler, toujours pas de clim.
Max avait fait comme tous les matins son affreux café... Mais les collègues n'avaient pas bonne mine, Yann s'approcha.
- Salut les gars, vous avez une salle tête, vous avez passé la soirée avec la femme de Verdier ou quoi ?
- Bah ça aurait pas été pire... On a reçu un appel des collègues de Brest, répondit Krim.
- Du nouveau sur les 3 disparus de la Rade ?
- On peut dire ça, il faudra dire les huit disparus maintenant...
Verdier entra dans la salle, avec sa tête des mauvais jours... Il était plutôt grand mais surtout maigre, un visage creusé et des lunettes rondes pour lui donner des aires de prof de lycée professionnel... C'était une tête de lard mais il était une pointure au 36, pas un jeune premier débarqué des écoles, il avait trainé dans la merde avant de finir derrière son beau bureau en hêtre. Il avait déjà couvert des bavures de ses gars, il avait aussi dû en répondre devant les bœufs carotte... Mais c'était ça l'esprit d'équipe.
- Je vois que tu claques toujours autant d'argent dans tes costumes Maze, faudra que tu me dises comment tu fais pour mettre 700 balles dans un costard !
- Tu me connais, je ne peux pas refuser un cadeau de ta femme !
L'ambiance semblait tendue mais il n'en était rien entre les deux hommes, ils se connaissaient et plaisantaient !
- Allé on arrête de plaisanter, j'ai eu le lieutenant Le Bars de Brest ce matin, on signale la disparition de cinq étudiants de l'ENSTA, une école d'ingénieurs. Ils ont été aperçus pour la dernière fois dans le centre pour la fête de la musique mais ils n'étaient pas en cours ce matin.
- Ils ont regardé s'ils ne cuvaient pas dans les piaules du campus ? Demanda Santos...
- Très drôle le bleu répondu Verdier...
Santos appréciait moyennement qu'on l'appelle le bleu... Mais il ne pouvait pas faire de vague, il arrivait déjà dans un service d'élite et il voulait tout faire pour y laisser sa trace !
- Bon, Yann, tu vas devoir te déplacer là-bas, comme ça tu pourras presque croire que je t'ai accepté tes vacances !
- Trop bon chef ! Tu es une mère pour moi !
- Tu vas y aller avec Santos.
- Tu es sûr ? Je ne veux pas abimer ton nouveau lieutenant !
- Vous savez, je suis là, vous pouvez vous adresser directement à moi.
- Laisse couler Santos, rétorqua Verdier, Yann va prendre bien soin de toi !
- Ok, on partira à 12H le bleu !
- Moi c'est José, pas le bleu...
- Ok le bleu c'est noté !
Sur ces derniers mots, Yann allât jusqu'à son bureau pour planifier son départ et appeler le commissariat de Brest, il fit le tour de l'open space pour échanger quelques mots avec Gabin... C'était son ami et son co-équipier depuis des années, il aurait préféré faire la route avec lui !
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Les disparus de la Rade
Mystery / ThrillerUne affaire d'enlèvements aux quatre coins de la France fait intervenir une équipe du SRPJ de Paris. Le capitaine Yann MAZE mène l'enquête à Brest pour tenter de résoudre cette affaire qui semble bien plus sombre que les affaires classiques de la ré...