Chapitre vingt et un

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Massy, à peine 6 H du matin, Yann au volant de sa voiture est en route pour Brest. La nuit a été courte, couché tard, levé tôt, il avait l'habitude. En partant il avait regardé son portable et le contact qu'il avait créé la veille « Eva Le Bars » ... Il avait hésité à lui envoyer un sms à son départ mais il savait qu'elle était mariée, il ne s'imaginait pas envoyer un message à une femme pour la prévenir de son arrivée dans la journée. Pourtant, cette idée restait bien présente dans son esprit. Les lumières blanchâtres du périphérique défilaient, l'air était déjà chaud, lourd, la nuit ne suffisait plus à rafraîchir l'ambiance de cette immense ville et de tout ce bitume qui accumulait la chaleur tout au long de la journée.

Les kilomètres passaient, premier arrêt à la pompe après 400 km avalés en à peine deux heures et demie. Yann laissa la vieille BMW refroidir un peu et alla se prendre un café sur l'aire de repos près de Rennes. Le soleil brillait dans le ciel bleu, une belle carte postale pour celui qui ne se pose pas de question, vu de l'extérieur, un homme en costume hors de prix dans une voiture, vrai semblablement rare, peut être partant en vacances ou en voyage d'affaire... Mais du point de vue de Yann, un nouveau trajet vers les méandres du monde, une nouvelle plongée en eaux troubles, une image et pourtant, tellement de possibilités dans le regard des badauds, chacun voit ce qu'il a envie de voir, ainsi va la vie...

Une fois pris son café il se remit derrière le volant et cette fois pris son portable, il le fixa une minute... Homme d'action, homme maitrisant son souffle, sa peur, là, il avait un doute, une crainte, mais il se lança :

« Bonjour Eva, vous m'aviez demandé quand je repasserais sur Brest, j'y serai dans la matinée. Bonne journée à vous »

Une seconde d'hésitation puis « Envoyer ».

Yann repris la route, direction Brest, il restait environ 200 km à faire, sur ces derniers kilomètres, il pensait à cette femme, à ces yeux... Une parenthèse dans son quotidien sombre, une bulle d'oxygène, une sensation qui lui paraissait étrange, il n'avait pas ressenti ça depuis longtemps, une idée, un rêve... Non, une évidence.

Arrivé à la gendarmerie de Brest, Yann retrouva Le Bars dans les bureaux. Il se garda bien de faire la moindre allusion à la sœur du jeune officier. Les salutations furent courtoises. Les deux hommes se respectaient car l'un comme l'autre sentait qu'ils avaient en face d'eux, un homme prêt à tous pour protéger et servir les autres, quitte à y laisser une part de leur humanité.

- Bonjour capitaine, vous avez fait bonne route ?

- Ça va merci ! Je suis un peu crevé mais nous avons du travail ! Alors on verra ça plus tard ! Vous m'offrez un café ?

- Bien sûr et au fait, les collègues vous ont trouvé un hôtel avec une baignoire !

- Ah là, vous marquez des points !!

L'ambiance semblait plus légère qu'à leur première rencontre... Mais comment Bastien réagira quand il apprendra que Yann et sa sœur se sont contactés ? Les deux officiers se mirent devant un écran et Le Bars briefa le policier.

- Nous avons eu le manifeste de chargement du Santa Maria, un gros travail avec plus de 17 000 containers... Autant vous dire qu'il est difficile de trouver quelque chose. Pour autant, nous avons poussé nos investigations en y ajoutant la vidéos surveillance.

- Bonne idée en effet ! Les caméras du port couvraient la zone ?

- En fait, mieux encore ! Les nouvelles grues de ce côté du port sont équipées d'un système vidéo, en effet, ils transportent des choses de grandes valeurs, dans certains containers, des voitures de luxe peuvent traverser l'atlantique de façon totalement anonyme, sauf que si à l'arrivée, l'auto est endommagée, il faut trouver le fautif car il faut passer à la caisse !

- Parfait ! Et vous avez passez les 17 000 Vidéos ?? Dur les gars !

- Nous avions prévu de le faire mais nous n'en n'avons pas eu besoin !

- Ah oui, là vous attisez ma curiosité Le Bars !

- Eh bien, le manifeste comptabilise 17 218 containers... Et les enregistrements ressortis par le port affichent une panne générale du système de surveillance pile au dernier container ! Noir total sur toute la zone...

- Et c'est une bonne nouvelle ?

- En partie, oui, car sur cette partie du port, tout n'a pas encore été remis à neuf avec le nouveau système, il reste encore deux grues raccordées à l'ancien système et celles-ci ont fonctionnées ! Deux containers ont été chargé après le derniers officiellement présent.

- Les grues ont été manœuvrées le matin du départ, vers 2H du matin, le cargo a quitté Brest à 4H30. Ces deux containers ont été chargé pile au moment de la panne, inconnu au manifeste du port, pas de numéro d'identification, pas de traces, juste une inscription sur chaque, un et deux en espagnole.

- Et bien ! Vous voyez, je savais que cette liste était la bonne, je vois que vous avez bien bossé ! Je vais devoir en avertir mes supérieurs, je crains qu'il ne soit plus possible d'éviter un petit voyage au Mexique ! Déjà que j'avais chaud ici, je vais cuire là-bas !

Les deux officiers parlèrent désormais des découvertes dans les entrepôts. Ils décidèrent d'aller y faire un passage, Yann avait en effet pu voir ceux de Rodez, il pouvait ainsi voir les points communs. Les deux hommes prirent la direction de la sortie.

- Je vous emmène ? Lança Bastien...

- Non, la balade en utilitaire, très peu pour moi, je roule !

Bastien trouvait cet homme très professionnel mais aussi très particulier, très porté sur les détails, le costume, la voiture, l'arme hors règlement... Une sorte d'ovni vu de l'officier Le Bars, très attaché à l'ordre et aux règles de la gendarmerie, un vrai militaire dans l'âme !

Les deux hommes prirent la direction des entrepôts dans la voiture de Yann. Sur place, les deux hommes arrivèrent rapidement devant les bacs où le spectacle morbide c'était joué en tout petit comité.

- Incroyable ! Les mêmes bacs, les mêmes locaux, on dirait un copier-coller ! Ils savaient exactement ce qu'ils cherchaient, comme si ce lieu était là pour eux ! Je pense qu'on peut remonter ça au Bastion, les collègues partis en région pourront trouver des traces du même genre dans des locaux similaires ! Je suis prêt à parier que d'autres pauvres jeunes ont fini de la même façon !

Bastien remarqua que Yann ne sourcilla pas une seconde, les mots étaient nets, sans hésitation, il parlait de choses atroces, de morts douloureuses mais sans le moindre sentiment humain. Il semblait aussi froid qu'un bloc de pierre. Une énigme ce flic... Deux possibilités, un sale con qui ne pense qu'à sa carrière, mais Bastien ne sentait pas cela en lui, un homme broyé entre sa vie d'homme et son métier de flic, torturé à l'intérieur mais totalement détaché pour ne pas sombrer dans la noirceur, ce second choix faisait mouche pour Bastien.

Retour à la gendarmerie, Yann appela immédiatement Verdier pour lui donner les derniers éléments. La nécessité de se déplacer au Mexique et donc la paperasse à préparer, les demandes à faire auprès des autorités locales par le quai d'Orsay... Il parla aussi des locaux désaffectés, un profil de lieux à transmettre aux collègues partis à Bordeaux, Nancy... Car il était presque sûr que des traces similaires allaient être trouvées là-bas.

L'enquête n'était qu'à ces débuts mais des pistes apparaissaient, profils des victimes, destination des cibles et surement nationalité des commanditaires, méthodes des criminels face aux éléments gênants... Le capitaine Maze ne perdait pas la main.

La journée avait avancée, la soirée arriva et Yann s'éclipsa pour aller se reposer à son hôtel. Mais à peine dans sa voiture, son téléphone sonna...

- Maze à l'appareil.

- Bonsoir capitaine, c'est Eva, j'ai bien reçu votre message ce matin, je ne voulais pas vous déranger pendant votre journée... J'espère que vous allez bien.

- Disons que là, maintenant, je vais bien...

- [..]

La discussion dura quelques minutes, Maze sentait à nouveau cette drôle de sensation au fond de lui...

Les disparus de la RadeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant