Chapitre cinquante sept

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Dans le noir, Eva était fatiguée et commençait à être de plus en plus faible, le coup sur la tête, la soif plus que la faim lui faisait perdre ses forces heure après heure. Assise là, sur ce sol froid et crasseux, elle tentait malgré tout de rester concentré pour ne pas sombrer. La vue de cet homme qui lui avait retiré cette capuche de tissu de la tête, son calme, ses vêtements, sa voix et son accent... Elle tentait de comprendre même si au fond d'elle, elle avait déjà une partie des réponses.

Cet homme l'avait appelé par son nom et semblait la connaître, il n'avait rien dit d'autre et l'avait laissée là, seule et blessée en repartant et fermant la lourde porte de métal qui la tenait enfermée en plus de ces sangles aux poignets. Tout était clair au fond d'elle malgré la douleur dans le crâne et le sang qui avait séché sur ces beaux cheveux bruns... Elle était retenue par ceux qui enlevaient ces jeunes dans la Rade, ceux que Yann et son frère tentaient de coincer... Elle ne voulait pas se résigner à attendre que la mort vienne la prendre par les mains de ces hommes qui la retenaient captive.

Eva essayait de se libérer des liens qu'elle avait aux poignets, il ne s'agissait pas de menottes en acier, mais de simples cordages ou sangles, difficiles à dire, elle bougeait les poignets avec force dans cette entrave qui lui lacerait la peau mais elle faisait fi de la douleur, la peau se tranchait contre les crocs de cette corde épaisse et drue mais à force de douleur et d'essais, elle finit par libérer l'une de ses mains, lui permettant ainsi de se détacher...

Ce ne fut qu'un court soulagement car une fois debout, à tâtons, elle fit le tour de cette pièce qui était faite de métal, d'acier crasseux et rouillé d'où cette odeur de mazout s'échappait et accentuait son mal de tête.

Elle distingua la porte et ces solides gonds, impossible à ouvrir, elle était bel et bien verrouillée. Eva restait dans le silence et le noir, elle finit par se rassoir contre les murs de sa geôle... Comment allait-elle faire pour en sortir... Qui pourrait l'aider, là, seule sans qu'elle ne sache où elle était vraiment.

A ce même moment, dans les bureaux de la capitainerie, les deux flics du 36 s'arrachaient les yeux et les cheveux sur les vidéos des caméras de surveillance du grand port... Les caméras sont nombreuses et l'activité ne cesse presque jamais, le va-et-vient des camions, des portes containers géant... Les dockers qui vont et viennent, Krim était le plus aguerrit au jeu des sept erreurs sur ce genre de vidéos et cherchait le détail qui allait les aider à retrouver, si ce n'est la jeune Le Bars, au moins une piste.

Au bout de plusieurs heures de visionnage ils arrivèrent sur le détail qu'ils cherchaient... Parmi le balai de camions des entreprises locales et autres fourgons, quelques voitures passaient bien sur les bandes vidéo, mais une grosse berline noire, qui semblait être une Mercedes de grosse cylindrée attira leurs regards de flics. Ils purent suivre la limousine sur plusieurs cameras.

La Mercedes se gara dans l'angle mort des caméras de surveillance, il n'y avait pas de hasard, elle était stationnée sur le quai numéro 8, celui-là même ou le Santa Maria mouillait lorsque Yann débutait l'enquête dans ces mêmes bureaux.

Pas de doute, c'était leurs hommes, on pouvait juste distinguer l'avant de l'auto, les lascars ne passèrent même pas un instant dans le champ des caméras, ils savaient exactement comment se placer et était rompu à l'exercice. Mais ce qui ne pouvait pas se cacher des caméras était cette immense masse d'acier foncé en fond d'image, un pétrolier sous pavillon Maltais mouillait sur ce quai.

Ludo partit dans la seconde interroger les membres de la capitainerie pour se renseigner sur ce bâtiment. Les éléments étaient maigres, il était déjà parti avec une feuille de route pointant vers l'Amérique du sud... Un chemin maritime pas si éloigné de celui passant par le Mexique, ce qui n'était surement pas un hasard ! Le bâtiment était en règle malgré son pavillon de complaisance mais rien à signaler, l'équipage était en règle avec un capitaine de navire d'origine espagnol.

Les deux policiers avaient donc une piste, Eva était sur ce bateau, sans doute en route pour le sud de l'Amérique et plus probablement pour le Mexique. Cela ne faisait plus aucun doute pour eux.

Alors que Yann et Gabin venaient de traverser l'Atlantique en avion, dans le même temps, Eva, elle, faisait route inverse dans les mains des hommes de la caste, dur croisement de vies et de destins.

Krim et Ludo réunirent tous les éléments sur l'équipage et sur le chemin précis que le bateau devait emprunter, ils repartirent ensuite pour la rue Verny et la gendarmerie de Brest, là-bas les attendait le lieutenant Le Bars qui était resté à son bureau pour continuer l'enquête première et ainsi ne pas se laisser envahir par cette colère qui risquait de le faire faire des erreurs, ce qu'il ne voulait surtout pas, tenant tant à sa sœur.

- On a trouvé la trace de votre sœur... Lança Krim.

- Vous l'avez localisée ? Elle est encore ici...

- C'est plus compliqué, on a bien une piste, mais cette piste, c'est un bateau qui fait route en direction des Amériques... Un pétrolier Maltais.

- Quoi ?? Ma sœur est sur un bateau ? C'est ce que vous avez trouvé ? Mais c'est impossible, je ...

- Calmez-vous Bastien, on va contacter le Bastion et lancer les démarches, on a le nom du bateau, son chemin maritime, son PV, on a tout pour lancer une procédure auprès de « la maritime », on va retrouver votre sœur.

- Oui, la retrouver ?? Mais dans quel état... Le temps de faire toutes démarches, elle a le temps de se retrouver au fond de l'océan...

Bastien tourna les talons, effondré par la nouvelle, il chancelait, l'homme qu'il était semblait s'éloigner devant cette épreuve, lui, le protecteur de sa petite sœur était impuissant à cet instant.

Krim regarda Ludo et pris son portable...

- Je préviens Yann...

Les disparus de la RadeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant