Chapitre Quarante Sept

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Une horloge battait la cadence du temps qui passe et qui pourtant n'avait pas d'effet, du moins visible, sur l'homme qui était derrière son bureau de bois précieux. Des papiers rangés avec soin sur le côté et un ordinateur dernier cri devant lui, Fuentès était occupé par des affaires importantes en lien avec son poste de sénateur et pas la caste.

Il menait d'une main de fer son organisation et ne laissait rien paraitre au travers de son poste d'importance d'homme politique. Il utilisait tous les leviers à sa disposition pour faire grandir et prospérer la caste, rien ne pouvait se dresser contre lui, la police, les hommes influents, les industries... Ils étaient partout et sans être nombreux, lui et ses piliers avaient tissés une toile géante qui leur permettait de rabattre toutes leurs proies ou leurs ennemies là où ils décidaient. Pourtant, malgré cette force, malgré cette stabilité qui durait depuis des décennies et même bien plus, le coup de téléphone qui allait perturber le travail d'Ah Puch allait le mettre hors de lui !

- Fuentès à l'appareil.

- Désolé de vous déranger à une heure si tardive, c'est Muñoz à l'appareil, nous avons un souci sur le port, Mora est mort et...

- Quoi ?? Ah Puch coupa la parole de l'officier de police, il c'était levé de son fauteuil de cuir et semblait avoir une rage immense qui montait en lui...

- Désolé sénateur, nous sommes arrivés sur place et les deux policiers Français ont témoignés d'une seule voix que Mora avait attaqué ce Maze, la traductrice, Florès leur donne raison... Mora n'est pas mort de ces blessures, on l'a retrouvé empoisonné.

- Il a utilisé son cyanure, il devait être mal en point ! Ramenez-les au commissariat, ne faites pas de vague, on ne doit pas éveiller les soupçons, il vaut mieux leur laisser croire qu'ils avancent pour mieux les arrêter ensuite ! Par contre pour la traductrice, il va falloir la faire disparaitre, je pourrai persuader les supérieurs de ses deux curieux de les faire rentrer mais elle, je ne pourrai pas la contrôler sans en passer par une solution plus définitive à terme, vous m'avez compris !?

- Très bien sénateur, je vais les mettre au frais pour la nuit et je vais me débrouiller avec la jeune Florès.

- Pas de vague Muñoz, nous n'avons pas besoin de ça en ce moment, mettez-lui un peu de pression, à elle et sa famille ! Ne me décevez pas, votre train de vie et votre impunité ne tiennent qu'à moi, vous le savez...

- Bien sûr sénateur Fuentès, je vous suis reconnaissant et rien ne remontra vers vous.

- Allé, fait ce pour quoi tu es utile, je passerai demain matin au commissariat pour rencontrer ce « Maze », j'ai hâte de voir quelle tête à ce petit fouineur...

Sur ces mots, Ah Puch n'attendit pas de réponse et raccrocha. Il se rassit et s'appuya lourdement sur son fauteuil. Une goutte de sueur longeait son visage, il sorti un mouchoir de sa poche et vint retenir une larme qui naissait sur le coin de son œil, elle était, comme il s'en doutait, de sang. Une larme de colère et un signe de plus de la fin des effets des greffes d'Hoffman, la fin des effets de force et de jeunesse... Il allait devoir passer plus vite que prévu entre les mains expertes de son médecin en chef, le huitième pilier !

Il se redressa d'un mouvement sec et décidé et saisie son portable, il sélectionna l'un des premiers numéro, El Angel Negro...

- Don Josué ?

- Oui Ah Puch, que se passe-t-il ?

- Où en es-tu avec les femmes ? Tu as réussi à boucler notre récolte ?

- Oui, nous avons les élues et nous allons remonter vers Brest pour rejoindre nos passeurs, mais vous semblez préoccupé...

- Mora est mort, il s'est fait avoir par les deux français, plus dur à cuire que nous le pensions, mais rien de grave, s'il s'est donné la mort c'est qu'il a fait le bon choix et que la caste est restée dans l'ombre.

Ah Puch annonçait en quelques mots la mort du fils de Don Josué, sans même penser à le ménager, il connaissait bien son exécuteur en chef et sa froideur sans borne.

- Sa mort est en effet regrettable mais la pérennité de la caste passe avant tout, je perds un fils, mais nous conservons la sureté de la caste.

- Bien mon ami, tes mots sont raisonnables et ils sont à la hauteur de ta réputation... As-tu vraiment un cœur caché sous ta carapace mon vieil ami ?

- Oui maitre, n'ayez crainte, mon cœur et mon âme appartiennent à la caste et vous sont dévoués.

- Bien, comme tu vas sur Brest, je veux que tu prennes une passagère de plus, nos guetteurs ont travaillé pour moi et nous avons détecté un point faible sur ce Maze, une dénommée Le Bars. J'aimerais que tu l'emmène avec toi, ce Maze est allé un peu trop loin, même s'il ne devrait pas être trop difficile de le faire repartir en France avec l'aide de ses supérieurs, je serais malheureux de ne pas lui laisser un petit souvenir de notre organisation.

- C'est en effet une très bonne idée ! Je vais m'en charger !

- Très bien, tu vas recevoir tous les éléments par messages, ne la laisse pas s'échapper mais, surtout, ne l'abime pas ! Je la veux vivante et intacte !

- Il en sera ainsi ! Vous pouvez compter sur moi !

- Inutile de me le dire mon ami, tu es surement l'un des éléments les plus droits et les plus dévoués je te fais entièrement confiance.

Les deux hommes se quittèrent sur ces mots. Don Josué regarda sa montre, il était 8H15, il finissait de déjeuner. Lui et ses hommes allaient devoir traverser la France pour remonter vers Brest. Ils avaient avec eux plusieurs femmes, toutes jeunes et plus belles les unes que les autres. Lui, était dans un hôtel de luxe sur les bords de la méditerranée, ses hommes de mains, « les hommes en noirs » comme les avaient décrits les jeunes rescapés de la rafle échouée de Narbonne, eux restaient garder le précieux chargement, les élues.

Ces femmes allaient traverser la France tel un chargement de drogue, sorte de Go-Fast que rien ne devait arrêter, plus précieux pour la caste que la poudre blanche qui était si simple à obtenir outre Atlantique pour la Caste. Les femmes, tout comme les hommes quelques semaines plus tôt, étaient droguées pour rester en sommeil et ne pas tenter la moindre échappée-belle. Il n'était pas concevable de les blesser en cas de fuite.

Contrairement aux hommes, le destin de ces femmes n'était aucunement de finir en réserve d'organes pour malades fortunés. Leurs vies seraient bien plus longues mais si celle-ci n'acceptaient pas leurs conditions de femmes de la caste, leurs devenirs ne seraient pas forcément plus enviables.

Don Josué avait senti cette tension dans la voix de son maître, une tension qu'il n'était pas si fréquent d'entendre dans le timbre si assuré de celui qui dirigeait la caste d'une main de fer et de maître. Une caste qui rayonnait tout en étant totalement invisible et avec l'éternité pour terrain de jeu grâce au travail de ses sbires. Il allait devoir remonter le territoire français en évitant les barrages qu'il s'attendait à rencontrer à cause de Narbonne, une fois au plus proche de l'océan qu'il appréciait tant, il exécuterait la dernière mission confiée, en bon exécuteur, il trouverait cette femme, la traquerait si nécessaire et la rapporterait à son maître car pour El Angel Negro, cet ange qui déployait des ailes aussi noires que la nuit, aucune pitié, aucun sentiment.

Don Josué sentit son portable vibrer, « Nouveau Mail ». Il l'ouvrit et reçu une photo, une belle femme, brune, environ 30 ans, de petite taille, pas les standards recherchés mais pour cette fois, il ferait un écart. En plus de la photo, une adresse, un quartier et le nom de la proie pour ce chasseur impitoyable.

Eva Le Bars

5 rue de l'Océan

Quartier St Marc

Brest

Don Josué reposa son portable sur la table richement garni pour son repas matinal, il ne semblait pas perturbé par tout ce qu'il venait d'entendre, la mort de son propre fils n'avait ébranlé cet homme plu sombre que la couleur de ses costumes sur-mesure, il lança ces mots à voix hautes et repensant au visage de la fameuse Eva :

- A bientôt Eva, tu seras bientôt entre mes mains et tu paieras les affronts de ton homme...

Les disparus de la RadeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant