Chapitre trente cinq

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Orizaba, plusieurs véhicules médicalisés arrivèrent devant la pseudo clinique dans laquelle les premiers hommes avaient été conduits il y a quelques jours. Ces pauvres fous avaient terminé leurs courtes vies dans ces locaux, source financière pour la caste, source de vie pour les malades fortunés qui avaient, sans la moindre compassion, dépouillé leurs corps en pleine santé, de leurs organes vitaux. Quand vous avez l'argent, vous avez le pouvoir et à ce stade, il n'est plus utile d'attendre qu'un accident place un donneur d'organes sur la liste qui vous concerne, il suffit de faire un chèque avec plusieurs zéros et l'organe tant désiré vous êtes « donné », vous avez ainsi le pouvoir sur la maladie.

Pour ce convoi, un véhicule à l'avant et un second en fin de cortège étaient occupé par des hommes en armes, pas de retenu ici, pas de dissimulation, des armes de guerre entre les mains, la précieuse cargaison devait arriver sans encombre. Ils étaient partis de Boca Del Rio de bon matin, le cortège comptait également une auto dans laquelle Aldair Barroso avait pris place, il devait superviser toute l'opération, Ah Puch souhaitait que tout se passe comme il l'avait exigé, les élus devaient remplir leur rôle dans cette macabre organisation.

Les véhicules stoppèrent devant l'entrée, un nuage de fumé de couleur ocre recouvrait ces derniers, les hommes armés sortirent les premiers et s'organisèrent de façon militaire autour des portes et des mini vans. Les portes s'ouvrirent, des hommes en blanc attendaient la précieuse cargaison, les élus furent descendus des véhicules, ils étaient endormis, paisible dans ce dernier voyage, ils étaient jeunes, ils avaient la vie devant eux, des choses à faire, des choses à voir, des pays à visiter, mais ce pays où la chaleur écrasait, tout autant que la corruption, les esprits et les cœurs, allaient être leur dernière destination.

Un des médecins de l'établissement en charge des transferts, Andrès Garcia, était présent, lui et Barroso échangèrent quelques mots.

- Nous y sommes Aldair, encore une page qui va s'écrire. Notre caste ne s'éteindra jamais tu le sais ?

- Oui Andrès, je sais tout cela, nous allons encore redonner vie à ceux qui nous protègent et nous donnent accès à ce pouvoir illimité. Nous devons nous en réjouir, mais...

- Mais ? Qu'as-tu à ajouter à cela Aldair ? Cette tâche est la nôtre, nous sommes les médecins de la caste, nous avons la responsabilité de la conservation de nos élites, ils comptent sur nous, nous avons une vraie responsabilité, Ah Puch compte sur nous et nous ne le décevrons pas !

Sur ces mots, Aldair avança en direction de l'intérieur du bâtiment, il laissa Andrès avec ces médecins. Les brancards défilaient, 11 hommes, 11 vies, une seule destination.

Le bâtiment était immense, à l'extérieur il semblait presque abandonné, n'attirant ainsi pas les regards trop insistants. Il n'en était rien à l'intérieur ! Une clinique ultra moderne, des blocs opératoires derniers cri, des médecins et chirurgiens expérimentés. Il n'était pas question de contre bande désorganisée où l'on risquait autant de mourir que de survivre à l'opération, mais bien d'un marché complexe et articulé autour d'une organisation tentaculaire... La Caste de la Tête d'Or.

Au rez-de-chaussée, des salons et un restaurant pour accueillir les riches clients et leurs familles le temps des transplantations. Au premier étage les blocs, ces pièces entièrement stérilisées et impeccables, endroit où des hommes et des femmes retrouvaient un second souffle pendant que d'autre perdaient la vie. Au dernier étage de cet édifice, les chambres et services de suivi post opératoire. Tout était organisé, rodé... Le trafic d'organes assurait une grande partie des ressources de la caste. Un rein se revendait 200 000 €, les frais de la clinique se payant en plus, une source illimitée pour financer le reste de l'organisation, en effet, la tranquillité avait un prix et ici, il se payait en dollars américains.

Au premier étage, pas un instant n'était perdu. A peine une heure après l'arrivée du cortège, l'un des blocs, celui portant le numéro 2, était déjà en effervescence, les médecins et infirmiers préparaient un homme. L'homme qui semblait diriger l'opération pris la parole au travers de son masque :

- Élu numéro 4, 21 ans, 77 kg, 1 m 82. Groupe O négatif. Nous démarrons la procédure.

Derrière une vitre, un homme valida d'un mouvement de tête le lancement de « la procédure ». L'homme qui avait pris la parole dans le bloc demanda ses outils et se mis au travail. Sur la table, le jeune homme était sous anesthésie, son crane avait été rasé et des tracés sur sa peau indiquaient déjà les zones d'intervention.

Le chirurgien demanda un scalpel et en quelques secondes, se mit à trancher la chaire du pauvre homme dans un mouvement circulaire, de la base de son crane au niveau du cou pour remonter jusque sur son front. Le sang coula le long du visage du pauvre homme qui ne pouvait rien faire, il avait sombré dans se sommeil profond dont il ne reviendrait jamais, les machines veillaient à assurer les fonctions circulatoires. Il retira méticuleusement cette partie de peau qui recouvrait le crane du pauvre homme, de la base vers l'avant de son visage.

Une fois la peau retirée, le crane était désormais dégagé et l'homme pris en main une machine qui ressemblait à une petite scie comme on utilise parfois pour des travaux de précisions. Il l'a mis en route et un bruit strident rompit le silence qui c'était fait dans la salle. La petite machine métallique, protégé par un film stérile était une scie de précision pour la découpe des os. Il se mit en place au niveau de la partie dégagée de sa peau et démarra sa macabre opération. Un bruit plus aigu fut produit par le contact de la lame avec le crâne. Le geste était sûr et précis, l'homme était expérimenté et semblait parfaitement maitriser cette procédure. Au bout de quelques minutes, le malheureux jeune homme se voyait débarrasser de la partie supérieure de son crâne, laissant apparaitre ce qui semblait être la source des convoitises de la caste.

L'homme posa sa machine et demanda la mise en place d'un appareil de haute technologie au-dessus du crâne du jeune homme, un microscope numérique permettant les interventions les plus précises dans cette partie du corps si complexe. Le chirurgien avait une mission très particulière, il était chargé de récupérer un élément précieux dans cette boite crânienne.

Le mystérieux homme derrière la vitre ne quitta pas des yeux une seconde les opérations, il semblait calme et impassible, pire encore, à la vue de ce spectacle si particulier, il semblait jubiler tel un chef d'orchestre voyant son œuvre se réaliser devant lui grâce à son travail et à ses conseils de maître. Près de lui se tenait Aldair Barroso qui, lui, semblait plus nerveux. Malgré tout, ce dernier poussait un souffle de soulagement, le premier élu était en train d'offrir ce trésor que la caste semblait avoir besoin par-dessus tout, son rôle dans la récolte, celui pour lequel Ah Puch lui avait demandé de ne pas faillir était accompli. Il avait désormais donné la main au chef de son rang, cet homme sombre près de lui, Hoffman...

Les disparus de la RadeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant