Chapitre cinquante neuf

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Au milieu de l'océan, un simple point noir dans une étendue bleutée et calme, un soleil de plomb sur un horizon qui se confondait entre eau et ciel, entre le bleu azur d'un cap vers l'Amérique et le bleu profond d'un océan qui portait cette coque d'acier commençant à rouiller.

Le Seawise Giant, un super tanker qui avait débuté sa carrière en 1991 au Japon battait désormais pavillon Maltais et se trouvait, machine en panne, au beau milieu de ce paysage si paisible et magnifique à cette heure où le soleil rasait l'horizon à l'ouest dans cette lumière dorée.

Dans ce géant des mers ayant déjà trop navigué, au fond de cet amas d'acier et de rouille, une jeune femme était assise, assoiffée et affaiblit. Depuis son enlèvement près de la base sous-marine de Brest, Eva n'avait ni bu ni mangé. Les traces de sang due au coup sur la tête mêlée aux relents de pétrole lourd qui collait à cette acier froid et humide lui donnait un mal de tête impossible à décrire. Elle vacillait et n'arrivait désormais plus à se concentrer dans cet endroit sombre, sans le moindre repère, elle perdait pied, elle sombrait et se sentais partir, seul une pensée lointaine pour Yann et l'espoir de le revoir la tenait en éveil.

Le temps était déjà étranger à la situation, elle ne savait plus trop quelle heure, quel jour on pouvait être et surtout, cela était le pire, impossible de savoir où elle était. Il était simplement clair qu'elle se trouvait dans un bateau, même si les mouvements de l'océan étaient imperceptibles dans ce monstre d'acier, la fille de capitane de remorqueurs reconnaissait l'environnement dans lequel elle était. Surement un bateau de très grande taille vu sa stabilité et pour le reste, elle ne pouvait pas se prononcer, les odeurs de fuel étant assez commune sur tous les paquebots.

Le bruit de pas qu'elle avait entendu lors de la visite de cet homme au costume sombre se firent à nouveau entendre, mais cette fois il semblait y avoir deux personnes. Les pas s'arrêtèrent devant la porte d'où parvint le bruit du verrou imposant qui bloquait l'accès, à l'ouverture, de vieilles lampes de pont vomirent un flot de lumière jaunâtre dans la pièce. Eva n'était plus à sa place, plus attachée, le plus gros des deux, celui qui était déjà venu voir Eva laissa éclater un rire sombre et médisant.

- C'est bien là la sœur d'un gendarme... Combative et persuadé que les bons survivent, que les méchants perdent à la fin... Que c'est beau de croire dans les codes d'un monde que l'on ne comprend même pas Eva, j'aime te voir ainsi, cela sera mieux que si tu te laisses aller.

- Qui êtes-vous, que me voulez-vous ?

- Tu sais pourquoi tu es là, je sais que tu es très perspicace et que tu es de la même trempe que ton frère... Nous te connaissons car nous savons tout ce que nous voulons savoir, il nous suffit de demander... Et pour ce qui est de ce que nous te voulons, disons que tu as peu de chance de faire le voyage inverse... Ou du moins si, peut-être, mais dans une jolie petite boîte... Non, dans plusieurs boîtes à vrai dire...

Les mots sonnaient comme un verdict attendu, même s'il était déjà connu, le ton de la voix donnait bien le sentiment qu'il ne s'agissait pas de menaces, non... Il s'agissait simplement de son avenir entre les mains de ces hommes. Pendant que le premier homme lui parlait, le second restait en retrait, il était dans l'ombre, plus petit et surtout plus mince, il était vêtu différemment, surement un membre de l'équipage du bateau, Eva tentait de capter les indices pour savoir ce qui se passait autour d'elle... Elle était bien sur un bateau, surement espagnole vu l'accent de son bourreau, mais difficile d'en savoir plus mais elle n'eut pas à chercher...

- Tu te demandes où tu es... Je sais, je te connais... Et bien tu es au beau milieu de l'océan, nous avons quitté Brest sans le moindre problème avec tes amis policiers, nous sommes sur un bateau qui fait route vers le Panama mais nous attendons un petit transfert... Enfin, le transfert c'est toi Eva, nous allons quitter ce bateau crasseux pour un moyen de transport plus digne d'une aussi belle femme... Puis nous pourrons nous diriger vers ta dernière demeure, tu vas visiter notre beau pays ! Tu verras, le Mexique est très agréable à cette période de l'année...

Sur ces mots, le second homme passa dans la lumière pour relever Eva et la contraindre à les suivre, il lui remit les mains dans le dos et les attachât avec des menottes à usage unique en plastiques, serrés au maximum sur les poignets déjà blessés par les cordes. Il se dirigèrent hors de la pièce et se mirent à marcher dans un interminable couloir au sol crasseux et aux cloisons d'acier et de rouille. Le géant des mers aurait dû depuis longtemps être démantelé mais sous pavillon Maltais, tout comme l'Erika avant lui, ce super tanker sillonnait les mers avec des milliers de tonnes de pétrole lourd au risque de sombrer pour une nouvelle catastrophe !

Au bout du couloir ils prirent les escaliers qui les menèrent enfin à la lumière du jour, après de nombreuses marches qui épuisèrent Eva, une porte s'ouvrit et une lumière aveuglante plongea Eva dans le noir à cause du contraste. Une fois remise, elle put voir l'étendu du monstre d'acier, un bâtiment de près de 460 m de long et 70 de large, un monstre de 565 000 tonnes... Eva connaissait bien ces bateaux ayant, petite fille, accompagnée son père sur des manœuvres avec les remorqueurs Abeille.

Sur le pont, le bruit d'une turbine perturbait le calme de l'océan, on n'entendait pas le ronronnement des machines du Seawise ainsi cachées par cet hélicoptère qui venait de se poser. Elle fut dirigée vers la partie arrière du bateau, vers la zone de commandement. Tel un immeuble qui se dressait sur le navire, ils entrèrent par une lourde porte d'où la rouille coulait le long des gonds. A l'intérieur, les escaliers n'en finissaient pas pour atteindre le pont supérieur où se trouvait la barre et son commandant. Ils montèrent, la chaleur était écrasante et Eva était fatiguée mais elle devait avancer, la pression de l'homme derrière elle ne lui donnait pas d'autre choix !

Ils arrivèrent face à une étendu de verre, des glaces épaisses qui laissaient passer la lumière brulante sur les commandes qui semblaient vieillissantes, du matériel d'un autre temps, des années 80, ou peut être 90... La déchirure de verre dans l'acier ouvrait la vue sur ce monstre des mers. Aux commandes, un équipage qui semblait venir des quatre coins du monde, mais ils parlaient en Espagnol, celui qui semblait être le commandant lança un sourire aux deux hommes qui tenaient Eva. D'un geste du visage et pointant du regard la cabine qui jouxtait la salle des commandes, Eva fut menée jusque-là puis les hommes l'enfermèrent à l'intérieur... Elle quittait la noirceur de la calle pour cette petite pièce au fenêtres rondes mais au final elle n'avait pas bougé, elle était toujours retenue là, au milieu de l'océan, elle savait désormais que son sort était scellé.

Sur le pont, Don Josué demanda au commandant dans combien de temps il pourrait repartir à bord du petit hélicoptère qui s'était posé sur le grand « H » tracé sur le pont du Seawise. Celui qui était aux commandes, un homme au ventre proéminent, mal rasé, mais au regard aussi perçant que celui d'un félin lui répondit qu'il allait devoir patienter jusqu'au lendemain matin, le temps qu'un bateau soit en vue pour les récupérer et ainsi pour prendre la direction du Mexique.

Les disparus de la RadeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant