Chapitre cinquante quatre

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Un nom sonna comme une victoire dans l'oreille de Ah Puch, « Eva Le Bars » ...

- Nous avons la fille, selon vos ordres ! Je reste dans l'attente de vos nouvelles instructions...

- Parfait mon ami, tu es vraiment digne de ta réputation. Je sais que la mort de ton fils t'affecte au plus haut point et de plus, cette dernière est due à ce fameux Maze, je vais donc te faire un cadeau mon ami ! Je te laisse décider du sort de cette jeune femme... Tu pourras en disposer à ta guise une fois notre mission terminée. Je veux que ce sale français se concentre sur la recherche de cette femme et non fouiner dans nos affaires !

- Très bien mon maître, je vais laisser la récolte finale partir, je superviserai moi-même le départ du bateau et ensuite je partirai avec la femme par notre second transport, je ferai en sorte que la mort de mon fils soit une raison de plus de servir notre caste.

Sur ces mots, Ah Puch reposa son téléphone portable sur ce bureau au bois précieux. Il se laissa pencher en arrière sur un fauteuil en cuir rouge vif, un fauteuil qui correspondait au reste de ce bureau décoré à prix d'or et avec un goût des plus maitrisé. Fuentès se dirigea vers l'une des imposantes fenêtres de son immense bureau. Face à lui se tenait la ville de Vera Cruz, immense cité qui semblait perdu au milieu de l'aridité de ce décor de western d'un autre temps. Dehors, la ville s'endormait, le soleil au loin enflammait cet horizon, d'un côté l'océan et cette manne pour la population locale, grouillant, telle des fourmis, pour récupérer les miettes des puissants, de l'autre côté, les sols arides du sud du Mexique, où la pauvreté imposait les sacrifices les plus intimes et les plus forts, un monde dur et sans pitié au milieu duquel, des hommes comme celui qui regardait l'horizon jouait avec leurs vies.

Cette vie d'opulence que menait les membres de la caste dénotait par rapport à la pauvreté des habitants de cette région. La misère aidait la caste à assouvir les habitants, les politiques, les hommes de loi... Comment résister aux sirènes de la fortune lorsque l'on est père de famille et que l'on voit la misère grignoter la vie qui nous entoure. Aucun métier n'était épargné par la misère et la corruption permettait de vivre plus décemment.

Au loin, on distinguait le port de Vera Cruz et le balai des grues géantes qui déchargeait les bateaux géants qui recrachaient cette pollution au souffre dû au fuel lourd, la fumée et le gout du pétrole était presque imprégné dans la peau et les poumons des habitants. Dans quelques jours à peine, un chargement très spécial serait là, Fuentès, Ah Puch, y pensait avec attention et avec envie. Ces jeunes femmes allaient permettre de faire naitre une nouvelle génération d'élite pour la caste, il arrivait au bout de son idée eugéniste comme d'autres l'avaient eu avant lui avec la fin qu'on leur a connue !

Il laissa ses pensées divaguer, il avait déjà vu tant de fois cette horizon flamboyant, les années passaient et laissaient une empreinte presque invisible sur lui, pourtant, les larmes de sang le rappelaient à l'ordre et il allait devoir très bientôt songer à se poser un moment pour être à nouveau « remis à neuf » par Hoffman. Il n'était pas pressé de passer par là, il savait déjà ce que cela faisait, ce que cela imposait... Il fallait du temps pour s'en remettre, le corps et l'esprit du pilier une fois transplanté devait se remettre de l'opération très lourde, les glandes devaient reprendre leur rôle après avoir été retiré d'un corps jeune pour celui d'un homme âgé et usé par les années qui ne se comptaient plus. Ah Puch voulait être là à l'arrivée des femmes pour la caste, une fois cette récolte passée, il se laisserait endormir par ces narcotiques puissants qui prendrait le dessus sur sa force.

A plus de 10 000 km de là, une femme était enfermée dans un endroit sombre et sans fenêtre... Elle avait un sac de tissu clair sur la tête mais ce dernier laissait apparaitre une tâche pourpre sur le dessus, le crane d'Eva souffrait de stigmate de ce coup asséné sans ménagement par l'un des hommes en noir. Eva reprenait à peine connaissance, mais était dans le vague complet, elle essaya de bouger mais elle ne sentait plus ses jambes ni ses bras, une sensation très douloureuse au niveau du crâne et un gout métallique au bord des lèvres provoqué par son sang qui avait longé son doux visage...

Elle se concentra de toutes ses forces restantes, elle réussit à se remémorer l'arrivée de la Mercédès noir dans ce bruit assourdissant des freins et des pneus qui crissent, tout était allé si vite, elle a vu deux hommes sortirent et tout un coup, senti un simple coup sur la tête, elle n'arrivait même pas à savoir s'il avait été violent, celui ici l'ayant fait totalement perdre connaissance. Dans ses bribes de souvenirs elle distinguait un homme jeune sortir côté conducteur et un homme « sans âge » se jeter sur elle avec hargne et violence.

- Qu'est ce qui m'arrive, qui est là...

Eva laissa échapper ces mots sans certitudes d'être entendu. Pas de réponse, pas de bruit, pas même de grincement de porte ou toutes autres choses. Eva se concentra de toutes ses forces, étant plus jeune elle s'amusait avec Bastien à reconnaitre un lieu avec les mains sur les yeux, un jeu qu'elle remportait toujours au plus grand damne de son grand frère qui préférait aller bouder une fois l'échec avoué.

Eva commença par essayer de se concentrer sur les bruits, mais ils étaient peu nombreux, elle crut entendre de l'eau couler goute à goute et surtout elle entendit comme le bruit d'une corne de bateau, un bruit facile à reconnaitre pour cette fille de marin, cette fille de la mer !

Elle essaya ensuite de se concentrer sur les odeurs, elle avait très mal à la tête et sentait la pression sous son crâne au lieu du choc, comme une masse qui pressait son crâne sans lui laisser une seconde de répit. Sans trop de difficulté elle put reconnaitre l'odeur caractéristique du fuel lourd, du « Mazout » !

Après quelques minutes, Eva s'était remise de ses émotions et ses sens fonctionnaient à plein régime. La sœur de gendarme et la future membre de la marine nationale n'avait pas l'intention de se laisser aller, elle continuait de chercher des indices.

Une pensée fut plus forte que les autres et ce ne fut pas pour Éric, son mari, qu'elle sentit son cœur se serrer mais bien pour Yann ! La situation était claire dans son esprit, elle était entre les mains de ceux que chassait Yann, elle ne savait pas comment mais elle savait pourquoi ! Ils avaient dû apprendre que Yann l'avait côtoyé lors de ces passages à Brest et avait profiter de cette faille... Elle s'en voulait presque d'avoir ainsi créé une faiblesse à cet homme qui n'avait pas d'attache ni, donc, de point faible.

Elle repensa à ces recherches infructueuses, à ce fantôme qu'elle avait voulu trouver sans succès. Grace à elle, ou plutôt à cause d'elle, ces hommes avaient un moyen de pression sur Yann et donc l'enquête. Avec toutes ses pensées, ses sensations ancrées en elle, elle avait pu se remettre à réfléchir comme elle savait si bien le faire, étrange sensation de culpabilité mélangé à une rage de vivre qui l'enflammait tout entière.

Au sol, ses mains purent distinguer un aspect de métal, vieux, rouillé, avec les éléments liés au bruit et à l'odeur, elle en déduisit qu'elle devait se trouver soit dans un container, soit dans les soutes d'un cargo. La taille de ces bateaux géant rendait impossible de distinguer les mouvements de la houle et ainsi savoir si elle était sur l'eau ou à terre, les deux hypothèses étaient donc aussi plausibles.

Au bout d'un temps, qu'elle perçu comme interminable, elle entendit des bruits de pas claquer sur ce sol humide et fait de métal. L'inquiétude la gagnait mais elle devait se ressaisir et tenir bon. Les pats ralentirent, le bruit d'un trousseau de clé résonna et elle entendit le mouvement de la lourde serrure de ce qui semblait être une imposante porte.

Les gons grincèrent lourdement, lentement et les pas reprirent un instant avant de s'arrêter face à elle. Au travers de la mince épaisseur de tissu et malgré le peu de lumière, Eva pu voir la forme d'un homme de forte corpulence...

En une fraction de seconde l'obscurité se déchira lorsque l'homme retira la capuche de tissu maculé de son sang ainsi noirci.

- Bonjour Eva... Tu ne me connais pas, mais nous, nous te connaissons...

Les disparus de la RadeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant