Chapitre cinquante six

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Le Bastion, après une nuit peu reposante et plusieurs cafés très serrés, Yann arriva au bureau en taxi, sa voiture étant resté la veille sur le parking de l'aéroport. Il avait pu retrouver un peu de son apanage en se démarquant de ces collègues par ses tenues. Mais il était loin du capitaine Maze que les collègues du 36 voyaient chaque matin arriver sans un faux pli. Il était certes vêtu d'un costume de marque Brioni qui dépassait allègrement les 1000€, mais il avait des cernes aussi gros que des pneus, il n'avait pas pris le temps d'arranger sa barbe qui avait poussée de façon disgracieuse depuis son départ. Il n'était que l'ombre de lui-même, du moins, pour ce qui était de son apparence.

Pour ce qui était de son cerveau de flic, il en était tout autrement ! Son bain glacé lui avait permis de restaurer son calme et se remettre en question avant de se relancer dans la bataille.

L'équipe Maze était incomplète avec Ludo et Krim à Brest mais le gros de l'équipe carburait au café noir de Max, les yeux étaient tirés et les hommes fatigués ! Ils avaient bossé sans relâche sur les maigres indices, les PV du port de Brest, les témoignages des jeunes et du survivant de Narbonne... Tout était trouble mais sur le grand tableau blanc posé au milieu de la salle de travail, des notes montraient la réflexion des OPJ pour cerner ce macabre trafic.

Des photos étaient alignées sur un pan de mur, de jeunes hommes et de jeunes femmes, toutes avaient pu être identifié avec l'aide de l'OCDIP suite au croisement des données avec les disparitions inquiétantes. Tout au bout du mur, quelques photos étaient symboliquement barrées d'un trait noir, les noms étaient indiqués avec la mention « Victime n°1, 2... », c'étaient ceux qui avaient pu être identifié sur des traces ADN à proximité des fameux bains d'acide ou par élimination selon leurs caractéristiques physiques.

Pour ce qui était des indices laissés derrière ces professionnels du crime, il fallait reconnaitre qu'ils étaient maigres. Le commissaire Verdier avait la pression au-dessus de lui, car l'affaire avançait « trop lentement » ... Alors il avait demandé de l'aide d'autre OPJ venu de l'équipe Hériot, un collègue d'un autre étage du centre névralgique de la Police Française.

Il était à peine 9H30 quand Verdier entra avec un dossier à rabat de couleur bleu sous le bras. Le commissaire était loin du genre de Maze à se préoccuper de son image. Il n'avait pas pris le temps de se coiffer et le peu de cheveux qui lui restaient paraissaient tenter de se sauver d'un côté et de l'autre de son crâne. Malgré cette apparence de flic en préretraite, il en avait sous le capot et ces années de travail dans le milieu du crime en faisait un chef que l'équipe respectait et appréciait !

L'équipe pris place autour du boss qui lâcha le dossier sur le bureau de Gabin face à lui...

Allé les gars, on se met au boulot ! J'ai une bonne et une mauvaise nouvelle pour le groupe !

A l'accoutumé, Yann aurait relevé et laissé un mot échapper pour détendre le groupe, mais là, le commissaire, assis derrière son bureau, lui jeta un œil et constata que son second, le capitaine, était en pleine réflexion et ne voulait qu'une seule chose, étancher sa soif d'informations pour avancer sur l'affaire.

- Voilà, j'ai donc fini par avoir gain de cause et je peux vous dire que ça n'a pas été simple car avec l'histoire de ce qui s'est passé au Mexique, autant vous dire que leur demander ensuite d'accéder à leurs données a pas été une partie de plaisir, j'en ai encore mal au dos tellement j'ai dû me baisser devant les grands pontes de notre belle et performante direction !

Bref, je les ai eus, les techniciens ont bossés sur les empreintes dès le feu vert des services des deux pays...

Alors la bonne nouvelle, c'est que les empreintes ont été retrouvée !

- Et la mauvaise ? Lança finalement Maze...

- La mauvaise c'est que ses empreintes ne sont pas sorties sur le fichage des adultes... Elles ont matché avec une ancienne affaire de mineurs... Ce qui ne nous arrange pas car on rien sur ce type ! Lors du fichage il devait avoir 17 ans.

- On a son nom ?

- Oui !

- Il s'appelle Marco Eljendro. Il doit avoir environ 32 ans aujourd'hui. Il a été choppé plusieurs fois dans sa jeunesse, un vrai trublion, un chien de guerre en devenir... On a réussi à avoir quelques tuyaux sur sa jeunesse mais à 18 ans pile, il disparait.

- Il passe du délinquant à l'enfant de cœur ? Lança l'OPJ venu en aide de l'équipe, un dénommé Chapuis, Stéphane de son prénom, petite trentaine et une moustache qui lui en donnait 10 de plus.

- C'est bien la question ! On aurait pu penser, vu la misère, vu la mafia locale, qu'il se soit fait liquider lors d'une rixe plus violente que les autres... C'est surement ce qui a même été pensé par les flics locaux. Mais vu l'empreinte sur le Beretta, il semble qu'il soit encore assez vivant pour tirer sur des flics Français !

- En tout cas, il semble qu'il n'ait pas raccroché les gants mais c'est impossible qu'il ait disparu totalement ou sinon, cela sous-entend qu'il ait été couvert à partir de ces 18 ans, souligna Gabin.

Yann se leva et marcha vers le centre du bureau de l'équipe. Il lança un regard à Verdier puis se tourna vers ces collègues. Il avait encore un coin de son crane bleuit par le coup porté par Mora au Mexique... Il prit alors la parole.

- Il a été couvert ! Plus encore, il est entré dans une organisation qui se sert de chiens de guerre, comme tu dis, pour faire les basses besognes, les enlèvements et les liquidations.

Au Mexique, on a été pisté dès le début, on a été suivi de près par cette Caste, ils sont infiltrés dans les services de Police, celui qui m'a bousillé mon costume en lin s'appelait Delano Mora et il n'avait rien d'un enfant de cœur, il était rodé pour jouer le double jeu... Il allait m'abattre comme un chien sur ce port en pleine nuit, il avait tout prévu et on était sur une zone qui laissait la place à toutes sorte de bobards pour maquiller ça en crime mafieux ! Si Gabin et l'autre fliquette Mexicaine ne m'avait pas suivi je serais pas là à vous emmerder encore une paire d'années !

Yann esquissait un sourire sur son visage grave, il essayait de lutter contre ces démons et rester ce flic qui était autant apprécié par ces collègues que suspecté par certains de ces supérieurs sur ces méthodes « old-school ».

- Ok Yann, on commence à avancer...

Verdier pris un gros feutre noir et se mit à écrire les idées et pistes ouvertes désormais.

- On a donc une espèce de secte, d'illuminés, la Caste de la tête d'Or. Ils enlèvent des hommes, des femmes, sur le sol Français, peut-être même Européen et les font traverser l'Atlantique en bateaux. Il se débarrassent de toutes celles et ceux qui ne correspondent pas à « leurs » critères.

Ils sont organisés, infiltrés et ce, sûrement depuis des années au Mexique et sur notre sol très certainement.

On a un nom, on a un profil et on sait qu'il est du genre violent mais qu'il disparait de tous les radars à ces 18 ans. On va creuser de ce côté-là mais je vais devoir encore me casser le dos !

- Et pour l'enlèvement de la jeune Le Bars ?

Les mots de Yann sonnèrent de façon très détachée, comme si le prénom de cette jeune femme lui était inconnu, comme si Eva n'était plus... Du moins pour le moment.

- Krim et Ludo sont donc à Brest, il y a eu des fouilles par les gendarmes de Brest sur le port à l'endroit des dernières émissions du portable de Le Bars. On a fait choux blancs, vous vous en doutez ! On pense que le portable a été coupé en arrivant sur le port, on ne peut pas être plus précis sur le lieu vu la zone de triangulation mais on pense que Le Bars a été embarqué pour quitter Brest. En bateau ? En voiture ? Impossible de le savoir ! Les caméras ont, semble-t-il de quoi nous aider un peu ! Ludo se coltine le travail de recherche sur les bandes avec les gars du port !

Sur ce mots, Verdier se releva du bureau sur lequel il c'était appuyé, il semblait fatigué mais également près à en découdre, il avait encore dans ces yeux fatigués toutes la force du flic qu'il était quand il était la place de Yann ou de Gabin... Il avait dans la tête ce grain de folie qui pousse les flics à ne jamais laisser tomber et se jeter corps et âme dans leur travail qui finissait par les engloutir.

Les disparus de la RadeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant