Chapitre vingt six

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Hôtel Continental, Brest, le capitaine Maze sortait de sa chambre, vêtu comme à son habitude, impeccablement. La rencontre avec la belle Eva était encore bien présente dans sa tête mais ce côté clair de son esprit c'était déjà un peu enfouit sous sa noirceur. Il avait eu Verdier au téléphone de bon matin et était déjà au courant pour Bayonne. Le filet commençait à se resserrer sur cette enquête, Yann avait l'esprit en ébullition et un nom tournait en boucle dans sa tête... El Toro... Plus aucun doute avec la disparition de ces quatre jeunes femmes, les affaires étaient liées.

Il avait donc touché du bout des doigts cette affaire il y a déjà plusieurs mois, il avait déjà travaillé sur cette affaire sans le savoir et avait surement perturbé des plans bien plus complexes que ce que lui et ces collègues avaient imaginés.

A peine 8H du matin et il était déjà d'une humeur exécrable car il se reprochait de ne pas avoir pu remonter les origines du mal avec cette ancienne affaire, cet homme en noir c'était donné la mort, coupant ainsi le lien avec l'origine de ce mal. Yann gardait ça au fond de son esprit. Il avait une capacité à tout retenir mais surtout à absorber ce mal, un jeu dangereux car cette capacité lui donnait mille possibilités pour mieux comprendre ceux qu'il combattait, mais également le risque de basculer, de laisser la noirceur recouvrir tout ce qui faisait de lui ce flic, cet homme.

Il arriva en trombe rue Gardye dans sa vieille BMW noire. Il entra dans la gendarmerie et retrouva rapidement Bastien pour faire le point sur les nouveaux éléments. Ces dernières disparitions faisaient accélérer l'enquête. Les éléments sur les containers donnaient la certitude que les premiers disparus avaient dû transiter par ce moyen de l'autre côté de l'Atlantique, mais aucune information supplémentaire, passé le trait bleu de l'horizon, tout devenait opaque pour la police.

Yann demanda à voir les vidéos du port sur la plage horaire où les deux containers fantôme furent chargés, même s'il ne disposait que de vues partielles, il devait chercher.

- Ils étaient là, c'est sûr, on ne peut pas les avoir loupés ! Cherchez, cherchez encore !

Le jeune Le Bars vu dans les yeux de Maze une flamme bruler, il savait qu'il était différent des premiers jours, beaucoup plus sombre que lors des premières journées.

- Le Bars, je peux vous parler ?

- Oui allons dans mon bureau.

- Cette affaire est plus complexe encore que ce que nous pensions. Cinq autres personnes ont disparu sur la région de Bayonne et cette fois il s'agit plus particulièrement de femmes...

- De femmes ? Qu'est-ce qui vous fait penser que les affaires sont alors liées ?

- Et bien il y a plusieurs mois, une affaire de disparition de jeunes femmes s'est soldée par la mort d'un « cerveau » ou du moins de celui qu'on a dit être le commanditaire de ce trafic. Il s'agissait uniquement de jeunes femmes au même profil... On avait pensé à de la prostitution... Mais on n'a jamais rien trouvé.

- Et ce « cerveau », qu'en avez-vous tiré ?

- Et bien on va dire que son cerveau a fini en partie sur ma veste...

- Comment ?

- Il s'est tiré une balle dans la tête, je n'ai pas réussi à le coincer avant, il m'a sorti des boniments sur la mort, puis a mis fin à ces jours devant moi.

- En effet, dur d'en tirer ensuite quelque chose !

- Bref, ce type avait un accent espagnol, inconnu au bataillon, comme s'il n'existait pas, il avait juste une pièce d'or en boutonnière. On a rien pu faire, l'affaire a été classée sans suite, mais je suis sûr que ce qui vient de démarrer est ce qui ne s'est pas terminé avec cette précédente affaire.

Les deux flics échangèrent encore quelques mots puis Le Bars retourna voir ces collègues pour accentuer la recherche sur les vidéos de surveillance du port. Ils disposaient de vidéos nombreuses grâce au système de surveillance du port, mais le travail était immense, il fallait visionner les bandes et essayer d'y trouver des indices, même si celles des grues du quai 8 avaient été mise HS, d'autres angles permettraient peut-être de capter un indice.

Yann se mit aussi à la tâche et après plusieurs heures de travail, le début d'une piste. Une limousine noire avait pris un passager juste après le chargement des containers fantôme... Difficile de voir les visages dans la pénombre mais l'homme semblait assez âgé, vêtu entièrement de noir et surtout... Au reflet de la lumière artificielle et blanchâtre des lampadaires du port, un point brilla au niveau de la veste, comme une pièce qui aurait reflétée la lumière, comme une pièce d'or semblable à celle d'El Toro. A cet instant, il n'y avait plus aucun doute, les affaires étaient liées, les jeunes femmes avaient été enlevées par les mêmes que ceux qui avaient enlevés ces jeunes hommes...

Restait désormais à savoir qui ils étaient, que cherchaient ils ? Les pièces du puzzle étaient posées sur la table mais à cet instant, il y avait trop d'inconnu pour tracer le macabre dessin de ces mystérieux hommes en noirs.

Yann appela directement Verdier au Bastion pour faire avancer l'enquête.

- Yann ? Du nouveau ?

- Oui boss, on y est, j'ai la preuve que les affaires sont liées, on a trouvé une vidéo au moment du chargement du Santa Maria qui a fait apparaitre un type qui semble ressembler à El Toro, même code vestimentaire et surtout, je ne peux pas le prouver mais même pièce en or à la boutonnière...

- T'en es sûr ?

- Comment veux-tu que je te le dise ? La vidéo est merdique, en pleine nuit, juste la lumière des grues, mais le type monte dans une Mercos, il est entièrement vêtu de noir et sur sa veste tu vois un truc qui brille sous la lumière, j'ai que ça putain, rien d'autre mais je suis sûr de moi Verdier !

- Ok, je te fais confiance ! J'ai lancé une nouvelle note de service pour élargir la recherche et tracer également les disparitions de femmes désormais. On avance mais faut que tu bouges, ça commence à faire du bruit et là on est presque à l'arrêt vu de là-haut... Tu crois que lorsque je vais leur dire que t'as cru voir une putain de pièce sur un mec et du coup tu es sûr qu'on tient le bon bout ? C'est trop maigre ! Je vais voir pour avoir des éléments avec nos homologues au Mexique, ce bateau est bien arrivé là-bas, on va devoir bosser avec eux et surement aller y faire un tour. Je mets Santos sur le coup pour Bayonne, il va rejoindre Gabin qui doit aller sur place.

- Ok boss, on fait comme ça, je continue avec les gars de Brest mais je pense que je vais devoir m'y coller pour le Mexique !!

- Tu es très bon pour deviner ce que je veux dire Maze ! Allé, commence à préparer ta valise et appelle ta femme pour lui dire qu'elle va avoir des vacances !

- Sympa la blague Verdier, c'est ta femme qui va s'ennuyer si je m'en vais ! Merci du cadeau !

Les deux hommes raccrochèrent. Yann resta un moment assît, il se bascula en arrière et sorti son étui métallique contenant ces petits cigares Cohiba. Il se mit à fumer en fermant les yeux. Il ne voulait pas vraiment partir de l'autre côté de l'Atlantique mais il le devait. Il n'était pas un grand fan des voyages en avion, resté enfermer comme ces cigares dans cette boite en ferraille !! Yann avait voyagé uniquement pour son travail, des déplacements qui l'ont mené aux quatre coins du monde pour parfois finir des enquêtes débutées au plus près de chez lui.

Mais pas de doute, une fois de plus il allait devoir partir loin d'ici pour trouver des réponses, un voyage à l'autre bout du monde pour trouver les réponses sur cette affaire mais surement aussi des réponses pour l'affaire El Toro.

En fait, à cet instant, Yann pensait à une seule chose, à une seule personne, il pensait à cette femme aux yeux bleus, celle qu'il venait de rencontrer dans sa vie et qu'il allait devoir quitter sans même savoir s'il la reverrait, c'était dur à vivre pour lui qui pourtant était dur comme la pierre, il devait juste se convaincre que tout cela n'était rien, une femme mariée qui joue avec le feu pour se faire peur et retrouver de plus bel le chemin de la maison et les bras de son mari... Il était surement à côté de la plaque en pensant que cette belle brune qui aurait fait craquer n'importe quel homme en pinçait pour lui.

Les disparus de la RadeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant