Chapitre Quarante Neuf

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Soleil sur la ville, Brest n'était surement pas la ville la plus chaude de France mais cet Été était particulièrement chaud et seul l'air venant de l'océan rafraichissait un peu les badauds qui se baladaient, insouciants, dans les rues et près des plages. Une jeune femme marchait sur la route de la corniche vers la base sous-marine de Brest, tout près des monstres de bétons, vestiges du passé, ces bunkers géants qui avaient traversés les années pour nous montrer encore aujourd'hui que la folie des hommes traverse le temps et leur survit... La recherche de la vie éternelle, l'obsession des puissants à laisser leurs empreintes, de voir leurs rêves, même les plus démoniaques, marquer les esprits pour des décennies, des siècles. L'histoire déborde d'exemple de despotes qui auront imposés leurs idées à des peuples entiers pour créer un monde tel qu'ils l'imaginaient. Mais à chaque fois, l'humanité a repris sa place et a mis à bas celles et ceux qui avaient souhaité la mettre à genoux !

Eva regardait l'océan et à l'horizon, imaginait celui qui faisait battre son cœur. Elle ne s'était pas remise de ce message qu'elle avait envoyé à des milliers de kilomètres sans vraiment le vouloir... Elle imaginait tellement de choses, tristesse ou indifférence, l'incertitude d'un cœur qui doute et qui hésite, qui veut rester protégé derrière une muraille. Elle se disait que peut être lorsqu'elle perdait son regard dans l'horizon, il regardait dans la même direction... Oui elle en était certaine désormais, elle était belle et bien amoureuse de cet homme ! Mais comment faire, elle était mariée, elle avait pris sa décision et ne pouvait pas se persuader de la possibilité de vivre une nouvelle vie sur un simple coup de tête, un coup de foudre...

Elle ne savait pas de quoi demain serait fait et surtout elle avait perdu ces belles certitudes, celles dont elles s'étaient convaincues après cette engueulade avec son frère qu'elle aimait tant ! Ces débuts à l'école à Brest se passaient bien, elle commençait une nouvelle vie, elle avait quitté son travail, elle avait réussi à réaliser son rêve en entrant dans la marine comme son père qu'elle avait tant entendu parler de ces semaines en mer sur son remorqueur... Tout était prêt pour qu'elle puisse enfin écrire une nouvelle page de sa vie ! Elle était arrivée au bord de l'eau, les vagues provoqués par le passage d'un bateau dans la rade venaient lécher le béton dans une musique qu'elle aimait tant... Le bruit de la mer, les clapotis de l'eau sur la terre. Le soleil réchauffait son corps et enfin, son cœur, comme si cette barrière qu'elle avait bâti avec le temps était en train de céder, elle devait avancer et enfin passer outre l'avis des autres !

A 10 000 Km de là, deux hommes étaient retenus dans un commissariat vétuste et n'avait pas la chance d'être rafraichi par l'air de l'océan, ils cuisaient littéralement dans ce réduit sans fenêtre mais cette fournaise n'était rien en comparaison aux flammes qui dévoraient Yann de l'intérieur en pensant qu'Eva était en danger à cause de lui et qu'il était pour le moment impuissant ! Il ne pensait qu'à une chose, sortir et prévenir Bastien pour qu'il puisse la protéger ! Ils venaient de passer plusieurs heures ainsi enfermés lorsqu'enfin des pas revinrent claquer le sol près de la porte qui finit par s'ouvrir.

Dans l'entre bâillement de la porte, Muñoz était là au côté d'un homme richement vêtu, il n'était certainement pas policier ni même avocat... Surement un politicien ou un diplomate pour régler ce problème potentiel entre les deux pays à cause de ce qui c'était passé sur le port, la veille.

Les deux hommes entrèrent, l'homme au costume de couleur bleu royal se dirigea vers l'une des chaises et s'assit sans dire un mot. Il imposait une force difficile à décrire sans même parler, les deux flics français avait bien vu la relation de supériorité qui existait entre cet homme et Muñoz qui restait en arrière et n'avait pas osé croiser le regard de celui se tenait face à eux, le décor était planté.

- Messieurs je vous présente M. Fuentès, il est le sénateur de l'état de Verra Cruz, il intervient aujourd'hui dans le cadre de la diplomatie entre notre pays et le vôtre...

- Merci Muñoz, ces messieurs semblent fatigués et bien mal en point ! Que vous est-il arrivé pour être couvert de sang ?

C'est Gabin qui prit la parole le premier, il ne voulait pas laisser Yann dire une connerie qui risquerait de les bloquer encore ici un moment...

- Nous avons tout expliqué aux policiers lors de leur arrivée sur le port, ce Mora a tiré sur mon collègue et nous avons riposté avec l'aide de la policière Florès qui peut en témoigner.

- A oui, c'est vrai, on m'a expliqué cela et je constate que les blessures de votre collègue corroborent vos dires !

L'homme parlait dans un français impeccable, s'en était déstabilisant car il dénotait dans cet endroit crasseux, il était assis au milieu de la pièce sous l'unique source lumineuse, ces traits étaient un peu déformés à cause de la mauvaise luminosité, mais Yann était mal à l'aise en face de lui, il ne ressemblait en rien à un homme politique comme ceux qu'il avait déjà rencontré à mainte reprises dans sa vie de flic, il détectait la même tension qu'il avait ressentie entre Mora et Muñoz lors de leur arrivée dans cet État. Mais pour le moment il ne pouvait qu'écouter et attendre même si au fond de lui il bouillonnait !

- Une question nous reste malgré tout, comment ce fameux policier c'est retrouvé avec une balle dans chaque jambe ? Comment est-il mort alors que vous l'aviez neutralisé ?

- Il a été blessé dans l'échange de feu, je l'ai tiré le long du port en attendant l'arrivée des secours appelé par Florès répondit Yann. Ensuite on ne sait pas ce qu'il lui ait arrivé, on s'est retourné vers les voitures de police et on l'a entendu gémir et convulser avant de mourir.

- Très bien, cela semble en effet être ce que nous avons entendu et constaté. Cela met dans une situation particulière nos deux administrations, vous vous en doutez j'en suis sûr ! Je vais appeler vos supérieurs pour voir à organiser votre retour en France, vous semblez être en danger et nous allons prendre le relais de votre enquête, nous allons bien sûr aider nos amis Français à comprendre ce qui est arrivé, mais nul doute que vous ayez joué de mal chance et que notre pauvre Mora était tout simplement en lien avec un cartel de drogue, vous aurez surement mis en danger une cargaison ou autre sur le port, c'est malheureusement courant. Nous allons enquêter, et tiendrons informé vos responsables !

Le discours était clair et entre les lignes, tout était dit, les Mexicains allaient reprendre la main, maquiller cette affaire en un simple problème lié à la drogue, mauvais timing sur le port et c'était bouclé ! Ils refermeraient l'enquête sur de fausses conclusions pour écarter les Français ! Mais Yann et Gabin devaient penser à sortir de là, à protéger Eva... Et pour cela ils devaient faire profil bas !

- Et pour notre enquête ? Nous n'avons pas pu avancer sur ces disparus...

- N'ayez crainte, si vos disparus ont bien traversé l'Atlantique pour venir à nous, nous trouverons leurs traces ! A moins que vous émettiez des doutes sur les capacités des hommes du Commissaire Muñoz ici présent ?

La tension se lisait sur le visage du policier Mexicain en arrière-plan de cette scène de théâtre, de ce jeu de dupes... Yann en était persuadé, il y avait surement des liens avec la police et ce soi-disant sénateur avec leur enquête ! Mais Yann se tenu au plan qu'il avait établi avec Gabin peu avant, et pour cela il fallait sortir coute que coute !

- Je n'ai rien dit de tel ! Nous ferons en sorte de transmettre nos éléments d'enquête pour faciliter le travail des policiers de l'État.

- Voilà qui est parfait, souligna Fuentès, nous allons surement pouvoir vous faire sortir d'ici peu, nous dévons juste procéder à quelques vérifications en France !

Fuentès jubilait intérieurement et quand il parlait de vérification, il pensait bien sûr à l'enlèvement d'Eva ! Il voulait garder ces deux flics enfermés le temps que la jeune Eva soit capturée par Don Josué à Brest !

L'homme en bleu se leva et sans dire un mot repartit, Muñoz ouvrit la porte et le laissa passer, il se tourna ensuite vers les deux flics pour leur adresser un regard froid et évocateur du mépris qu'il avait pour eux.

La porte se referma sur les deux hommes, Yann et Gabin se retrouvèrent à nouveau seuls dans ce placard à balais qui leur servait de geôle, le temps leur paraissait durer une éternité mails ils avaient tenu bon et sentait qu'ils allaient pouvoir sortir, même si cela leur coutait beaucoup !

Les disparus de la RadeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant