Chapitre [1]

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Juillet 1789.

La Révolution a débuté, et les idées qu'elle diffuse courent les rues de Paris en rendant de l'espoir au peuple en colère.

Cependant, cette vague d'anarchie n'a pas encore touché les campagnes et le petit village de Bourgogne dans lequel Jean-Andoche Junot regarde couler le Rabutin.

Accroupi alors que ses yeux bleus fixent inlassablement le cours du ruisseau, il imagine le voyage qu'on pu parcourir ces eaux. Sans doute ont-elles vu plus de paysages que tous les hommes de cette région, ont-elles rencontré plus de faune et de flore que tous les hommes du pays n'en connaissent.

Il laissa échapper un soupir de mélancolie.

Lui aussi, il aimerait découvrir le monde... c'est un rêve assez commun après tout. Pas que sa Côte d'Or natale ne lui plaise pas, au contraire ; il y a tout ici, que ce soit au niveau du paysage peint de collines vertes, de ruisseaux et de champs, de l'église si vieille qu'on ne compte plus ses siècles.

Mais pour ce qui était du commerce et de la mobilité, ce n'était pas encore ça. Ici, les affaires commerciales se limitaient au minerai de fer, et au charbon de bois produit en masse dans les forêts environnantes. Et sur les chemins délabrés qui faisaient les routes, ne passaient que des calèches et des hommes et femmes allant travailler dans les champs ou dans les villages environnants, ou pour certains encore, à Dijon.

Oui, ce petit village au creux de la vallée n'avait rien à voir avec les plus grandes agglomérations. Même la ville de Châtillon-sur-Seine, où il était allé au collège, n'était en fait qu'un grand village. Mais pourquoi s'en plaindre? Il l'aimait, sa Bourgogne, il y mourra comme il y était né. Et même s'il s'y ennuyait parfois, son village de Bussy-le-Grand n'avait rien à envier aux villes comme Paris où les égouts finissaient par s'étendre dans les rues, et où il y a tant de monde et que l'on se sent noyé sous les grands bâtiments.

C'est du moins ce que l'on disait de la capitale... outre cela, le jeune homme blond avait envie d'en voir davantage, de connaître mieux ce monde qui l'entourait et de voir à quel point il ressemblait ou différait des livres qu'il avait dévorés durant son enfance et son adolescence.

Son regard se concentra sur les poissons qui nageaient lentement dans l'eau claire - peut-être se plaisaient-ils, tout comme lui, à se reposer sous ce Soleil chauffant?

Ces poissons étaient libres, eux. Ils n'avaient pas besoin de suivre la voie que leur avait imposé leur père, ils allaient où ils voulaient. S'ils souhaitaient nager jusqu'à la Seine, la mer Méditerranée, l'Océan Atlantique, rien ne pouvait les en empêcher.

Une voix fluette le tira de sa rêverie.

- Andoche!

Le garçon tourna la tête vers sa sœur en grimaçant. Il détestait ce satané prénom! Et sa sœur le savait pertinemment. Toute aussi blonde que lui, elle n'avait qu'un an de moins et pourtant elle paraissait bien plus mature. Peut-être était-ce les traits de son visage, qui étaient plus soulignés.

- Louise, arrête de m'appeler ainsi.

- Alors comment veux-tu que je t'appelle?

- Je n'en sais rien!

Alors que son frère se relevait, la jeune fille roula des yeux.

- Tu devrais arrêter de te coucher sur l'herbe. Cela salit tes habits.

- Au moins cela te donne du travail...!

- Oh, que tu es idiot! Pesta-t-elle en lui donnant un coup sur le bras.

Folie rime avec irréfléchiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant