Chapitre [179]

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Mars 1808

Junot loin et le cœur asséché, sans compter ses campagnes aussi désastreuses que sa relation avec Joséphine, Napoléon avait le moral au plus bas. Intérieurement, bien sûr, car en public, il devait faire bonne figure. Et il n'en avait pas la force, aussi était-ce la raison pour laquelle il n'était pas sorti de sà chambre depuis plusieurs jours. L'on le disait malade, il se sentait mourant. Combien de fois n'avait-il pas rêvé de quitter ce monde...

Alors il avait pris plume et papier et y avait retranscrit ses plus sombres pensées. Junot avait ses périodes de folie, lui avait ses périodes de dépression. Quel beau couple...

Il avait d'abord voulu écrire à son adorable amant qui lui manquait tant, mais il s'était retenu. Lui écrire pour lui dire quoi? Qu'il avait des idées noires, qu'il se sentait plus seul que jamais? Cela l'inquiéterait et ne servirait à rien.

Alors il eut une autre idée ; il froissa sa feuille et en pris une autre. À qui allait-il écrire? Mais au Tsar Alexandre de Russie, bien sûr! Ce beau roux dont il avait commandé des tableaux et entendait des louanges... s'il fantasmait sur lui? Nooon, pas du tout... et il n'avait pas non plus demandé une miniature où ils s'enlaçaient...

L'encre fusaient sur le papier ; il se sentit pris d'une soudaine inspiration. Jusqu'à ce que ce ne soit plus l'empereur qui écrive cette lettre, mais l'homme.

Au fil des mots, il se sentait pris d'une fièvre, mais il jugea qu'elle n'altérait pas sa réflexion. Alors ils continua de retranscrire ce qu'il pensait ingénieux.

"...Au 1er mai nos troupes peuvent être en Asie. Alors les Anglais, menacés dans les Indes, chassés du Levant, seront écrasés sous le poids des évènements..."

Il s'imaginait déjà lever une armée de français et de russes qui dominerait le monde. Son aversion pour la guerre disparaissait pour laisser place à des rêves d'aventures idylliques. Serait-il, comme Junot, en train de pencher vers le délire? En tout cas, il ne ressentait plus la peine. Pourtant, des larmes coulaient encore... il les essuya des revers de sa manche. Tremblant légèrement, il posa sa plume pour sortir sa poudrière de sa poche et se régaler d'une petite dose d'opium.

Puis il se remit à écrire en reniflant. Il ne pleurera plus.

~ ☘ ~

- Sire... Sire, les espagnols se révoltent!!

Lucien posa son verre de vin et observa ce général en sueur et paniqué qui ne s'était pas fait prier pour entrer.

- Il était temps! Donne-moi plus de détails.

- La ville... la ville est à feu et à sang... oh, seigneur...! Tant de morts... tant de cruauté... cette répression est la plus sanglante que je n'ai jamais vu!!

- Qui en est à la tête? Du côté français.

- C'est le Maréchal Murat, Sire... il a prit les commandes de l'armée et... Vous ferez mieux de fuir la ville pour être en sécurité!

- Murat... ce bel imbécile... il se prend pour le Roi, il ne sait pas quelle est sa place... il croit peut-être qu'il est le maître, qu'il réussira à mater cette rébellion, mais même s'il y arrive, les espagnols ne s'arrêteront pas là. Je les connais bien. Hm, oui, merci du conseil. Avant de partir, rappellez-moi quel jour nous sommes...

- Le 2 mai, Sire.

- Merci... je sens que cette date ne sera pas oubliée de sitôt.

~ ☘ ~

Le Tsar de Russie relu une dernière fois cette lettre. Il voulait être sûr de ne pas avoir mal compris les démarches de l'Empereur des Français.

Folie rime avec irréfléchiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant