Chapitre [40]

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Junot, des feuilles à la main, passa devant la chambre de Napoleone avec un petit sourire. Il était devant son miroir, s'occupant pour une fois de son apparence physique. Cela lui fit plaisir. C'était si rare.

Mais il ouvrit grand les yeux en apercevant l'horrible acte que son général s'apprêtait à faire et l'arme affreuse qu'il avait en main.

- AAAAAAH!!! Mon général, que faites-vous?!!

- Je coupe... ces cheveux inutiles, grogna-t-il en réduisant d'à moitié son côté droit dans un coup de ciseaux.

- Mon Dieu, mon Dieu, non, arrêtez!! Très bien, si vous tenez tant à raccourcir votre coupe, je vais le faire à votre place, d'accord...?

Junot se précipita vers lui et il lui prit les ciseaux des mains d'un geste vif.

- Voilà! Plus de bêtises à présent!

- ...Je ne puis même pas m'occuper de ma propre tête?!

- Vous coupez vos cheveux comme l'on fauche un champ! Regardez-moi ce résultat... vous ne ressemblez plus à rien. Laissez-moi arranger ça. Seigneur, c'est une catastrophe...

Il gonfla les joues et croisa les bras. visiblement, il n'avait pas son mot à dire.

Le bourguignon inspecta l'horreur sous tous ses angles. Il avait un côté long qui tombait sur son épaule et l'autre bien plus court qui rebiquait derrière son oreille. Et on ne comptait plus les épis et les mèches qui lui tombaient sur les yeux.

- Une frange? Ou pas de frange?

- Oh, peu importe. Tant que je n'ai pas la vue brouillée.

Junot prit une mèche entre ses doigts et en coupa le bout. D'accord, il n'avait jamais coupé les cheveux de quiconque. Mais dès qu'il avait vu son général se mettre à la tâche avec si peu d'habileté... ah! Il devait réagir.

- Et puis le départ pour la campagne d'Italie est dans quelques jours! Voulez-vous avoir l'air agreste devant les soldats que vous allez commander?!

- Es-tu mon aide-de-camp ou ma mère?!

- Ah, votre mère, elle ferait bien de venir vous instruire un peu sur la mode et les critères de beauté à présenter en public!

- C'est vrai qu'il faut être beau et pimpant pour partir à la guerre.

- Exactement...!

- Et la boue et le sang ne gâcheront sûrement pas ma nouvelle coiffure...

- Ah, mais vous êtes énervant!!

- Je ne vois seulement pas pourquoi je dois me parer pour la guerre comme pour un bal!!

- Mais parce que la guerre en elle-même est une parade!! Vous avez fait votre éducation dans une école militaire, ce n'est tout de même pas moi qui vais vous apprendre comment fonctionne l'armée!

- Figure-toi que nous n'avions pas de cours de mode entre les entraînements au canon et les mathématiques!! Et puis là c'est les cheveux, mais demain ce sera quoi? Tu voudras nettoyer mon uniforme jusqu'à ce qu'il brille, cirer mes bottes afin d'y voir ton reflet?!

- Comme vous êtes de mauvaise foi!! J'essaie seulement de vous rendre présentable, et ce n'est absolument pas pratique vu la façon dont vous ne vous tenez pas tranquille!!

Le corse se tut, visiblement l'air boudeur.

- Tu peux tout couper court, marmmona-t-il. Tout raser.

- Sûrement pas!! Attendez un peu...

Il avait hasardement coupé comme il pouvait des cheveux qui allaient maintenant jusqu'au bas des oreilles. Une coupe qui n'était ni trop courte ni trop longue ; on ne pouvait certes plus les attacher mais ils repousseront bien vite.

Folie rime avec irréfléchiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant